Maladies chroniques

Mucoviscidose : la moins rare des maladies rares

6 min.
©Istock
©Istock
Aurelia Jane Lee

Aurelia Jane Lee

De toutes les maladies génétiques graves, c'est la plus courante : tous les dix jours, un enfant naît avec la mucoviscidose. Une personne sur vingt-deux en est porteuse, sans en développer les symptômes : pour qu'ils apparaissent chez un enfant, il faut que les deux parents soient porteurs du gène et le transmettent.
Ce qu'on observe le plus couramment, ce sont des problèmes res pi ratoires de type infectieux, des pneu monies à répétition. Le mucus, plus épais chez ces personnes, s'évacue difficilement (c'est ce phénomène qui donne son nom à la maladie). Au-delà de ces manifestations classiques, la mucoviscidose peut avoir des répercussions sur d'autres organes, en particulier sur le système digestif, et entraîner des difficultés d'absorption et des douleurs abdominales.
Tous les symptômes ne se déclarent pas dès la naissance, certains n'apparaissent qu'avec le temps. La maladie peut ainsi se développer sous des formes différentes selon les patients. Avec un bon suivi médical, on peut détecter ces symptômes, les traiter, voire les prévenir. Malheureusement, cela reste une affection grave et incurable dont les conséquences pèsent lourd sur le quotidien du patient et de son entourage.

Comment la mucoviscidose est-elle détectée ?

"En Belgique, le dépistage néonatal a été mis en place depuis l'an passé. Plus tôt on diagnostique la maladie, plus tôt on donne les traitements adaptés, notamment sur le plan nutritionnel", se félicite la pneumologue Christiane Knoop. Tous les nourrissons passent un test sanguin dans les premiers jours de leur existence. Ce test systématique permet de détecter différentes maladies rares, dont la mucoviscidose. Si les résultats sont positifs, la famille est dirigée vers un "centre muco" (voir ci-dessous) pour des analyses plus approfondies.
Un indicateur important de la mucoviscidose est une quantité de sel plus élevée dans la sueur. En mesurant simplement la teneur en sel d'un échantillon de sueur chez un nourrisson, on obtient un résultat rapide et assez fiable. Celui-ci peut être confirmé par une analyse génétique sur la base d'un prélèvement sanguin.

En Belgique, chaque année, ce sont entre vingt et quarante nouveaux diagnostics qui sont posés. La plupart du temps, la mucoviscidose est dépistée de façon précoce, mais il arrive encore que des cas soient identifiés tardivement (notamment les moins sévères). Elle est parfois confondue avec d'autres affections dont les symptômes sont proches, comme l'asthme, la bronchite chronique, certaines allergies ou des problèmes digestifs.

Le "centre muco", un précieux allié

Les "centres muco" sont des unités de soins pluridisciplinaires qui prennent en charge le diagnostic et le traitement de la mucoviscidose au sein d'un hôpital. Il en existe sept en Belgique, généralement dirigés par des pneumo-pédiatres ou des pneumologues. Responsable du centre pour adultes de l'ULB-Erasme, la professeure Knoop explique : "Les patients sont reçus tous les trois mois au moins pour une consultation pluridisciplinaire, qui inclut la visite chez le médecin, les épreuves fonctionnelles, les cultures d'expectoration... Le patient, lors de ces rendez-vous trimestriels, a toujours aussi accès aux autres spécialités paramédicales pour une prise en charge globale."
"Au sein du centre, il est possible de voir une diététicienne, poursuit la pneumologue, car l'enjeu est d'optimaliser le poids des patients qui souffrent de malabsorption (mauvaise assimilation des graisses, des protéines et des vitamines). Un kiné sithérapeute s'assure, quant à lui, que le suivi à domicile est correct, que l'appareil à aérosol fonctionne toujours bien, et il encourage la pratique d'une activité sportive régulière. En cas de besoin, on trouve aussi sur place une psychologue et une assistante sociale. Le centre a enfin des contacts, si cela s'avère nécessaire, avec d'autres services comme des spécialistes ORL, des gastro-entérologues, des diabétologues..."

Mucoviscidose et coronavirus

Le coronavirus, puisqu'il s'attaque aux poumons, représente une menace particulièrement grande pour les personnes atteintes de mucoviscidose, comme c'est le cas de Hyacien. Cette jeune femme témoigne dans le bulletin trimestriel de l’association Muco (1). Sur le conseil du "centre muco" où elle est soignée, Hyacien s'est confinée avant même que le conseil de sécurité national n'impose cette mesure dans tout le pays. Hélas, son compagnon qui avait continué à travailler à l'extérieur durant les quelques jours précédant le lock-down, a contracté le virus et le lui a transmis.
Quelques jours plus tard, la fièvre et les maux de tête font leur apparition. Hyacien passe le test et le diagnostic tombe : c'est bien le Covid-19. Heureusement, ses pires craintes ne se réaliseront pas : elle sera fort malade, avec des frissons, des douleurs musculaires, une grande fatigue, mais pas de forte toux ni de détresse respiratoire.
Si aujourd'hui elle est rétablie, cela a tout de même mis du temps et causé des frayeurs, pour elle et pour ses proches. "En tout, ça a bien duré un mois et demi avant que je reprenne le dessus, raconte-t-elle. Mais finalement je m'en suis bien remise. Cela aurait pu se passer beaucoup plus mal. Quand j'ai appelé ma mère pour lui donner les résultats du test, elle a pensé que j'étais fichue. Ce genre de choses vous passe évidemment par la tête." (2)

