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Budget des soins de santé 2016 : un fameux défi !

Budget des soins de santé 2016 : un fameux défi ! © M. Cornélis

En pleines vacances d'été, le gouvernement Michel a décidé une série impressionnante de mesures budgétaires sous le titre de "tax shift" : économies, taxes, réduction de charges, régularisation fiscale… Ces mesures auront des conséquences pour la sécurité sociale et les soins de santé. Elles risquent d’avoir un impact négatif sur la santé et l’accès aux soins en Belgique.


Sous l’intitulé "tax shift", le gouvernement a présenté un ensemble de mesures d’économie et de dépenses – portant sur la période 2015-2018 – pour un montant global de plus de sept milliards d'euros. Il affiche deux buts principaux : favoriser la compétitivité des entreprises et augmenter les bas et moyens salaires. Des objectifs louables certes, mais qui ne sont envisagés qu'au travers de nouvelles taxes et économies. Le gouvernement déploie en quelque sorte une grande opération de vases communicants.

La sécurité sociale est mise à contribution Dans sa signification à l'origine, un tax shift viserait à alléger les contributions et charges payées sur le travail, en compensant cette réduction par une augmentation des impôts sur les revenus immobiliers et mobiliers (l’épargne, la spéculation, les transactions financières…). Un tel déplacement se justifierait pleinement aujourd'hui. On constate, en effet, ces dernières années une croissance plus rapide des revenus immobiliers et mobiliers dans le pays. Ils constituent une grande part de la richesse nationale. Notons que cette croissance s’est accompagnée d’une aggravation des inégalités sociales, comme l’a constaté récemment l’organisation internationale OCDE.

Cependant, le programme budgétaire pluriannuel du gouvernement ne relève pas vraiment de ce type de tax shift. Pour financer les mesures d’allègements pour les entreprises et les travailleurs, le gouvernement impose en effet des économies importantes en sécurité sociale (1,7 milliard d'euros dont 100 millions sur le budget des frais d’administration des mutualités); il augmente les impôts et accises (électricité, tabac, diesel) (1,6 milliard); il diminue encore les dépenses des administrations et … propose – à la marge – quelques taxes sur le capital. Les gagnants se trouvent du côté des entreprises. Et on espère que la réduction du coût du travail et la plus grande compétitivité se transformeront en emplois. Par contre, le budget de la sécurité sociale sera, quant à lui, amputé de recettes, du fait de la réduction des cotisations sociales. Et, il devra faire face à des dépenses supplémentaires suite à certaines mesures prises en faveur des allocataires sociaux. Le constat est sans appel : le déficit de la sécurité sociale va se creuser. Pour combler ce trou, le gouvernement a décidé d'une part d’imposer de nouvelles économies en sécurité sociale et d'autre part d’augmenter certaines taxes sur la consommation qui seront supportées par toute la population (travailleurs, pensionnés, chômeurs, invalides…).

Un budget des soins de santé très étroit

Ces économies en sécurité sociale se traduisent, entre autres, par une nouvelle réduction de la norme de croissance du budget des soins de santé à 0,7%, pour 2016. Et ce, sans concertation. Or, la norme de 4,5% établie pour la période 2004–2012, avait déjà été limitée à 3%, par le gouvernement précédent. Et, le gouvernement actuel s'est accordé en début de législature pour une diminution supplémentaire : 1,5% par an et ce, jusqu’en 2019 ! Les nouvelles économies réduisent cette norme à 0,7%. Ce budget 2016 ne contient dès lors aucune marge de manœuvre. Il sera impossible de répondre à de nouveaux besoins et très difficile de conclure des conventions et des accords avec les prestataires de soins. Le risque de déficit dans les soins de santé en 2015 et en 2016 est plus que probable. Le gouvernement compte-t-il le combler par l'imposition de mesures d'économies supplémentaires ? Pour la MC, il est hors de question que les patients en pâtissent et paient la facture.

Appel à la modération et au sens des responsabilités

Certes les perspectives de croissance économique resteront modestes pour les années à venir. Et ce, quelle que soit la coalition politique au pouvoir. Les moyens financiers resteront limités et nous ne pouvons plus attendre une hypothétique reprise économique pour faire évoluer et adapter notre système de soins. Il faut aller au-delà de mesures ponctuelles d’économies annuelles. Des réajustements au sein du budget des soins de santé sont vitaux pour répondre aux enjeux du vieillissement de la population et faire face à l’expansion des maladies chroniques et complexes.

Nous proposons donc à nos partenaires, cogestionnaires de l’assurance soins de santé – les prestataires de soins ainsi que les autres mutualités – d'élaborer un budget 2016 qui respecte la nouvelle norme de croissance mais propose aussi des initiatives dans le cadre d’une vision à long terme du développement des soins de santé. On y verrait le renforcement d'une première ligne de soins multidisciplinaire, le développement de structures intermédiaires entre l’hôpital et les maisons de repos et de soins, la centralisation des soins complexes, davantage de transparence dans les tarifs, plus de moyens pour l’optique et les soins dentaires…

Pour la mise en œuvre d’une telle vision, il faudra faire preuve de modération. Et agir pour le bien commun, non dans l'intérêt d'un secteur ou de cas particuliers. Sans l’engagement de tous (prestataires de soins et mutualistes), les patients risquent d’être les victimes.

Le tax shift élaboré par le gouvernement Michel n’organise malheureusement pas une plus grande justice fiscale. Il se caractérise par un transfert de moyens de la sécurité sociale et des consommateurs vers les entreprises et un groupe ciblé de travailleurs. Le budget des soins de santé est mis à la diète. Pour garantir l’avenir des soins et protéger les patients, les co-gestionnaires de l'assurance soins de santé devront faire preuve d'un sens aigu des responsabilités.