Santé mentale

Quand le chien soutient…

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Le chien va vers tout le monde, quelles que soient l'apparence ou les déficiences. © AdobeStock
Le chien va vers tout le monde, quelles que soient l'apparence ou les déficiences. © AdobeStock
Barbara Delbrouck

Barbara Delbrouck

Ce matin, Switch est de service. Il accompagne sa maîtresse au poste de police, pour une audition. Avec Nathalie Klein, policière dans la zone Bruxelles Nord, le toutou issu d'un croisement labrador-bouvier bernois forme un sympathique binôme chargé d'accueillir les victimes, lors des dépositions programmées. "Nous recevons des personnes souvent renfermées car elles sont dans la peur, le stress, la colère… Et il faut vraiment trouver une brèche pour rouvrir le dialogue", explique Nathalie, qui est souvent appelée dans les cas de violences intrafamiliales sur des enfants. Pendant que Switch use de son charme pour grapiller une caresse, Nathalie discute de manière décontractée avec la victime. "Je n'aborde pas les éléments du dossier, précise-t-elle. J'essaie juste d'instaurer un climat de confiance et puis je leur explique ce qui va se passer avec l'enquêteur. Après l'audition, la personne nous retrouve pour se déstresser. Elle peut caresser le chien, le brosser, le promener…" Sous ses airs de peluche, Switch est un professionnel. Il a suivi deux ans de formation au Canada avant d'arriver en Belgique en 2018, pour devenir le premier chien d'assistance judiciaire belge, aussi appelé chien de soutien émotionnel. Ils sont aujourd'hui quatre et d'autres sont sur le point d'entrer en fonction…

Nathalie Klein et Switch, chien d'assistance judiciaire de la zone de police Bruxelles Nord

Au procès des attentats, de nombreux témoins ont été accompagnés par un chien à la barre.

Réconforter les victimes

Depuis peu, Nathalie et Switch commencent à pouvoir accompagner des victimes jusque dans les cours et tribunaux. "Ce n'est pas encore officiellement permis par la loi mais les magistrats y sont de plus en plus réceptifs depuis le procès des attentats de Bruxelles", raconte la maître-chien. En effet, Switch était venu prêter main forte à Lucky, son collègue golden de la zone Bruxelles Capitale Ixelles. Tous deux se sont relayés pendant des mois au procès. "De nombreux témoins ont demandé à être accompagnés par le chien à la barre, se souvient Nathalie. Il était couché à leurs pieds et ils pouvaient le caresser. Quand ils racontaient quelque chose de difficile, ils regardaient souvent le chien, plutôt que l'interrogateur. En dehors de ça, nous restions dans les rangs des parties civiles. J'ai vu des victimes sourire entre leurs larmes voyant que Switch baillait, se couchait les quatre pattes en l'air… Ça a créé une diversion positive dans un climat très lourd. Même les avocats des deux côtés sont venus parfois le caresser."

Redonner goût à la vie

L'aura positive et apaisante des chiens est aussi de plus en plus appréciée dans les hôpitaux et les maisons de repos, où les projets se multiplient pour permettre aux patients et résidents de passer un moment agréable avec une boule de poil. Dans la résidence Saint-Thomas de Villeneuve, en région namuroise, c'est une petite cocker qui fait fleurir les sourires sur son passage. Depuis quelques mois, Twix accompagne régulièrement sa maîtresse Noémi Meurey, neuropsychologue, dans ses tournées à la rencontre des résidents. En laisse dans les couloirs, Twix peut être lâchée dans les chambres et monter sur le lit de ceux qui le souhaitent, pour un précieux instant câlins. "Souvent, le plus dur pour les personnes qui arrivent, c'est de quitter leur animal, observe Noémi. D'où m'est venue l'idée d'autoriser la visite d'un chien, pour les aider à se sentir comme à la maison." Noémi a collaboré avec un comportementaliste pour choisir son chiot et l'éduquer à ne pas avoir peur des chaises roulantes, d'une canne qui tombe, des éventuels cris ou gestes brusques… La petite chienne d'un an est à l'aise et a déjà conquis le cœur des résidents. "Quand elle est là, il y a comme une flamme qui se rallume chez eux, partage Noémi. Certains qui ne voulaient plus sortir de leur lit se lèvent. D'autres qui rechignent à faire de la kiné veulent la promener ou lui lancer la balle. S'en occuper leur redonne aussi un sentiment d'utilité. Et puis ça crée des discussions et du lien social dans l'institution." Autre avantage : Twix va vers tout le monde. Elle ne fait pas de différence, quelles que soient l'apparence ou les déficiences. Un des grands atouts des animaux, face aux humains.

