Santé mentale

"J'appartiens à la 'génération Big Mac'"                   

4 min.
(c)Adrien Herda
(c)Adrien Herda
Valentine De Muylder

Valentine De Muylder

Comment concilier le temps et l’énergie que l’on consacre à des parents en perte d’autonomie avec les soins que l’on apporte à ses enfants, voire à ses petits-enfants, sans s’oublier soi-même et le tout en travaillant ? C’est la question parfois insoluble que se posent un nombre croissant de personnes âgées d’environ 45 à 65 ans. Elles appartiennent à ce que l’on appelle la "génération sandwich".
"Cette génération est fort représentée dans la population des aidants proches, constate Sigrid Brisack, chargée de projets au sein de l’asbl Aidants Proches, qui soutient les personnes apportant une aide régulière à un proche dépendant. En 2020, la majorité des aidants qui ont appelé notre permanence avait entre 41 et 60 ans et nous consultait par rapport au soutien apporté à leurs parents."
La dernière enquête de santé de Sciensano confirme qu’en Belgique, c’est parmi les 55-64 ans que l’on trouve la plus grande proportion d’aidants informels (21,9 %) et précise que le pourcentage d’aidants informels est un peu plus élevé chez les femmes (14,2 %) que chez les hommes (10,1 %). 

"On parle de plus en plus du burn-out des aidants proches"
Cette solidarité familiale n’est pas neuve, mais elle se transforme à mesure que nos modes de vie évoluent. "Le vieillissement de la population, le report de l’âge où l’on fait des enfants, le départ plus tardif des jeunes du foyer familial… Plusieurs facteurs ont favorisé l’émergence de cette catégorie nouvelle au fil des dernières décennies", analyse la journaliste Célia Laborie. Le fait que peu de personnes âgées vivent encore sous le même toit que leurs enfants, ou encore que les femmes soient plus nombreuses qu’avant à travailler, sont d’autres éléments qui contribuent à ce cumul des engagements.

Croulant sous les responsabilités, certains n’en peuvent plus.       

"Je pense que cela ne va faire que s’accentuer dans les années à venir. Le recul de l’âge de la pension va faire que les gens vont être encore plus surchargés", analyse Maxime Delaite, directeur de l’asbl Aidants Proches, qui pointe également du doigt un contexte politique prônant l’accompagnement à domicile, alors que les moyens humains et financiers manquent pour soutenir les aidants.
Croulant sous les responsabilités, certains n’en peuvent plus. "Il arrive très fréquemment que les aidants que nous avons au téléphone soient en larmes, confirme Sigrid Brisack. On parle de plus en plus du burn-out des aidants proches." Plus les aidants avancent en âge, plus la pression qui repose sur eux peut avoir un impact négatif sur leur santé, conclut Sciensano dans son enquête de santé.

Prendre soin de soi pour prendre soin des autres
"Pour accompagner quelqu’un le plus sereinement possible, il faut soi-même aller bien et se ménager des moments pour soi, comme on le conseille aux parents de jeunes enfants", observe Sigrid Brisack. Mais prendre soin de soi est loin d’être évident quand on manque de temps et de moyens pour le faire. "La première chose à laquelle les aidants renoncent, c’est leur vie sociale et culturelle. Ils nous confient qu’ils n’y pensent plus et n’y consacrent plus ni temps ni argent." L’association déplore l’insuffisance de services de répit (centres de jour, garde à domicile, activités…) pour permettre aux aidants de passer la main à d’autres pendant quelques heures ou quelques jours.

Les échanges entre proches doivent être encouragés, dans un sens comme dans l'autre.         

"Certaines personnes ont tellement le nez dans le guidon et le sentiment que personne d’autre  ne peut s’occuper aussi bien qu’elles de leurs proches, qu’elles ont du mal à déléguer, ajoute Sigrid Brisack. Nous n’avons pas de baguette magique mais, dans le cadre de notre permanence, nous répondons aux questions des aidants sur les services existants. Nous les aidons à prendre un peu de recul et réfléchissons avec eux à des pistes de solution."

Oser y penser et en parler à l’avance
"On sait tous qu’il y a neuf chances sur dix pour qu’à un moment, nous devions soutenir nos parents, rappelle Sigrid Brisack. C’est important de pouvoir s’y préparer, de réfléchir de soi à soi au rôle qu’on voudrait jouer." Elle encourage également les échanges entre proches, dans les deux sens. Pourquoi ne pas demander à ses parents comment ils voient l’arrivée du grand âge ? Ou dire à ses enfants quelle aide on souhaiterait recevoir, et les mettre en garde contre l’épuisement ?
Au niveau collectif aussi, une prise de conscience s’installe. Depuis 2020, le statut d’aidant proche est reconnu par la loi belge. Une reconnaissance symbolique du rôle essentiel que jouent ces personnes au quotidien, qui leur donne accès à un congé thématique spécifique (voir encadré). Mais pour l’asbl Aidants Proches, les dispositifs mis en place restent insuffisants pour faire face aux défis auxquels sont confrontés les aidants et à la pénurie de personnel de soins à même de les soulager. "Nous demandons que ces personnes ne soient pas pénalisées, y compris au niveau financier. La responsabilité du soutien aux personnes malades ou dépendantes doit rester partagée."

De l'aide pour les aidants

Les aidants proches peuvent s’adresser à leur mutualité pour obtenir la reconnaissance de leur statut. Vous trouverez ici plus d’infos à ce sujet, ainsi qu’un aperçu des solutions proposées pour soulager les proches d’une personne en perte d’autonomie.

Les asbl Aidants Proches et Aidants Proches Bruxelles proposent une permanence téléphonique de soutien joignable au 081 30 30 32 (pour la Wallonie) et au 02 474 02 55 (pour Bruxelles). Infos : aidantsproches.be        

La régionale liégeoise d'Énéo, mouvement social des aînés de la MC, a mis en ligne un site internet conçu par des aidants proches, pour des aidants proches. L'objectif ? faciliter l'accès à l'information entourant la thématique.