Politiques de santé

Les Pfas, des polluants éternels

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L'alimentation et l'eau potable sont les principales voies de contamination possibles aux Pfas.(c)AdobeStock
L'alimentation et l'eau potable sont les principales voies de contamination possibles aux Pfas.(c)AdobeStock
Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

Les substances per- et polyfluoroalkylées (Pfas) forment une grande famille de quelque 4.700 produits chimiques de synthèse. Les Pfas ont comme propriétés de résister aux  températures élevées et de repousser l'eau, la graisse et la saleté. Depuis les années 1960, ces molécules sont largement utilisées pour fabriquer divers produits de consommation courante : textiles (vêtements imperméables, tapis...), ustensiles de cuisine antiadhésifs, emballages alimentaires, cosmétiques… Les perfluorés entrent aussi dans la composition des mousses anti-incendie, des isolants de fils électriques, des cires à parquet, des vernis et peintures, des produits nettoyants et de certains pesticides.
Les liaisons carbone-fluor que contiennent ces substances sont tellement fortes qu'elles rendent leur dégradation quasi impossible, ce qui leur vaut le surnom de "polluants éternels".

Les produits contenant des Pfas sont une source de pollution importante, que ce soit lors de leur processus de fabrication, de leur l’utilisation ou lors du traitement des déchets. Les Pfas se propagent dans l’air, s’infiltrent dans les sols, contaminent les eaux souterraines et de surface. "L’utilisation massive des Pfas, conjuguée à leur persistance, a entraîné une contamination généralisée de l’environnement", reconnait la Commission européenne en introduction d’une recommandation relative à la surveillance des Pfas dans les denrées alimentaires. (22 août 2022). 

 

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Pfas : agir à la source

Comment les Pfas entrent-ils dans notre corps ?

La plus grande voie de contamination est celle de l’alimentation, explique l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (2). Les Pfas peuvent contaminer les cultures et les élevages, s’accumuler dans les chaînes alimentaires aquatiques et terrestres. Ils peuvent pénétrer dans les aliments pendant la production ou au contact des emballages. Les aliments qui contribuent à l'exposition aux Pfas les plus toxiques sont le poisson, les fruits, les oeufs et leurs produits dérivés.
L’eau potable est une autre voie importante de contamination, comme nous l’a montré l’actualité récente. Mais la contamination provient aussi de l'air que nous respirons et des produits que nous utilisons.

Quels sont les effets des Pfas sur la santé ?

La liste des problèmes de santé liés à une exposition à long terme aux Pfas s'étoffe au fur et à mesure que les études s'accumulent même s'il reste encore beaucoup d'inconnues. Les perfluorés sont des perturbateurs endocriniens (hormonaux) qui peuvent entraîner des troubles de la thyroïde, diminuer la fertilité et augmenter le risque de fausse couche chez la femme. La croissance problématique du foetus, le faible poids de l'enfant à la naissance et la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination chez les jeunes enfants sont également bien documentés. On pointe aussi une hausse du taux de cholestérol et des affections du foie. Par ailleurs, l'OMS a classé le PFOA parmi les substances cancérogènes et le PFOS comme probablement cancérogène.
Selon le toxicologue Alfred Bernard, professeur émérite à l’UCLouvain, les femmes enceintes et les bébés jusqu'à six mois sont actuellement au sommet de la liste des personnes à risque. "Nous savons qu'un certain nombre de personnes souffriront de maladies chroniques en raison de leur exposition aux Pfas", expliquait Gretta Goldenman, experte sur la question, dans le reportage d'Investigation.

À partir de quand les Pfas sont-ils dangereux ?

Les scientifiques en apprennent toujours plus sur les effets sanitaires provoqués par des niveaux d’exposition faibles aux Pfas. "Il n'y a pas de seuil en dessous duquel ces substances ne représenteraient aucun danger pour la santé", affirme le Dr Sébastien Cleerens, médecin spécialisé en santé environnementale à la Société scientifique de médecine générale (SSMG). Une fois présents dans le corps humain, les Pfas peuvent s’accumuler dans nos tissus plusieurs années voire dizaines d'années avant d’être éliminés.

Peut-on savoir si l’on a des perfluorés dans le corps ?

Il est possible de faire une analyse de sang pour savoir si l’on est en présence d’une concentration anormalement élevée de Pfas. La SSMG estime cependant qu’une telle analyse a surtout un intérêt pour les personnes qui vivent à proximité d’une zone (qui a été) contaminée et, en particulier, pour les populations à risque comme les femmes en âge de procréer, enceintes ou allaitantes ainsi que les jeunes enfants… Elle conseille à ces personnes de contacter leur médecin traitant afin de bénéficier le cas échéant d’un suivi médical étroit.

Conseils pour réduire son exposition aux Pfas

• Éviter les poêles et ustensiles de cuisine avec un revêtement antiadhésif PTFE (ex: Téflon). Opter pour la fonte, l’inox, ou l'acier inoxydable, qui sont inusables.

• Se renseigner sur la qualité de son eau du robinet et penser éventuellement à la filtrer efficacement. Préférer le pichet filtrable au bâtonnet de charbon actif plongé dans une carafe. Attention à changer le filtre quand c’est nécessaire. En cas d’achat d’eau minérale, préférer la bouteille en verre à celle en plastique, pour des raisons de santé et environnementales.

• Privilégier les aliments issus de l’agriculture biologique et éviter les aliments ultra-transformés.

• Éviter les emballages alimentaires jetables en carton traité : gobelets, boîtes pour restauration à emporter.

• Se méfier des textiles dits hydrofuges et antitaches (technologies Gore-tex ou Téflon).

• Choisir des cosmétiques sans ingrédients fluorés et certifiés "Ecocert" ou " bio" ; éviter les produits de maquillage "longue durée" ou waterproof.

• Privilégier les produits d’hygiène simples : pains de savon, huiles végétales, eaux florales.

• Privilégier le vinaigre blanc et le bicarbonate de soude comme produits de nettoyage.

• Lors de travaux de construction ou de rénovation, être attentif au choix des matériaux.

Ces conseils sont particulièrement importants pendant la grossesse, l’enfance et l’adolescence.

Plus de conseils et questions/réponses sur les Pfas et les perturbateurs endocriniens sur le site docteurcoquelicot.be de la SSMG.