Soutien en cas d'autisme, après un traumatisme

Depuis plusieurs années, des chiens d'assistance sont formés pour soutenir des enfants autistes. L'arrivée de ces "chiens d'éveil" a de nombreux impacts positifs : réduction du stress lors des situations anxiogènes, meilleures nuits, développement du langage et des contacts sociaux… Plus à l'aise avec les codes du chien, l'enfant fait des efforts pour lui parler et échange davantage avec son entourage, au sujet de son compagnon... Le regard des autres aussi est plus indulgent du fait de la présence du chien, qui visibilise la maladie grâce à sa cape indiquant son rôle. Outre-Atlantique, des chiens d'assistance accompagnent aussi des personnes souffrant de stress post-traumatique : militaires, victimes d'attentats… Le chien est entraîné à réagir à certains symptômes, comme les crises d'angoisse ou les cauchemars. Créant une bulle sécurisante autour de son maître, il l'aide à affronter les sorties devenues difficiles... À l'avenir, cela pourrait se pratiquer en Belgique sur base d'un rapport médical, précise Marie-Claire Dubois, présidente de l'association Os'mose qui forme des chiens d'assistance. Mais pas pour des cas de phobies ou de dépression, pour lesquels l’intérêt de faire appel à de tels chiens n’est pas reconnu.

Chien de médiation ou d'assistance : à ne pas confondre

Des études ont montré qu'avoir un animal de compagnie aide à réduire les symptômes d'une pathologie mentale de longue durée. Notamment parce qu'ils structurent le quotidien, rompent l'isolement, créent une connexion et une diversion bénéfiques à la gestion des émotions… Toutefois, ces bienfaits ne nécessitent pas l'obtention d'un chien d'assistance. Il est important de différencier chien de famille, de médiation et d'assistance, rappelle Marie-Claire Dubois. Les chiens d'assistance suivent une formation très poussée et certifiée, qui leur donne l'accès à tous les lieux publics. Pour la médiation animale, qui regroupe des initiatives en tous genre, aucune certification n'est exigée. Les formations sont très variables pour les chiens et leurs maîtres. "Il faut être vigilant, met en garde l'éducatrice canine. Surtout lorsqu'on travaille avec des publics imprévisibles. On ne peut pas faire n'importe quoi, avec n'importe quel chien ! C'est aussi une question de sécurité."

Quelle place au bien-être animal ?

Si le contact du chien nous apaise, qu'en est-il de leur bien-être à eux ? Apprécient-ils ce rôle d'assistant ou d'éponge émotionnelle ? "Les chiens aiment faire plaisir et être utiles, rassure Marie-Claire Dubois. L'important est de bien répondre à leurs besoins fondamentaux : nourriture, repos, balades et caresses. Pour les chiens d'assistance, on sélectionne les chiots en fonction de leur caractère. Lucky que nous avons formé est une force tranquille, qui adore le contact social." Toutefois rester calme et couché, accepter la caresse de nombreuses personnes, recevoir les émotions difficiles, cela demande en fait de l'énergie aux chiens qui sont fatigués après les interventions intenses. "Le chien doit pouvoir se reposer et se défouler au grand air pour évacuer. C'est pourquoi il est essentiel que le maître soit formé à reconnaître ses signaux de fatigue et de stress et puisse écourter la session au besoin."

Bon à savoir
Pas que des chiens guides

Différents types de chiens d'assistance sont formés par des associations pour aider des personnes à retrouver leur autonomie malgré la maladie ou le handicap.
- chien guide, en cas de déficience visuelle
- chien d'écoute, en cas de déficience auditive
- chien d'aide, en cas de handicap moteur
- chien d'alerte, en cas de diabète de type 1 mal régulé malgré les traitements ou de crises d'épilepsie fréquentes chaque semaine
- chiens d'éveil, pour les enfants souffrant d'autisme, d'une maladie rare ou d'un handicap mental

Pour continuer à changer la vie de ces personnes, ils ont besoin de familles, qui acceptent d'accueillir les chiots pendant leur formation (environ 2 ans).

--> Découvrez ces associations sur badf.be (Fédération belge des chiens d'assistance)