Faire face à la crise

Du côté des "centres muco", le bilan post-Covid est positif, malgré certaines frayeurs au début de la crise. "Il y a eu évidemment un impact majeur, car toutes les consultations à l'hôpital ont été annulées, explique la professeure Knoop. Dans un premier temps, quand le confinement a été mis en place, nous avons été très inquiets pour les patients adultes, souvent très malades, et les patients transplantés, immunodéprimés. Mais il se fait que les patients porteurs de la mucoviscidose sont très attentifs, déjà en temps normal, à respecter les consignes d'hygiène et de sécurité, car ils connaissent les risques d'infections croisées (voir ci-dessous). Les familles ont donc très bien réagi et pour finir, nous n'avons que deux patients qui l'ont eu, sans complications." Avec la crise sanitaire, la nécessité d'offrir un point de référence aux patients et à leurs proches s'est bien fait sentir. Pour la majorité des autres maladies rares, de telles structures d'accompagnement n'existent pas. Comme le souligne Yvan Lattenist, président de l'association Rare Disorders Belgique (RDB) : "Plus encore que pour le reste de la population, c'est la notion d'angoisse qui est apparue comme primordiale."

"La principale question posée a été de savoir si le fait d'être atteint de l'une ou l'autre maladie rare accroissait le risque en cas de contamination par le coronavirus, précise le président de la RDB. C'est toute la question des ‘populations à risque’ qui a ainsi été mise dans une perspective nouvelle. Question pour laquelle les patients ne trouvaient pas de réponse chez leur médecin traitant, et pour laquelle les spécialistes habituellement consultés étaient peu disponibles, débordés qu'ils étaient par la réorganisation de leurs services suite à la pandémie (les hôpitaux craignant un déferlement de patients qui, heureusement, n'a pas été aussi extrême qu'ils le craignaient)."

Rester unis et solidaires

Pour mieux vivre avec une maladie rare, les associations de patients apportent un soutien précieux. Yvan Lattenist souligne que "les patients atteints de maladies rares, déjà si souvent incompris, ont une tendance naturelle à l'isolement. Tendance qui n'a fait que s'accroître durant le confinement : ces malades ont appris à ‘faire le gros dos’ plus que tout autre, à ‘attendre que cela passe’..."
"C'est de cet isolement, de cette crainte d'être remarqué et encore davantage incompris, que nous devons sortir ces patients, poursuit-il. À cette fin, la RDB a notamment mis sur pied "Un outil qui a déjà fait ses preuves et ne demande qu'à grandir" : la ligne d'écoute gratuite 0800/92802 (3). Une campagne dans les pharmacies devait la promouvoir au printemps, mais la crise sanitaire en a décidé autrement.

Les associations de patients fonctionnent en grande partie sur les dons des citoyens, avec l'aide de volontaires, et les récoltes d'argent servent en priorité à financer la recherche scientifique ou tout ce qui peut améliorer les traitements et le confort de vie des patients. Des moyens restreints qui ne permettent pas toujours de communiquer largement pour sensibiliser le public et le monde politique, gagner en visibilité, faire comprendre les enjeux très concrets de ces maladies, certes rares, mais nombreuses. (4)


(1) L'Association Muco est basée à Auderghem (Bruxelles). Pour plus d'infos : muco.be - 02/675.57.69

(2) On peut lire le témoignage complet de Hyacien dans le Bulletin trimestriel de l'Association Muco, "Muco Contact" (numéro de juin 2020)

(3) Voir aussi le site Internet de l'asbl : rd-b.be

(4) Lire aussi dans le n°1647 du 19 mars 2020 : "Maladies rares : le parcours du combattant"



Le risque d'infections croisées

La distance sociale, le port du mas que et le lavage des mains sont des recommandations qui, chez les patients atteints de mucoviscidose, n'ont pas attendu l'épidémie de Covid-19 pour être appliquées. En effet, les patients qui fréquentent les "centres muco" sont bien informés de ce qu'on appelle le "risque d'infections croisées" : certaines bactéries, qui ne représentent pas de danger particulier pour la population en général, sont difficiles à soigner chez les personnes atteintes de mucoviscidose. Pour se protéger et protéger les autres, elles doivent donc éviter au maximum de se réunir entre elles et, sinon, prendre de nombreuses précautions.
Heureusement, ce risque ne con cer ne que les porteurs de la maladie. Les malades peuvent donc côtoyer sans problème leur famille, leurs amis, leurs collègues, pour peu que ceux-ci n'aient pas la mucoviscidose également. D'une certaine façon, les consignes qui ont été d'application pour l'ensemble de la population durant la crise du coronavirus ont permis de se mettre, pour un instant, à la place de ces personnes qui vivent avec le risque d'infections croisées en permanence. De leur côté, être déjà habitué à cette discipline a pu être un atout pour se protéger du virus.

Pour en savoir plus ...

Maladies rares et crise sanitaire
"Neuf personnes sur dix vivant avec une maladie rare ont subi une interruption des soins suite à l'épidémie", selon une enquête Eurordis (eurordis.org). C'est, par exemple, le cas des personnes atteintes de bêta-thalassémie, une maladie sanguine à laquelle nous consacrons un article sur notre site enmarche.be