Bien être

Les bienfaits du froid           

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Grâce à ces différents mécanismes, le froid est un allié dans la prévention des maladies métaboliques comme l’obésité et le diabète. (c)AdobeStock
Grâce à ces différents mécanismes, le froid est un allié dans la prévention des maladies métaboliques comme l’obésité et le diabète. (c)AdobeStock
Julie Luong

Julie Luong

Le froid, comme la faim, s’il est intense et prolongé, constitue une menace vitale pour les mammifères que nous sommes. C’est pourquoi beaucoup d’entre nous en ont gardé une peur bleue ! L’antique conseil n’est-il pas de "se couvrir pour ne pas prendre froid" ? Pourtant selon Carole Dalmas, autrice du livre qui vient de paraître aux éditions Eyrolles "Le froid : l’art de vivre en bonne santé", nous avons tendance à nous couvrir beaucoup trop dès que l’hiver pointe le bout de son nez. "Et si nous remisions au placard cette crainte du froid ? Sortons en laissant notre gorge et nos mains à l’air libre, et apprécions ces nouvelles sensations qui s’offrent à nous", suggère-t-elle. Notre corps possède en effet les capacités de se confronter au froid bien plus souvent et longtemps que dans un quotidien confortable, entre radiateurs, vêtements épais et bains chauds. "Dans sa longue histoire, l’Homme s’est toujours confronté à deux choses : le froid et le jeûne. Ce sont nos deux piliers adaptatifs,explique Stéphane Stéfanini, auteur de "Se baigner dans l’eau froide, c’est parti" (Jouvence, 2022). Nous sommes capables de les supporter, à la nuance près que ce n'est pas bon pour tout le monde. Il faut penser médecine intégrative, préventive mais personnalisée. Néanmoins, les personnes qui ont une vie assez saine, qui ont un bon microbiote – notamment transmis par leurs parents – c’est-à-dire qui ont un peu de chance et qui sont en forme vont généralement avoir une très bonne réaction au froid."  

 

Bon stress et béatitude 

Mis en contact avec l’eau froide, l’organisme est soumis à un "bon" stress, qui va lui permettre de libérer en cascade différentes hormones favorisant le bien-être. "En s’immergeant dans l’eau froide, le corps stimule la production d’adrénaline, l’hormone du stress, qui va avoir un effet protecteur. Plus on en produit et plus on en produit rapidement, plus cela signifie que l’on est 'jeune' d’un point de vue métabolique, explique Stéphane Stéfanini. Puis le corps va produire des endorphines, qui sont une sorte de morphine naturelle et permettent de lutter contre la douleur. Troisièmement, le corps produit du cortisol, qui favorise l’équilibre du glucose sanguin et booste le pancréas. Enfin, le corps va produire l’ocytocine et la dopamine, liées au plaisir intense et à la sensation de bonheur. C’est pourquoi beaucoup de personnes pratiquant les bains en eau froide disent ressentir un véritable état de béatitude ensuite."  

Grâce à ces différents mécanismes, le froid est un allié dans la prévention des maladies métaboliques comme l’obésité et le diabète. Il permet de stimuler la graisse brune, un tissu adipeux qui régule la température corporelle grâce à la dépense calorique. Ce qui permet en contrepartie d’éliminer la graisse blanche associée au surpoids. L’eau froide présente par ailleurs une action anti-inflammatoire. On sait qu’en cas de brûlure, blessure ou coupure, l’eau froide et la glace réduisent le gonflement et calment les douleurs. Les bains froids et les bains de glace étaient par ailleurs déjà utilisés par les athlètes de l’Antiquité: le froid permet en effet au corps d’évacuer l’acide lactique et d’autres "déchets" produits par l’effort grâce au phénomène de vasoconstriction, diminuant ainsi le temps de récupération. Chez les sportifs, les bains d’air froid (cryothérapie) sont aujourd’hui de plus en plus utilisés. 

