Loisirs

"NinaLisa" : un sort jeté sur la vie      

2 min.
Sur scène, Nina Simone est magistralement incarnée par la comédienne et chanteuse Isnelle da Silveira (à droite).  (c)Alice Piemme
Sur scène, Nina Simone est magistralement incarnée par la comédienne et chanteuse Isnelle da Silveira (à droite). (c)Alice Piemme
Soraya Soussi

Soraya Soussi

Une malle à souvenirs. Un piano. En guise de prélude, quelques notes sont jouées par Charles Loos, pianiste belge de renommée internationale. Ambiance tamisée d’un crépuscule. Lisa, interprétée par la comédienne et chanteuse Géraldine Battesti, entre en scène. Elle s'avance vers le coffre qui renferme une biographie de sa mère, Eunice Katleen Waymon, plus connue sous le nom de Nina Simone... Cette nuit, Lisa peut discuter avec le fantôme de sa mère décédée en 2003 des suites d’un cancer du sein. L’icône de la musique soul et militante pour les droits civiques est incarnée par Isnelle da Silveira, comédienne, chanteuse et co-scénariste du spectacle. Son accent, son charisme, son talent créent l’illusion : Nina Simone est là avec le public.

Une femme pour toutes les représenter
Si les biopics d’artistes sont un genre familier des écrans, il est plus rare de voir la biographie d’une chanteuse fouler les planches d'un théâtre. Thomas Predour, artisan culturel comme il se qualifie lui-même, a eu l’idée de ce projet après avoir entendu la chanson "Sinnerman", qui parle d’un pécheur désobéissant à Dieu. Pour le metteur en scène, les paroles de la chanson rappellent les actions de désobéissance civile actuelles et les voix qui s’élèvent contre l’injustice sociale : "Le défi était de présenter Nina Simone autrement et dans toute sa complexité. J'ai aussi vu un documentaire sur elle produit par sa fille, Lisa. Cela m'a donné l'idée de faire cette pièce pour entrer dans l'intimité de la chanteuse, à travers son rôle de mère, de femme, d'épouse, de militante, d'artiste…" Comme le décrivait la romancière Toni Morrison, pour lui aussi, Nina Simone incarne "toutes les femmes".

 

Complexité d'un être
Lisa, qui a suivi une carrière militaire, s’est lancée dans la musique à la mort de sa mère. Sur la scène, elle lui chante ses colères, sa solitude face à son absence. Agacée, Nina se justifie : "Tu comprendras quand tu auras des enfants". La colère est aussi palpable chez le fantôme de la chanteuse, hantée par les injustices essuyées durant sa jeunesse. Nina, qui à l'âge de 18 ans se fait recaler au concours du célèbre Institut Curtis de musique de Philadelphie pour sa couleur de peau malgré son talent évident. Elle qui rêvait d'être la première pianiste classique noire des États-Unis ! Cette humiliation l'entrainera très tôt dans la lutte pour les droits civiques des Noirs américains.
Le drame musical approche de nombreuses thématiques sociétales comme les violences intrafamiliales. Nina Simone s’est mariée plusieurs fois. Chacun de ses maris, dont le père de Lisa, s'autoproclameront "manager" et feront travailler Nina sans relâche, jusqu'à exercer sur elle de la violence physique. Malgré son succès, l'alcool et les drogues accompagneront la diva durant une bonne partie de sa vie. "On ne savait pas sur quel pied danser avec toi !", lance Lisa à sa mère. Un reproche balancé à la figure de Nina pour ses accès de colère, ses sautes d'humeur qui recèlent pourtant une longue période d'errance médicale. Nina Simone n'était pas une "diva excentrique". Elle était atteinte de bipolarité. Ce sont les nombreux traumatismes psychologiques qui ont déclenché la maladie, explique-t-elle à sa fille. Un diagnostic qui fait tomber le voile sur les fragilités de ce personnage charismatique. Lisa comprend à présent. L'aurore arrive.

Pour aller voir le spectacle

En pratique  : le mercredi 3 avril à 20 h, au SPOTT, centre culturel d'Ottignies-Louvain-la-Neuve, avenue des Combattants 41 à 1340 Ottignies • du vendredi 19 au dimanche 21 avril, au Théâtre royal des Galeries, galerie du Roi 32 à 1000 Bruxelles