Politiques de santé

"Personne n'est malade par plaisir"

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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

"La réintégration au travail des malades de longue durée" figure en bonne place dans le programme du gouvernement Michel. Son intention initiale ? Confier au médecin-conseil de la mutualité le soin de proposer un projet de "retour à l'emploi" au travailleur en incapacité de travail dès le 3e mois qui suit sa déclaration d'incapacité. Avec comme corollaire, une pénalisation financière de 10% s’il refuse de suivre le plan de réintégration "sans motif valable" ou s’il ne "coopère pas suffisamment". Contrairement à ce que l'estampillage gouvernemental pourrait laisser entendre, les invalides (en incapacité depuis un an ou plus) ne sont pas concernés de manière prioritaire par cette mesure.

Ce projet a soulevé un tel tollé dans les milieux patronaux, syndicaux et mutualistes que les ministres de l'Emploi et de la Santé - respectivement Kris Peeters et Maggy De Block - ont quelque peu revu leur copie. Les modalités d'un plan de réintégration professionnelle ont été assouplies dans le temps. Et le médecin du travail devrait être plus étroitement associé à la démarche lorsque l'assuré est toujours sous contrat de travail. Toutefois, le nouveau projet maintient la pénalisation financière de 10% en cas d'efforts insuffisants.

"Imposer un processus de réintégration à l'emploi n’est presque jamais nécessaire : après deux mois d’incapacité, plus de la moitié des assurés ont déjà spontanément repris le travail. Ils sont 80% après six mois !"

Une dynamique positive indispensable

Le Groupe des Dix (qui réunit les représentants des employeurs et des organisations syndicales) s'est penché sur la mesure. Il a conclu un accord sur un plan de réintégration professionnelle et insiste pour qu’il se fasse sur une base volontaire et sans risque de sanction.

La Mutualité chrétienne se réjouit de ce point de vue commun. Elle partage l'idée selon laquelle la remise au travail des personnes en fragilité de santé est un objectif louable et même indispensable – dès que l'état de santé le permet – pour éviter le décrochage professionnel et social. Mais ce retour à l'emploi doit se réaliser dans une dynamique positive qui implique l'adhésion du travailleur. Dans les faits, cela se traduit le plus souvent par un retour à l'ancien emploi, éventuellement de manière partielle. Cela peut prendre aussi la forme d'une nouvelle fonction, mieux adaptée aux capacités de la personne. Parfois, une réorientation professionnelle doit être envisagée, ce qui nécessite du temps.

"Nous enregistrons de bons résultats. Nos médecins-conseil constatent que le processus n’est couronné de succès que si les démarches sont faites en accord avec les patients", précise Etienne Laurent, membre de la direction médicale de la MC. Contraindre une personne à retourner au boulot alors qu'elle ne s'en sent pas encore la force n'est pas la solution. On assiste bien souvent à une rechute dans un délai plus ou moins court.

"Il faut remettre les choses à leur juste place dans ce débat, affirme encore la MC. Imposer un processus de réintégration à l'emploi n’est presque jamais nécessaire : après deux mois d’incapacité, plus de la moitié des assurés ont déjà spontanément repris le travail. Ils sont 80% après six mois !"

En bref, la démarche privilégie l’accompagnement, pas la contrainte. Il ne faut pas brandir la mesure de sanctions… décidées à des fins purement budgétaires, estime la MC. Comme elle le rappelle, un système de sanctions existe déjà à l'encontre des personnes qui abusent du système et s’obstinent à refuser de collaborer. Rien qu'en 2014, 10.750 personnes ont perdu l’intégralité de leurs indemnités…

Inquiétudes

Au moment où nous écrivons ces lignes, le gouvernement fédéral ne s'est pas encore prononcé sur l'accord social conclu par le Groupe des Dix. Les premiers signaux sont inquiétants. Certains partis continuent à s’accrocher à la nécessité de sanctionner les malades et sont prêts, pour ce faire, à balayer l’accord social. "Ce serait une grave erreur. L’obligation d’un trajet de réintégration, assortie d’une sanction, est une mesure contreproductive qui aura pour seul effet de réduire le pouvoir d’achat d’une population déjà fragilisée tant sur le plan de la santé que sur le plan social, s'inquiète la MC. L’incapacité de travail doit faire l’objet d’un plan global dans lequel médecins-conseil, médecins du travail, médecins traitants et employeurs collaborent à un objectif commun : s’assurer du meilleur accompagnement et soutien des personnes en incapacité de travailler".