Par ailleurs, en cherchant à se réchauffer après une plongée en eau froide, l’organisme active le système immunitaire et libère des globules blancs, ce qui permettrait d’améliorer la résistance immunitaire. À terme, ne plus avoir peur du froid pourrait même amener, selon Carole Dalmas, des changements plus profonds : "En éprouvant le froid, nous allons devenir plus ouverts, plus réceptifs et sensibles à nous-même, aux autres et donc à notre environnement", avance-t-elle. 

 

Du Danemark à la Meuse     

"La chaleur ramollit, seul le froid stimule", disait déjà Hippocrate, père de la médecine moderne. Un savoir que n’ont pas oublié les pays nordiques où la tradition de la nage en eau froide est toujours bien vivace. "Dans les pays nordiques, la plupart des adeptes de ce sport nagent entre octobre et mai. La nage hivernale consiste à immerger son corps dans l’eau froide, dehors, de préférence en alternant les séances de baignade avec des séances de sauna, explique Susanna Soberg dans "Les pouvoirs extraordinaires du froid. Pourquoi les Danois vivent vieux et heureux" (Robert Laffont, 2022). L’exposition au froid peut aussi prendre d’autres formes, comme s’asseoir ou se rouler dans la neige, une pratique assez populaire en Finlande. D’autres méthodes, plus alternatives, consistent à placer une grande baignoire dans un environnement inspirant, comme une forêt, à la remplir d’eau et de gros blocs de glace, et à sauter dedans à tour de rôle avec ses amis."  

Mais inutile d’être un Danois pour s’y mettre. Ni de gravir l’Everest en short, comme Wim Hof, ce Néerlandais surnommé Iceman, entré au "Guinness des records" pour ses différents records sportifs dans des environnements polaires. Au Royal Cercle Theux Natation, en région liégeoise, on nage en eau froide en toute décontraction – et à l’occasion dans la Meuse – depuis les années 50 ! Le Dr Emmanuel Hendrix, anesthésiste, s’est lancé à l’eau en 2016. "J’ai commencé un peu par hasard, grâce à une consœur ORL. Ça commence comme un défi de fin de soirée mais on y prend vite goût. L’état de bien-être dure presque toute la journée, comme avec le trail que je pratique aussi." Régulièrement, ce médecin nage donc avec d’autres convertis dans le seul club de Wallonie, avec celui de Huy – la Flandre en compte en revanche cinq ou six – à proposer cette discipline qui a même ses compétitions internationales. "Il m’arrive d’en parler à certains patients. Je pense que c’est une pratique intéressante, notamment en cas de douleurs chroniques, dans la fibromyalgie par exemple. Et mis à part chez les patients qui ont des problèmes cardiovasculaires, c’est une pratique qui convient à presque tout le monde. Notre ancien entraîneur à Theux a pratiqué jusqu’à ses 80 ans deux fois par semaine." 

 

Comment pratiquer la douche écossaise ?

Pas envie ou pas la possibilité de nager en eau froide ? Pourquoi ne pas adopter la douche écossaise ? Cette simple habitude permet déjà d’obtenir des bienfaits sur la santé car elle stimule le réseau sanguin, ce qui va renforcer le système cardio-vasculaire et le système immunitaire. L’idée est d’alterner trois sessions d’eau chaude et trois d’eau froide de quelques minutes, en finissant par l’eau froide. Vous pouvez aussi simplement terminer votre douche par un jet froid, d’une minute au moins. "L’eau chaude dilate les pores, l’air froid y pénètre. Ces inconvénients disparaissent totalement lorsque l’on fait suivre une douche chaude par une douche froide, explique Stéphane Stéfanini. L’eau fraîche fortifie, tonifie en atténuant la chaleur élevée. Elle rafraîchit en absorbant la valeur énergétique superflue. En fermant les pores dilatés par la chaleur, on évite que l’air froid y pénètre et on raffermit la peau."   Une habitude à tester et, si les bienfaits se font sentir, à adopter.