Jeunesse

Dr House, professeur de travaux pratiques

3 min.
© MARLYSEPRESSPHOTO - BELGAIMAGE
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Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

Huit saisons, 177 épisodes, soit 22 à 24 épisodes par an. Aux États-Unis, Dr House a rencontré un très grand succès auprès du public. En 2006, diffusée dans plusieurs dizaines de pays, elle était une des séries les plus regardées dans le monde. En quoi se distingue-t-elle des autres réussites télévisuelles ? C’est une série qui s'appuie sur un personnage de grincheux charismatique : Greg House, spécialiste des maladies infectieuses au Princeton-Plainsboro Teaching Hospital. C'est un chien fou : accro aux médicaments mal rasé, misanthrope, malpoli, boiteux, caustique… S'il ne paie pas de mine, il se démène néanmoins corps et âme pour ses patients, ce qui justifie en partie son capital sympathie. Son équipe est composée de "soignants-investigateurs". Leur mission : élucider une énigme médicale.

Détectives en blouses blanches On pourrait en réalité parler d'une série policière médicale : l'équipe de médecins (les enquêteurs) tentent de sauver un patient (la victime) d'un virus ou d'une maladie (les criminels). Le rapprochement avec le genre policier devient évident en poussant le raisonnement un peu plus loin, comme le fait l'essayiste Martin Winckler (1) : House (maison) est synonyme de home en anglais et dans le nom Holmes, comme Sherlock, le "l" ne se prononce pas. En outre, le célèbre détective anglais est accompagné du Dr Watson. Dr House a lui aussi un confident : le Dr Wilson. "Sherlock Holmes est génial, excentrique, misanthrope. Il est musicien, il déprime lors qu'il s'ennuie, consomme de la cocaïne. Enfin, il a été inspiré à Arthur Conan Doyle par son maître, le professeur Joseph Bell, médecin qui posait des diagnostics après avoir jeté un seul coup d'œil à ses patients." Un don partagé par le principal protagoniste de la série. Le Dr House et Sherlock Holmes, guidés par la raison, sont tous deux des scientifiques à la recherche du bien moral et prêts à tout pour entraver le mal.

L'éthique malmenée

Greg House n'hésite pas à prendre des chemins moins "officiels" que ceux qu'imposent le cadre hospitalier où il exerce. Le diagnosticien semble violer allégrement les quatre principes de l'éthique clinique que sont la bienveillance, la non-malfaisance, la justice et l'autonomie du patient. Face à l'écran, de nombreux professionnels soignants pourraient s'étrangler et considérer le praticien comme irrespectueux de l'éthi que du soin. Pour sa part, l'essayiste et médecin Martin Winckler s'inscrit en faux contre ce jugement. D'après lui, il exis te trois éthiques et House s'inscrit dans l'une d'elles. Il y a d'abord la vertu : ce qui est bon est bon par - ce que je suis bon. Puis l'éthique déontologique : ce qui est bon est bon parce qu'il est en conformité avec les règles. Enfin, l'éthique conséquentialiste : ce qui est bon est bon parce que c'est la conséquence de l'acte qui mène à quelque chose de bon. "House est consé quentialiste des pieds à la tête", affirme M.Winckler. House ment à sa hiérarchie, il tente de réanimer un patient qui a explicitement émis le voeu de ne pas l'être, il "fait mourir" un jeune patient pour comprendre le mal qui le ronge et ensuite le réveiller… Des pratiques contestables, déontologiquement parlant, mais des prises de risque présentées comme providentielles pour les patients.

Un support pédagogique

L'éthique est source de conflits et la série, une fiction (rappelons-le), s'alimente abondamment de ces derniers. Un des intérêts de Dr House, c'est la multitude de conflits moraux et éthiques qui sont écrits dans les scénarios par une équipe pluridisciplinaire de médecins et de non-médecins. Chaque épisode est matière à réflexion et le spectateur se sent souvent con cerné par la valeur morale du dilemme. Une richesse que Martin Winckler entend bien exploiter… "On peut montrer le même épisode à 30 étudiants, ils verront tous le même spectacle mais ils ne ressentiront certainement pas la même chose. C'est l'occasion de débattre, de confronter les avis. Grâce à House, on peut examiner collectivement des cas concrets. C'est aussi une économie d'argent ! Une projection coûte moins cher que des simulations avec acteurs. Pédagogiquement, c'est précieux." Aujourd'hui, Martin Winckler prépare un séminaire de cours spécifiquement basé sur Dr House. Une stimulation incroyable pour les étudiants.