Que s'est-il passé sur la planète Sant...
Voici quelques informations piochées dans l'actualité santé récente.
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Soins de santé
Bénéficier d'un dossier patient soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr, voilà qui fait partie des droits du patient et des pratiques courantes des soignants. À l'heure où l'informatisation bat son plein, qu'en est-il de cet élément souvent méconnu par les soignés ?
Chaque prestataire de soins (généraliste, dentiste, spécialiste, kinésithérapeute, pharmacien, infirmier…) doit tenir un dossier par patient, sous un format papier ou électronique. Ce dossier permet l'échange d'informations entre prestataires de soins, ainsi qu'entre un prestataire et un patient. Il facilite le suivi de l'état de santé du patient et son traitement. Il est utile au malade notamment pour obtenir un deuxième avis, en évitant la répétition d'examens déjà réalisés, en gagnant du temps. Il sera d'autant plus efficace qu'il est complet.
La loi prône "un dossier soigneusement tenu à jour". Cela signifie que les dossiers patients doivent être complétés de manière correcte et complète. Leur contenu peut toutefois varier en fonction du patient et du type de prestataire. Il n’existe à l’heure actuelle pas de directive générale spécifiant les conditions minimales auxquelles le contenu d'un dossier patient doit répondre. En outre, plusieurs dénominations sont en usage : le dossier médical, le dossier infirmier, le dossier de soins, le dossier pharmaceutique… Y sont consignés, par exemple, l'évolution de l'état de santé du patient, le résultat d'examens médicaux, les réponses aux traitements…
Attention, la confusion règne dans l'opinion publique entre le Dossier médical global (DMG) et le dossier patient. Le DMG concerne le médecin généraliste. Quand il détient le dossier médical global d'un patient, il centralise l'information qui provient des dossiers patients des autres prestataires de soins en relation avec son patient, en plus de conserver son propre dossier patient avec l'information sur les soins qu'il donne à son patient en tant que médecin généraliste. Il perçoit une rémunération pour la tenue de ce DMG.
La loi spécifie aussi que le dossier patient doit être "conservé en lieu sûr" par le prestataire. Cela signifie que le dossier doit être protégé contre les catastrophes telles que l’incendie ou les inondations mais aussi réservé à la consultation par les personnes autorisées. Soit : le patient lui-même ou un proche s'il a été mandaté par écrit par le patient comme personne de con fian - ce ou, bien entendu, le prestataire de soins qui traite le patient et son équipe éventuelle, soumise au secret professionnel. Seuls les prestataires de soins qui soignent le patient ont accès à ses données.
La loi donne au patient le droit de consulter directement son dossier, endéans un délai de 15 jours après la demande. Il peut également en recevoir une copie, moyennant un prix fixé à un maximum de 25 euros. Attention, il y a cependant des limites à ce droit de consultation. D'abord, il existe des exceptions thérapeutiques: dans le cas où prendre connaissance du dossier constitue un préjudice grave à la santé du patient. Ensuite, il n'est pas permis de consulter des données relatives à des tiers (hormis dans le cadre du consentement donné à une personne de confiance). Et finalement, les annotations personnelles du prestataire ne peuvent être consultées en direct par le patient. Ces notes, idées ou remarques subjectives, ces pistes de réflexion ou hypothèses de travail peuvent néanmoins faire l'objet d'une lecture sélective au patient par un prestataire de soins.
Après le décès du patient, un droit de consultation indirect (par l'intermédiaire d'un prestataire de soins) est accordé à l’époux, au partenaire cohabitant légal, au partenaire et aux parents jus qu'au deuxième degré inclus, par l’intermédiaire d’un praticien professionnel. Ce type de demande doit être suffisamment motivé et précis. De plus, le patient concerné ne doit pas s’y être opposé expressément.
Doucement, on se dirige vers la centralisation des données dans un dossier patient unique. Celui-ci regroupera à termes les informations contenues dans les différents dossiers. Ainsi la marche de la numérisation est en route. Depuis 2008, il existe, à l'échelle de notre pays, un réseau électronique appelé e-Health. Il se concrétise en Wallonie au travers du Ré seau santé wallon (www.reseausantewallon.be) et à Bruxelles via Abrumet (www.abrumet.be). Il permet le partage sécurisé des données de patients entre prestataires de soins. L’échange de ces données via ce réseau n’est cependant possible que si le patient a donné son consentement (via les sites du Réseau santé wallon, de Abrumet ou le site fédéral www.patientconsent.be). Seuls les prestataires qui soignent la personne ont accès à ses données.
