Bien être

Pratiquer le rire sans raison
 

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© BelgaAFP
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Catherine Daloze

Catherine Daloze

Comme une partition de musique, avec des crescendos, puis des moments plus calmes, Françoise Singer, animatrice formée en yoga du rire, construit une séance. Pas question ici, d'écouter des blagues ou d'assister à des sketches. "Je ne suis pas une humoriste", précise-telle. Avec le groupe de participants, elle pratiquera par contre le "rire pour rien". Á l'aide des fameux onomatopées "ho, ho… ha, ha, ha" et de mouvements du corps, des exercices sont proposés. Ils stimulent de multiples formes de rire. Car rire ne se limite pas à s'esclaffer à grands éclats, "on peut rire aussi avec beaucoup de douceur", observe l'animatrice. "On bouge beaucoup. On se dandine, on frappe dans les mains, on se tape sur les cuisses… Le mouvement crée aussi l'émotion", précise Françoise Singer. Puis, à un moment, il s'agira de se désactiver, comme on freine un véhicule, de se poser.

Des zygomatiques au diaphragme

Dans le yoga du rire, pas de postures à l'image du lotus et autres figures que compte la discipline classiquement connue. Si l'on parle de yoga pour le rire, c'est parce que la méthode intègre également des exercices de respiration et de la relaxation. Notons que l'Inde est également le berceau du yoga du rire. La méthode a été développée dans les années 90, par un certain Madan Kataria, médecin indien duquel émanent des écoles pour animateurs en Belgique notamment.

Comme pour l'ensemble de ces ateliers bien-être, il est utile de se renseigner sur le parcours de formation de celui à qui on confiera son envie de rire. Animer une séance de yoga du rire ne s'improvise pas. Cela mobilise une série de techniques d'étirement, de vocalisation, de respiration, de rire et de détente. Le menu est dosé avec soin pour amener les participants à "naviguer en eux-mêmes", pour "stimuler la joie" et leur permettre de "se sentir heureux d'être là".

S'autoriser à lâcher

De l'étudiant stressé par les résultats que l'on attend de lui, au senior curieux de tester cette technique aux allures cocasses, il n'y a pas d'âge pour tenter de se reconnecter avec "son enfant intérieur". Dans l'enfance, on rirait en effet jusqu'à trois cent fois par jour, uniquement par plaisir et sans raison spécifique. Alors qu'adulte, on ne dépasserait généralement pas les vingt rires quotidiens...

Avec le temps, la spontanéité se teinte souvent de gênes et de rigueur. Il n'est pas simple de les lâcher. Si certains se lancent dans la découverte du yoga du rire avec des amis ou en famille, la plupart poussent la porte de ces ateliers en solo. Comme ces parents gênés de ce que pourraient penser leurs enfants à les voir pouffer ou glousser.

Parfois, c'est d'ailleurs très timidement que le candidat au rire entre dans la séance. Françoise Singer évoque ainsi une personne venue sur les conseils de son médecin, afin de l'aider à faire face à une dépression. Ce fut, pour elle, un réel effort de venir une fois, puis deux, pratiquer le yoga du rire. Elle n'esquissera d'abord qu'un sourire; mais apprivoisera peu à peu la méthode, se laissera aller et se surprendra à rire.

Deux principes rassureront sans doute quelques frileux. D'abord, dans le yoga du rire, on rit ensemble, on ne rit pas des autres. Certes le groupe entraîne l'émulation et facilite le rire, mais il n'y a pas lieu de désigner un bouffon, de juger l'autre, et pas de crainte à avoir du ridicule. Tout est mis en œuvre pour, en confiance, s'autoriser à lâcher la pression. Secondo, pas de prérequis. Il n'est pas nécessaire d'être rieur pour participer.

Car en matière d'endorphine, un rire forcé ou provoqué ne se distinguerait pas d'un rire spontané ou authentique. Ils auraient le même effet de bien-être, observent les partisans du yoga du rire.

Contagion heureuse

De la confiance en soi, de l'énergie… voilà ce que réserverait le rire. Et Françoise Singer de citer un proverbe japonais: "Le bonheur arrive à ceux qui rient". Avis aux plus introvertis: sourire aurait déjà des vertus. “Le sourire n'est pas seulement le marqueur qui exprime que l'on va bien, notait ainsi le psychiatre français Christophe André, dans un livre sur les états d'âme. Le sourire est aussi un inducteur, qui nous fait aller bien ou légèrement mieux”. Sourire – surtout avec la participation des muscles autour des yeux – attirerait de bonnes choses, comme marcher mettrait de meilleure humeur. Et bonne nouvelle, ce serait contagieux.

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