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Les invalides sont bien des personnes fragilisées !

Les invalides sont bien des personnes fragilisées ! © M. Detiffe

L'invalidité signifie une santé réellement et durablement dégradée. Pas une partie de plaisir. Cette évidence a tendance à être malmenée. Les personnes reconnues invalides, parce qu'elles sont en incapacité de travailler, subissent le feu des critiques de ceux qui voudraient réduire l'intervention de la sécurité sociale. Pourtant, sur le terrain, les situations se révèlent souvent extrêmement difficiles.


Afin d’avoir une vision globale et actualisée des réalités vécues par les personnes en invalidité, la Mutualité chrétienne, en partenariat avec Altéo, mouvement social pour les personnes malades et handicapées, et Zienkenzorg (pendant néerlandophone de Altéo), a voulu mener une enquête fouillée, au plus proche des premiers concernés. La dernière enquête du même genre datait de 2001. Travailleurs sociaux, volontaires… se sont mobilisés. Ils sont allés à la rencontre de près de 500 personnes en invalidité (statut attribué après au moins une année d'incapacité de travail), dans les différentes provinces belges.

Des dépenses de santé qui pèsent

Des données récoltées, il ressort, entre autres, que la consommation moyenne de médicaments, pour les invalides, est 4,5 fois plus élevée et les journées d’hospitalisation, 7,7 fois plus nombreuses par rapport à la moyenne. On pouvait se douter de cet état de fait, en raison de problèmes de santé plus graves ou plus prégnants chez les personnes en invalidité. Mais les conséquences pèsent lourdement dans le budget de ces ménages. Les dépenses de santé s'élèvent en moyenne à 243 euros par mois dans les ménages où l'un des membres perçoit des indemnités d'invalidité. Cela représente environ 11 % des dépenses totales de la famille. À titre de comparaison, un ménage belge moyen consacre 5 % de ses dépenses à la santé. Or, il est notoire que celles-ci sont les premières à pâtir des économies parfois nécessaires. L'enquête le confirme : un peu plus de 40% des répondants ont dû reporter des soins chez le dentiste (66%), chez le spécialiste (46%), pour l’achat de lunettes (44%) ou de médicaments (31%).

Un risque de pauvreté

Un individu présente un risque de "pauvreté subjective" si la personne de référence du ménage estime que la famille n’arrive que difficilement, voire très difficilement à joindre les deux bouts. En Belgique, en 2015, le taux de "pauvreté subjective" était de 21 % pour la population en général. L'enquête montre que la "pauvreté subjective" est nettement plus élevée dans les ménages comportant un travailleur en invalidité. En effet, 50% des répondants disent éprouver des difficultés à boucler leurs fins de mois. La comparaison marque à l'évidence la situation préoccupante des invalides. Il en va de la qualité de vie. L'avenir au travail ? La reprise d’une occupation professionnelle pourrait, pour certains, rimer avec amélioration des revenus. Du reste, 7% des répondants exercent un travail autorisé, 10% l’ont fait dans le passé mais ont dû l'abandonner, principalement pour des raisons de santé.

Par ailleurs, 12% des personnes invalides interrogées estiment être capables de reprendre un travail rémunéré, mais la toute grosse majorité (93%) ne l'imagine qu'à temps partiel. 71% des invalides interrogés pensent toutefois ne jamais reprendre une occupation professionnelle au vu de leur état de santé. La durée d’invalidité et l’âge jouent un rôle important dans la perspective d’une reprise d’activités : en gros, plus on est jeune et/ou plus l’invalidité est courte, plus rapide sera la réinsertion professionnelle.

Faire planer la suspicion et mener une chasse aux sorcières pour remettre à tout prix les personnes invalides au travail n’est pas une solution.

Que faire avec ces constats ?

La MC est soucieuse de représenter et de défendre les intérêts de tous ses membres, y compris ceux qui font face à une incapacité de travail de longue durée pour raisons de santé. Elle rappelle avec force que, pour un travailleur, passer sous statut d’invalidité n’est jamais anodin. Que du contraire, c’est un véritable choc, difficile à assumer. Non, les invalides ne sont pas des profiteurs, des carotteurs. Oui, ils ont droit – comme tout travailleur qui cotise à la sécurité sociale – à des revenus de remplacement en lieu et place de leurs revenus professionnels puis qu'ils ne peuvent plus travailler pour des raisons de santé. Oui, ils ont le droit de percevoir des revenus qui leur permettent de mener une existence digne. Non, la réduction des indemnités n'est pas acceptable. C'est, a contrario, vers une revalorisation des montants alloués qu'il faut s'engager.

II faut tout mettre en œuvre pour permettre aux personnes invalides qui en ont les capacités de reprendre le chemin du travail. Mais un projet de réintégration professionnelle et sociale, cela doit se construire avec la personne, dans une dynamique positive et participative. Faire planer la suspicion et mener une chasse aux sorcières pour remettre à tout prix les personnes invalides au travail n’est pas une solution. L'accompagnement de la personne par le médecin-conseil de la mutualité doit débuter le plus tôt possible et être articulé avec l’ensemble des acteurs concernés : médecin traitant, employeur, médecin du travail, service social… La mutualité joue, à cet égard, un rôle essentiel de coordination.

Aujourd’hui plus que jamais, et forte de cette nouvelle étude, la MC, Altéo et Ziekenzorg réaffirment l’importance, pour notre société, de prendre en compte et de soutenir à leur juste mesure les personnes invalides.