Quelques 700.000 Belges auraient jusqu'à présent donné leur consentement. Des chiffres avancés récemment par la ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block. Cette dernière entend bien faire augmenter le nombre d'accords des patients pour l'échange de données médicales, dans les prochains mois. Il s'agit en effet d'une partie de son plan e-santé 2013-2018.
En décembre 2014 et janvier 2015, la Mutualité chrétienne et Altéo (mouvement social de personnes malades, valides et handicapées) ont voulu prendre le pouls de ce droit au dossier patient. Est-il connu ? Est-il apprécié ?
Des groupes de patients et d'aidants ont été réunis pour en débattre et premier constat : la majorité des personnes ne savent pas exactement ce qu'est le dossier patient, ni ne connaissent les droits qui y sont liés.
Cette méconnaissance n'empêche pas leur conviction qu'il est important de bénéficier d'un dossier patient. Pourquoi ? Pour améliorer le suivi et garantir la continuité des soins. Pour ne pas multiplier les examens. Pour pouvoir faire face aux situations particulières telles que les urgences, la démence, l'inconscience… Certains patients ont constitué eux-mêmes leur dossier et l'emmènent lors des rendez-vous médicaux importants.
Base utile pour échanger des données, le dossier génère néanmoins quelques craintes. Entre autres la peur que les données soient piratées ou utilisées à d'autres fins que les soins. Ainsi les patients consultés s'inquiètent de la sécurité des données, en particulier numériques. En outre, observent les auteurs de l'étude, ils veulent également être "protégés contre les 'doubles casquettes': ils craignent que le médecin d'une compagnie d'assurance ou qu'un médecin conseil puisse avoir accès à des données auxquelles il ne devrait pas".
Quant aux médecins généralistes rencontrés dans le cadre de cette même étude, ils soulignent l'importance de former davantage les futurs prestataires. Écrire un dossier patient, partager et utiliser les informations qu'il recèle, veiller à les protéger ne s'improvisent pas. De même co-construire le dossier avec le patient – ce qui serait l'idéal – doit s'apprendre et surtout prend du temps.
Quant à la transmission des données avec les spécialistes, elle semble poser souvent problème. Soit que l'information ne parvient pas au généraliste. Soit qu'elle leur arrive sans pré-tri. À améliorer, donc.
Donner accès au patient à son dossier médical informatisé via Internet, depuis son domicile, voilà l'expérience menée par les Cliniques universitaires Saint- Luc, avec quelques patients traités en rhumatologie.
Mesurer les impacts de cette utilisation sur l'autonomie du patient et la façon dont il gère sa santé. Alors que l'intention d'aller vers un dossier électronique unique pointe à l'horizon des ambitions politiques, ce projet pilote livre des balises intéressantes pour le futur. Marie Leroy est juriste. Elle a mené cette recherche. Elle en retient des opportunités mais aussi une nécessaire vigilance. Au rang des potentialités : renforcer un système de soins centré sur le patient, participer à son autonomie, faire face à l'augmentation des demandes de soins et au manque croissant de professionnels… Toutefois, l'expérience montre qu'il faut tenir à l’œil une série d'aspects, et non des moindres.
Elle est technique et financière : au regard du matériel et de la technologie utilisée. Elle est aussi émotionnelle : au regard des informations qu'il lit, de l'absence du médecin au moment de la lecture…
Comment faire en sorte de ne pas accentuer le fracture numérique qui crée des inégalités entre les utilisateurs des nouvelles technologies et les autres ? Marie Leroy pousse plus loin encore le questionnement : quid du risque de commercialisation et de déshumanisation de la médecine qui devient toujours plus technique ?
En bref, les patients ont montré un intérêt pour le dispositif en test. Ils ont eu l'impression d'être davantage maîtres de leur santé. Mais, ils ont aussi attesté du fait que cela ne remplaçait pas la relation entre le médecin et le patient ; et que certaines conditions devaient être réunies pour envisager cette connexion à son dossier médical à la maison. Les expérimentations se poursuivent.
www.patientrights.be et www.mc.be/dossierpatient
La MC et Alteo organisent sur l'ensemble du territoire wallon et bruxellois des animations, rencontres et conférences sur le thème du dossier du patient. Le précédent numéro d'En Marche en donnait un aperçu. Renseignez-vous auprès de votre mutualité régionale.
La protection de vos données personnelles nous tient à coeur.