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Soutenir l'emploi dans le non marchand, c'est vital

Soutenir l'emploi dans le non marchand, c'est vital Elisabeth Degryse © M.Cornélis

L’actualité politique récente fait frémir le secteur non marchand bruxellois. Elle a mis sur la table une possible réforme des politiques de soutien à l’emploi à Bruxelles. Des changements pourraient intervenir concernant les aides à l'embauche dans le secteur non marchand: pour les ACS (agents contractuels subventionnés) et les articles 60 (emplois subventionnés via les CPAS). Le débat - qui ne saurait tarder en Wallonie – ne peut se faire sans concertation et ne peut être détaché des plus-values sociétales que ces emplois apportent.

 


APE, ACS, TCT, CST… Peu importe leur acronyme, les postes subventionnés par les Régions existent depuis plus de trente ans. Concrètement, ces dispositifs se matérialisent sous la forme d'une subvention versée à l’employeur qui couvre tout ou une partie de la rémunération du collaborateur. Ils donnent lieu, dans certains cas, à une exonération - quasiment totale - des cotisations patronales de sécurité sociale.

Soutien à l'associatif

À l'origine de ces dispositifs, l'intention n’était pas tant de répondre au manque d’emplois disponibles sur le marché du travail, mais de soutenir par ce biais les associations qui œuvrent à l'élaboration de politiques particulièrement porteuses de sens pour la société. Ces dispositifs viennent en soutien, par exemple, des secteurs socioculturels ou socio-sanitaires actifs dans des domaines tels que la petite enfance, la jeunesse, l'insertion socio-professionnelle, l'éducation permanente, la santé…

Au départ, il s’agissait donc bien d’un levier pour encourager le monde associatif et pour soutenir, par ce biais, des politiques essentielles au mieux vivre ensemble. Petit à petit, les pouvoirs locaux - acteurs de ces mêmes politiques - ont également été soutenus. On pense en particulier aux emplois subventionnés au niveau communal dans le cadre du décret accueil temps libre. Des embauches pour coordonner les différentes initiatives d'accueil après l'école.

Les Régions aux commandes

Aujourd’hui, avec la 6e réforme de l’État, la quasi intégralité de ces politiques est transférée du Fédéral aux Régions. En ce compris les réductions de cotisations ONSS (cotisation de sécurité sociale versée à l'Office national de sécurité sociale). Les entités régionales ont donc l’entièreté du coût de ces dispositifs à leurs charges. Elles ont alors saisi ce qui leur semblait être une opportunité: elles ont réfléchi à la question du soutien à l'emploi et elles ont repensé leurs politiques.

Mais, les prismes de l’efficacité, de l’activation des chômeurs, du coût et de la charge financière deviennent pour ainsi dire les seuls angles d’attaque de la problématique. La question des types de politiques soutenues, celle des retombées pour l’ensemble de la population et celle des enjeux majeurs en termes d’éducation ou de création de lien social ne sont que peu abordées. Voire absente des débats. On peut alors craindre les conséquences des orientations que le gouvernement bruxellois et le gouvernement wallon prendront dans les mois à venir. Elles risquent d’être importantes pour les associations et le non marchand. Les emplois en question seront-ils directement menacés ? Seront-ils demain promis au secteur marchand ?

Face à la complexité sociale

Quelle est la pérennité de notre projet de société, si les associations qui la composent sont mises sur le carreau par des choix politiques ? Faut-il rappeler que les emplois créés par le non marchand ne sont pas délocalisables ? Qu’ils garantissent des emplois pérennes dans nos régions ? Que ces emplois participent directement au maintien et au développement de la cohésion sociale ?

Par ailleurs, la réforme envisagée à Bruxelles - et qui ne tardera pas à percoler en Wallonie - ne peut pas être l’occasion pour les pouvoirs publics de demander une réorganisation du secteur associatif (fusion des asbl …). On voit poindre les exigences de rationalisation dans des logiques financières ou le nivellement de la qualification des travailleurs par le bas, sans tenir compte de la complexité sociale du terrain.

Enfin, les réformes ne peuvent pas non plus être l’occasion pour les administrations publiques de s’arroger les pouvoirs d’octroi des postes, et au final de définition des critères d’attribution voire des politiques qui y sont liées. Cette compétence doit bien rester au niveau du gouvernement.

Dans ces débats, la Mutualité chrétienne plaide pour que les gouvernements concernés soient attentifs à la concertation nécessaire avec le secteur associatif et non marchand. Ceci afin d'éviter que l'emploi dans ces secteurs soit détricoté et mis à mal par des choix hâtifs. La Mutualité demande de considérer ce qui a motivé la création de ces postes, et de faire en sorte que les politiques soutenues à l'époque par ces mesures d’encouragement à l’emploi soient encore les politiques prioritaires de demain. Nous souhaitons que les réformes envisagées par les gouvernements n’organisent pas une opposition entre le secteur public et les associations qui bénéficient de ces aides, mais bien que leur complémentarité soit reconnue et leurs spécificités protégées; que des solutions pérennes et structurelles soient privilégiées à des solutions qui ne rencontreront pas les vrais enjeux sociétaux de demain.