Alimentation

Pleine conscience : mangez en paix !

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Sandrine Cosentino

Sandrine Cosentino

Il faut environ 20 minutes à notre estomac pour informer notre cerveau que l'organisme est rassasié. Prendre son temps aux repas est essentiel pour la santé car manger trop vite peut entraîner une prise de poids ou des problèmes digestifs. Manger en pleine conscience permet de ralentir le rythme naturellement.

Dans un monde rempli d'injonctions alimentaires, parfois culpabilisantes ou contradictoires, c’est aussi une manière de faire la paix avec son assiette, ajoute Jan Chozen-Bays, pédiatre et professeure de méditation, dans son livre "Manger en pleine conscience" (1) : "L’alimentation en pleine conscience remplace l’autocritique par l’autobienveillance et la honte par le respect de sa propre sagesse intérieure."

Retour aux sens

"Manger en pleine conscience, c'est être pleinement présent avec ses cinq sens face à une expérience culinaire", résume Constance De Keyzer, diététicienne pédiatrique, périnatale et pour adultes. Profiter de la vue offerte par une belle assiette, faire une pause pour apprécier la subtilité d’une saveur ou d’une odeur, prendre le temps de reconnaître les signaux de satiété, permet au final de manger moins mais mieux. "Plutôt que d'engloutir le repas, on le savoure et la qualité est au rendez-vous".

Cette pratique veut également redonner du sens au contenu de l'assiette. "À vivre dans l’abondance de nourriture et de boissons, nous en venons facilement à les tenir pour acquis, à ne plus faire attention à ce qu’il y a dans notre assiette et dans notre bouche", observe Jan Chozen-Bays. L’autrice propose un petit exercice : choisir un aliment et, avant de le croquer, consacrer une pensée pleine de gratitude à chaque maillon de la chaîne - agriculteur, producteur, vendeur, etc. - qui l’a mené jusqu’à votre table. Une façon originale de méditer sur nos modes de production alimentaire...

Un régime de plus ?

En aucun cas, il ne s’agit de se priver de certains aliments, d'en diaboliser ou de les peser comme c’est le cas dans les régimes restrictifs. Les privations et restrictions caloriques trop drastiques entraînent, à plus ou moins brève échéance, un risque élevé de reprise de poids. Au bout de quelques temps, la motivation s’érode tandis que le corps met en oeuvre des mécanismes biologiques de compensation (2). Pour la diététicienne Constance De Keyzer, l’alimentation en pleine conscience "est avant tout un outil pour
prendre plus de plaisir à manger en étant plus à l'écoute de ses sensations de faim et de satiété. Il peut aider à la perte de poids si on y est réceptif mais cela ne fonctionne pas pour tout le monde."

Neuf types de faim

Nous pouvons avoir faim parce que notre estomac est vide, mais aussi pour meubler l'ennui, calmer une angoisse, ou encore parce que nos yeux ont croisé une pub sans même que nous en soyons conscients. "Nos différentes sensations de faim n’ont parfois rien à voir avec le besoin physiologique de nourriture, mais c’est en mangeant que nous cherchons, à tort, à les soulager. La pleine conscience peut nous aider à démêler et à distinguer ces différentes expériences de la faim et nous permettre enfin de répondre
sainement et adéquatement à chacune d’elles", explique Jane Chozen Bays. Elle distingue neuf sortes de faim, associées à une partie du corps : les yeux, le nez, la bouche, l’estomac, les cellules, l’esprit, le coeur, les mains et les oreilles. Avant de manger, elle invite la personne à reporter son attention à l'intérieur d'elle-même et à demander à chaque partie du corps si elle a faim. Ensuite, à évaluer cette faim sur une échelle de 0 à 10. "Une fois que vous aurez appris à reconnaître qui, à l’intérieur de vous, a vraiment faim et que vous aurez intégré cet exercice à vos habitudes quotidiennes, alors vous serez en mesure de prendre chaque fois une décision éclairée, à savoir si vous devriez manger ou non. La faim de l’estomac et celle des cellules ne peuvent être satisfaites que par de la nourriture ou des boissons ; en revanche, il existe bien des façons de satisfaire les autres sortes de faim."

La pratique pas à pas

La pleine conscience est un outil précieux qui peut être utilisé à tous les repas, assure Constance De Keyzer. "Au début, il va falloir s'exercer. Mais ensuite, cela devient naturel. Je conseille de commencer avec un premier aliment, peu importe lequel afin d'observer ce qu'il se passe en vous. L'idée n'est pas de faire de cette pratique une punition pour se restreindre de manger quelque chose. Si vous choisissez un aliment sucré par exemple, le but est d’apprendre à prendre son temps et le savourer dans les moindres détails."

La pratique de l'alimentation en pleine conscience ne doit pas devenir une injonction de plus, confirme Jan Chozen Bay, qui conseille de commencer par de petits pas, en prenant son thé le matin par exemple. "Prenez un moment pour contempler la couleur du thé, pour vous imprégner de son parfum. (…) Ce court moment de conscience peut sembler un événement sans importance, mais ne sous-estimez pas la puissance de la pleine conscience."

Quelques conseils
• S'assoir à table et se déconnecter de tous les écrans.
• Manger pendant au moins 20 minutes pour laisser le temps au cerveau de reconnaitre la sensation de satiété.
• Bien mastiquer, surtout lorsqu'on a la sensation d'être affamé.
• Manger quand on a faim et pas selon un horaire ou pour suivre les autres.
• Utiliser tous ses sens pour déguster un repas.
• Se faire du bien autrement qu'en mangeant pour rassasier les autres faims du corps.

Votre exercice

Diététicienne, Constance De Keyzer utilise cet outil dans sa pratique professionnelle. Elle détaille, étape par étape, comment manger un morceau de chocolat en pleine conscience. Cet exercice peut être réalisé avec tout autre aliment.

1. S'installer à table.
2. Prendre une ou plusieurs grandes inspirations les yeux fermés.
3. Ouvrir les yeux pour apprécier la pièce dans laquelle on se trouve.
4. Observer le morceau de chocolat sous différents angles, voir ce qu'il nous évoque, ses couleurs, ce qui le compose.
5. L'approcher du nez et le renifler pour en percevoir l'odeur.
6. Le diviser en quelques morceaux et en mettre un dans la bouche. Le laisser sur la langue, observer ce qu'on perçoit en termes de texture.
7. Le croquer en le gardant en bouche le plus longtemps possible pour se focaliser sur ses sensations.
8. L'avaler.
9. Se concentrer sur les saveurs restant en bouche. Prendre le temps de savourer ce moment et se dire "Qu'est-ce que c'était bon!"
10. Si on en a envie, reprendre un autre morceau.