Retour à Éditos

Sécurité sociale: rien n'est acquis

Sécurité sociale: rien n'est acquis Elisabeth Degryse © M.Cornélis

La fin du mois d’avril a vu l’avènement d'une campagne en faveur d'une protection sociale pour tous. Elle fait marcher ensemble tous les syndicats, les principales mutualités, les coupoles 11.11.11 et CNCD et une série d'ONG. Elle peut compter sur la Mutualité chrétienne pour se déployer. Tant son message réaffirme les valeurs du mouvement mutualiste. 


L’objectif de la campagne imagée par des sparadraps est d’attirer deux années durant l’attention du monde politique, des médias, des acteurs de la société civile, de la population… finalement de chacun de nous,  sur l’importance et la nécessité de mettre en œuvre une protection sociale pour tous, et de la défendre là où elle existe. De nombreuses études et analyses démontrent en effet qu'un tel dispositif est en réalité un moyen de développement économique et un facteur déterminant pour impulser plus de justice sociale.

Cette campagne porte tant sur notre réalité en Belgique et en Europe que sur celles ailleurs dans le monde. En effet, au Sud, certains pays  ont ces dernières années pris des mesures visant à développer une sécurité sociale pour tous : cotisations sociales, système de garantie de revenu,… ont réalisé rapidement des bonds en avant significatifs en termes de développement, et de meilleur qualité de vie pour chacun. En tant que mutualité, nous avons choisi de nous investir dans de nombreux pays africains ou de l’Europe de l’Est pour aider au développement de mutuelles de santé. Elles sont des embryons d’une sécurité sociale organisée et devraient demain être protégées par les États… Tels sont en tout cas les objectifs poursuivis. Au Nord, ne nous croyons néanmoins pas à l’abri et certains d’être tous protégés demain. Si la campagne peut a priori paraître davantage nécessaire pour nos partenaires du Sud, rien ne nous garantit aujourd’hui que  le système de sécurité sociale belge est quant à lui pérenne et immuable.  Au contraire.

La 6e réforme de l’État : un premier pas dans la mauvaise direction

Pour rappel, la 6e réforme de l’État de décembre 2011 prévoyait, outre la scission de l’arrondissement de Bruxelles Hal Vilvorde, le transfert de toute une série de compétences vers les entités régionales et communautaires. Une partie des compétences transférées est directement liée à la sécurité sociale. L'emploi, bien entendu. Mais aussi certaines matières en santé (assuétudes, prévention, 1re ligne…), les allocations familiales, etc. Autant de sujets qui constituent le cœur de la sécurité sociale et impliquent des acteurs essentiels  et historiques : le patronat (pour les allocations), les mutualités, les prestataires de soins. Aujourd’hui, les entités fédérées  semblent ne pas avoir encore totalement compris l’importance de ce transfert. La mise en place des organismes d’intérêt public qui seront les nouveaux acteurs de la sécurité sociale régionale, relève parfois plus du petit marchandage particratique que de la gestion responsable d’une protection sociale forte et cohérente.

Les velléités de certains acteurs politiques ou autre à ne plus considérer demain les matières transférées comme de la sécurité sociale et à les sortir d’un mode de gestion paritaire, sont un autre élément d’alerte. 

Les budgets régionaux exsangues risquent de ne plus garantir une continuité de protection pour toute la population. Au regard de ces contraintes financières, certaines politiques pourraient être revues  à la baisse. La Flandre vient d’ailleurs de faire un pas dans ce sens, en diminuant le remboursement par l’assurance soins de santé obligatoire  du coût journalier des maisons de repos. Une augmentation donc pour toutes les personnes âgées concernées. En Wallonie et à Bruxelles, nous ne sommes pas à l’abri de ce type de mesures.

Un gouvernement fédéral peu soutenant : un risque supplémentaire

Quelle qu'aurait été la coalition gouvernementale au pouvoir, cette campagne aurait eu du sens. Rien n’est jamais acquis - ni ici, ni au Sud. Il est toujours utile de remettre à l’ordre du jour politique la nécessité d’un système de sécurité sociale qui couvre l’ensemble de la population. Ne perdons cependant pas de vue qu’il y a un an déjà, le résultat des urnes a permis au MR d'être la seule formation politique francophone à monter au gouvernement fédéral. La coalition du côté néerlandophone du pays n’est pas plus progressiste, bien au contraire. Plutôt que le renforcement de la sécurité sociale, c'est sa fragilisation que l'on constate.

Les récentes sorties de la NVA mettant en cause les  raisons d’être des syndicats ne sont qu’un exemple parmi d’autres.  La sécurité sociale belge voit poindre son "dé-tricotage". Elle n'est en tous les cas  plus véritablement soutenue par certains partis de la majorité en place au fédéral.

Alors, oui, une campagne a tout son sens aujourd’hui

Face à cette réalité, la campagne  menée par cet ensemble d'acteurs sociaux prend encore plus de sens.  Car nos dirigeants ne semblent pas tous convaincus que la sécurité sociale apporte une plus-value, non seulement pour chaque individu protégé, mais également pour l’ensemble de la population.  Les principaux acteurs de cette protection sociale ne sont plus reconnus, voire attaqués. Il nous faut donc durant ces deux ans faire œuvre de pédagogie auprès de nos politiques et d’éducation permanente pour défendre et soutenir une meilleure protection sociale pour tous !

La Mutualité chrétienne s’inscrit avec force dans ce mouvement en faveur d'une protection sociale pour tous. Elle continue à défendre une meilleure sécurité sociale pour chacun dans le respect de nos valeurs phares:  la solidarité, l’équité, la justice sociale.