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Être femme… en 2015, une sinécure ?

Être femme… en 2015, une sinécure ? © Matthieu Cornélis

Début mars marque un rendez-vous régulier pour les mouvements féminins dans le monde, avec la journée internationale des femmes. Le principe de l'égalité des droits y revient à l'avant-scène. Il n'est pas autant acquis qu'on pourrait le penser. Exemples en Belgique pour le démontrer.

 


Depuis plus de 100 ans, de nombreuses femmes et des hommes se battent pour la reconnaissance des droits des femmes (droit au travail, droit de vote…), ainsi que pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Parmi les moments marquants de cette mobilisation : la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, réunie à Pékin, en septembre 1995. Voici 20 ans déjà. Y étaient adoptés une déclaration et un programme d'action avec des engagements précis dans douze domaines essentiels (environnement, santé, éducation…) visant l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes partout dans le monde.

Force est de constater que malgré ces engagements pris par une majorité d’États dont la Belgique, en 2015, l’égalité entre les hommes et les femmes n’est certainement pas acquise. Les inégalités persistent. Qu’elles soient au niveau salarial : en 2014, l’écart moyen entre une travailleuse et un travailleur, en Belgique, était de 22 %, et de 29 % pour les pensions. Qu’elles soient liées à l’accès à l’emploi, liées à l’accès aux soins et ce particulièrement pour les femmes seules avec enfants ou pour les femmes isolées. Qu’elles soient liées à l’accès à l’éducation. À la liberté parfois… Faut-il rappeler les récents meurtres et exactions de Boko Haram pour témoigner qu’être une femme aujourd’hui n’est pas encore aussi "simple" partout dans le monde ? Au nom de la liberté de toutes les femmes, le combat n’est pas encore gagné et mérite certainement d’être soutenu, comme le rappelle régulièrement Vie féminine, organisation féminine constitutive du Mouvement ouvrier chrétien (MOC).

Récemment en Belgique, le gouvernement Michel s’engageait à "intégrer la dimension du genre dans chaque domaine politique afin d’éliminer les inégalités existantes et d’éviter de créer ou de renforcer des inégalités entre les femmes et les hommes dans la politique publique." Pourtant les régressions sociales concoctées par le gouvernement actuel toucheront certainement les femmes. Elles toucheront aussi les hommes, évidemment. La mobilisation est générale, sans distinction de genre. Car la société tout entière est soumise au régime drastique de l’austérité, au détriment de la taxation réelle des richesses existantes. Mais, malheureusement, tous les régimes d’austérité ont en général pour conséquence une régression plus importante des droit des femmes.

Des mesures finalement discriminantes

Les mesures gouvernementales, du gouvernement Di Rupo d'abord et du gouvernement Michel ensuite, ne sont absolument pas de nature à rétablir ou à soutenir une meilleure égalité entre les hommes et les femmes. En voici deux exemples.

> La limitation dans le temps et l’exclusion du droit à l’allocation d’insertion. Cette allocation d'insertion se nommait par le passé allocation d'attente. Les exclusions dans le cadre des allocations d'insertion touchent aujourd’hui deux tiers de femmes. Pourquoi ? Notamment parce qu'elles sont plus nombreuses que les hommes à détenir les contrats les plus courts et/ou à temps partiel, qui ne permettent ni une insertion professionnelle durable, ni la réunion des conditions pour avoir droit à des allocations de chômage "standard". De plus, demain, rien ne garantit que ces femmes aient accès au revenu d’intégration sociale (RIS), auprès d'un CPAS. Les critères d’accès à ce droit et les calculs des montants (entre autres, les règles de cohabitation) diffèrent de ceux de l’allocation d’insertion. La diminution des revenus qui en découle est parfois importante. Elle peut aller jusqu’au 46% des revenus du ménage. Majoritairement concernées, les femmes seront les plus touchées par ces mesures. En effet, ce sont elles, le plus souvent, qui endossent ce statut de cohabitantes.

> La suppression des crédits-temps "sans motif". Une des mesures qui attaquent indirectement les droits des femmes, est la suppression de l’allocation pour les périodes de crédit-temps dit "sans motif", par comparaison aux crédits-temps pour prendre soin d'un enfant jusqu'à l'âge de 12 ans (congé parental) ou pour l'assistance à un membre de la famille gravement malade. Régulièrement le crédit-temps "sans motif" cache de réels motifs. Et la suppression de l’allocation va, c’est certain, appauvrir une série de femmes qui n’ont pas le choix, qui activent la formule du crédit-temps par obligation souvent familiale, ne rentrant pas ou plus dans les critères des crédits-temps avec motifs.

Une lueur d’espoir ?

Récemment, le gouvernement a laissé entrevoir un mince espoir concernant les aidants proches. En effet, un accord semble intervenu qui viserait à élargir les conditions dans lesquelles un travailleur, un demandeur d’emploi ou un indépendant peut s’occuper d’un proche gravement malade. Qu’il s’agisse d'accompagner un proche en soins palliatifs, de s’occuper d'un enfant handicapé de moins de 21 ans ou de prendre soin d’un membre de la famille (jusqu’au 2e degré) atteint d'une maladie grave. Des mesures spécifiques seraient proposées pour ne pas sanctionner les chômeurs et soutenir les travailleurs et les indépendants.

Un combat obsolète ?

Non, l'égalité n'est certainement pas un combat révolu. Certes, chercher l’égalité pour l’égalité n’a que peu de sens. Chercher l’égalité au risque de mettre en péril la liberté d’association en réclamant des quotas d'hommes et de femmes dans les conseils d'administration des associations, n'a pas plus de sens… Mais garder à l’esprit que les choix politiques doivent être systématiquement passés à la moulinette du droit des femmes, ça oui : cela vaut la peine ! Sans cela, demain, les combats des 100 dernières années seront à reprendre.