Vivre ensemble

100 ans d'histoire sociale au féminin     

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Aurelia Jane Lee

Aurelia Jane Lee

Vie Féminine n'a pas toujours porté ce nom. Né au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mouvement prend au départ le nom de Ligues Ouvrières Féminines Chrétiennes (LOFC). À l'époque, "toute la société entérine l'infériorité juridique, politique et sociale des femmes." Certaines d'entre elles vont cependant, dès la fin du 19e siècle, former des unions professionnelles. Ces différentes guildes ou ligues ne tardent guère à se regrouper sous la bannière des LOFC. Le mouvement se coordonne et se fédère en 1921. Voué au départ à la défense des intérêts professionnels des femmes, il en vient à militer plus largement pour les droits des femmes dans tous les aspects de leur existence. L'éducation des enfants, la gestion financière, la santé, toutes les questions qui touchent à la famille prennent le dessus dès les années 30.
En 1969, les LOFC deviennent "Vie Féminine", se définissant comme un mouvement chrétien d’action sociale et, en 1972, l'organisation prend un tournant plus politique en publiant son "Manifeste sur les pauvretés et les inégalités sociales". Aujourd'hui, Vie féminine se présente comme un mouvement de femmes qui lutte "contre toutes les formes de violences et de discriminations qui touchent de près les femmes" par le biais de l'éducation permanente.

La parole aux femmes
"Notre principe, depuis le début, c’est de partir du vécu des femmes, explique Aurore Kesch, présidente du mouvement depuis 2018. Ce sont des femmes qui offrent à d'autres femmes la possibilité de s'émanciper, en s'appuyant sur leur expérience – dont elles sous-estiment généralement la valeur". C'est la clé de l'éducation permanente et la magie du travail collectif : permettre aux femmes de réaliser qu'elles disposent d'une expertise de leur vécu. Et de reconnaître qu'à travers l'éducation qu'elles ont reçue, les contraintes de leur milieu ou les problèmes auxquelles elles sont confrontées, elles se heurtent en définitive aux mêmes obstacles structurels : notamment le racisme, le patriarcat et le capitalisme. C'est contre ces trois systèmes que Vie Féminine se positionne depuis plus de dix ans. Le mouvement se veut participatif : "Aider à l'émancipation des femmes, ce n'est pas penser à leur place, précise Aurore Kesch. C'est créer des endroits, des conditions pour leur permettre de déposer leur vécu sans être jugées". Et travailler ensemble à une société plus égalitaire.

Depuis le début, le mouvement est exclusivement féminin. Ce qui semblait naturel et sans grande portée polémique à l’époque est perçu désormais comme un positionnement “politique”. Comment justifie-t-on qu'un mouvement en faveur de l'égalité des femmes et des hommes n'accueille que des femmes ? "La non-mixité a toujours existé chez Vie Féminine, mais depuis une dizaine d'années, ce principe semble déranger davantage”, remarque Aurore Kesch. Au sein des premiers groupements, les femmes échangeaient leurs expériences et dénonçaient déjà les inégalités qu'elles subissaient. Aujourd'hui cependant, cette non-mixité est davantage perçue comme un positionnement politique, qu'Aurore Kesch défend en le nuançant : "La non-mixité n'est pas un but en soi, mais un moyen d'émancipation. On observe que c'est souvent la condition indispensable pour libérer la parole des femmes. La plupart d'entre elles se taisent en présence des hommes, qui prennent parfois alors toute la place. Nous travaillons avec les femmes dans un cadre non-mixte pour les renforcer dans leur estime de soi afin qu'ensuite, elles puissent s'affirmer et prendre leur place dans la société mixte. Car trop souvent encore, mixité ne signifie pas égalité."
La non-mixité, chez Vie Féminine, n’existe que pour permettre pleinement aux femmes de coconstruire une société inclusive et solidaire, une fois pris le chemin de l’émancipation.

Pour en savoir plus ...

À l'occasion de son centenaire, Vie Féminine édite un ouvrage retraçant le parcours du mouvement, de la lutte ouvrière au féminisme, en passant par l'éducation permanente.          

Vie Féminine – 100 ans de mobilisation féminine • publication du Carhop • décembre 2021 • 350 pp.