Passer en "mode avion"

© Patrick Lefevre BELPRESS

En cette période de vacances, notre article aurait volontiers pris des accents estivaux. On aurait parlé des bienfaits de la sieste, des grâces de l'ennui tant décrié dans notre univers suractivé, des bénéfices de "ne rien faire". On aurait évoqué l'esprit voyageur qui ne doit pas nécessairement partir au loin, qui s'accommode aussi très bien de son environnement proche, et peut prendre du plaisir à redécouvrir le bout de son jardin. On aurait réfléchi à la rupture de rythmes abrupte qui caractérise par trop nos modes de vie et peut transformer les vacances en séjour vital pour récupérer d'un stress épuisant. On aurait disserté sur le bonheur de s'exposer aux charmes d'un lieu, de flâner l'esprit ouvert, de partir à la rencontre de l'autre.

Et puis… voilà les images de sable blanc ternies. Les géos se muent en urgentistes ; les chaises longues en brancards. Un peu plus au Nord, l'Acropole et ses parents antiques cèdent la Une aux guichets de banque automatiques et l'avenir proche se conjugue sur le mode des désarrois économiques.

Allier prudence et curiosité

À l'adresse des voyageurs, les messages des autorités respirent la prudence : "pensez à emporter avec vous suffisamment d'argent liquide", conseillent les Affaires étrangères de la plupart des pays européens, à ceux qui ont choisi une destination hellénique. "Les banques grecques sont fermées jusqu'au 6 juillet et les retraits sont limités à 60 EUR (normalement, cette mesure ne concerne que les Grecs)", précise le site du Routard. Pour la Tunisie, tout voyage est momentanément déconseillé, par les autorités (1).

Voilà nos repères de joyeux juilletistes ou de gais aoûtiens quelque peu ébranlés. Jusqu'ici on pouvait se contenter des petits conseils humoristiques pour passer des vacances sereines. Comment parer au débarquement des amis des amis qui sont nos amis, aux coups de fil professionnels, aux ados en pleine crise, aux locations trompeuses... Là, il va falloir faire preuve de persévérance dans notre ouverture aux dépaysements ; ne pas céder à la panique ; faire preuve d'une solidarité renforcée ; ménager convivialité, esprit curieux et lâcher-prise.

À Rome, fais comme les Romains

C'est au détour des rencontres que se cachent les plus belles découvertes. Exemple à la caserne Fonck, à Liège, ce 27 juin, où on a pu voyager sans quitter le pays. Entre les concerts, les saveurs et les jeux, s'est glissée une réflexion sans prétention pour mieux vivre-ensemble : la parenté en plaisanterie. Cette tradition racontée par nos amis burkinabés (2) intrigue. Elle autoriserait, parfois même obligerait, des membres d'une même famille ou des membres de certaines ethnies entre elles, à se moquer les uns des autres. Ces rituels de taquinerie réguleraient les tensions sociales. Mais attention, tout n'est pas admis : exit les insultes sur les défauts physiques, exit les railleries sur les mères ou les femmes de manière générale… Cette tradition aurait le chic pour pacifier les relations, pour permettre de déverser les aigreurs, pour détendre l'atmosphère sans générer la rancœur. Car, entre parents en plaisanterie, le pardon s'impose. Ainsi on apprend des voyages, mais certainement aussi des voyageurs. Pas question ici d'appliquer à la hussarde un humour débridé - toutes les situations ne prêtent d'ailleurs pas à rire. De cette rencontre burkinabée on pourrait par contre retenir les vertus de la dérision bienveillante.

Un dernier conseil pour la route ? C'est en "mode avion" (cette touche ad hoc du téléphone portable) que nous aurions envie de vous suggérer de voyager : à la fois déconnecté de l'agitation globalisée, mais toujours capable de jouir des applications qui ne nécessitent pas de connexion à l'Internet (pour la musique, la lecture, les photos…) et susceptible d'être réactivées en cas de problème.

(1) Le site du Ministère des Affaires étrangères belges reprend des conseils aux voyageurs pays par pays. Voir http://diplomatie.belgium.be/fr/
(2) Les partenaires du Burkina Faso étaient mis à l'honneur par la MC Liège, la CSC Liège-Huy-Waremme et l'ONG Solidarité mondiale.