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Vous supprimeriez quels remboursements en soins de santé ?

Vous supprimeriez quels remboursements en soins de santé ? © Matthieu Cornélis

Lors du prochain contrôle budgétaire, le gouvernement fédéral devra "trouver" quelques milliards d’euros supplémentaires pour mettre le budget de l'État en équilibre. Selon certains, il "suffit" de réduire les dépenses de sécurité sociale, en particulier dans les soins de santé. Ce n’est pas sérieux. Au lieu de s’attaquer aux vrais défis d’avenir, ce choix politique nous conduira vers plus de privatisation et d’exclusions.


En mars prochain, le gouvernement fédéral évaluera si le budget 2016 de l'État tient la route. Tout le monde s’attend à un exercice difficile. Les prévisions économiques sont moins bonnes que prévues et la croissance n’est pas au rendez-vous. Par contre, les mesures de réductions de cotisations sociales patronales et d’impôts ont déjà grevé les recettes de l’État et de la sécurité sociale. Comment combler le trou ? Alors que l’écart entre les riches et les pauvres se creuse toujours plus, certains prétendent que notre sécurité sociale coûte trop cher et qu’il n’y a qu’à diminuer les dépenses, notamment dans la branche des soins de santé. Celle-ci serait donc si mal gérée ?

Un système performant et apprécié

Notre système de soins de santé n’est pas coûteux. Il représente 10,2% du PIB, et ce coût n’a pas augmenté depuis 2011. Par comparaison, celui des États-Unis – érigé par certains comme modèle – est 60% plus cher et offre moins d’accès aux soins de santé. En termes de gestion, notre mode de fonctionnement est loin d'être coûteux. Les frais d’administration accordés par l'État aux mutualités pour gérer l'assurance obligatoire en soins de santé s'élèvent à 838 millions d'euros, ce qui représente 3,2 % du budget. Par comparaison encore, les frais de gestion des assureurs privés commerciaux dans le domaine de la santé tournent autour de 20 à 22% !

Il faut aussi souligner que les frais d'administration des mutualités n’ont plus augmenté depuis 2011. Et le gouvernement fédéral a décidé, de manière unilatérale, de réduire encore ce budget de 100 millions d'euros. Pour absorber cette forte baisse, les mutualités seront contraintes de réduire leur personnel de manière conséquente. Nous ferons tout pour que la qualité du service aux membres n’en soit pas affectée.

Par ailleurs, notre système de soins est très apprécié de la population. Il fait aussi l'objet d'une reconnaissance au-delà de nos frontières. Ainsi, nous sommes 5e dans un récent classement international mesurant les performances pour les consommateurs (Euro Health Consumer Index). Notre système n’est évidemment pas parfait.

Le Centre fédéral d'expertise en soins de santé (KCE-CFE) pointe notamment les coûts élevés à charge des patients. En moyenne, chaque assuré débourse 800 euros par an pour ses soins de santé (tickets modérateurs, suppléments d'honoraires, médicaments, soins dentaires...). Cela fait 3.200 euros pour une famille de quatre personnes ! Rapporté au niveau national, cela représente 22% du coût total des soins de santé, soit 9 milliards d'euros. Conséquences ? De nombreux ménages renoncent ou reportent des soins de santé essentiels.

Vers une privatisation larvée des soins ?

Depuis 2014, les soins de santé sont à la diète. Lors du conclave de l'été dernier, dans le cadre de la fameuse opération ‘tax-shift’, les budgets 2015 et 2016 ont encore été rabotés. Tant et si bien que, selon les dernières estimations, le budget des soins de santé serait en déficit de 100 millions d'euros en 2016. Des économies supplémentaires seront donc nécessaires.

Ceux qui disent : "Il n'y a qu'à faire des économies pour un milliard d'euros en soins de santé" peuvent-ils dire ce qu'ils prendraient concrètement comme mesures ? Supprimer tous les remboursements en logopédie ? En kinésithérapie ? Ne plus intervenir du tout dans les soins à domicile ? Ou alors augmenter partout les tickets modérateurs, et donc les montants à charge des patients, au risque de creuser davantage encore l'écart entre ceux qui peuvent payer ou se réassurer auprès d'assureurs privés et ceux qui ne pourront plus accéder aux soins ?

Derrière le discours des choix du ‘tax-shift’, se cache de manière insidieuse la privatisation des soins de santé. Or, dans aucun pays au monde, les assureurs privés n'ont pu montrer qu’ils réussissent à maîtriser les dépenses de soins de santé ou à mieux répondre aux besoins de santé de la population.

Se mobiliser autour des vrais défis

En réalité, quatre grands défis se présentent à nous : le vieillissement de la population, la croissance des maladies chroniques, le coût élevé à charge des patients et les grandes inégalités socio-économiques de santé.

Pour les relever, nous devons mener une politique plus volontariste. Il s'agit, d'une part, de revoir l’offre et la capacité hospitalière pour des pathologies aigues, de réduire la consommation de médicaments – notamment les antibiotiques et les antidépresseurs –, de diminuer le nombre d'actes d’imagerie médicale, de réguler les suppléments d’honoraires.

Il faut, d'autre part, investir davantage dans la prévention et le dépistage, développer les structures de revalidation et de convalescence, renforcer les trajets des soins pour les malades chroniques. Pour ce faire, la mobilisation de tous les acteurs est nécessaire. Toutes les mutualités du pays ont élaboré, ensemble, un plan mobilisateur, ambitieux et engagé, assorti d'objectifs de santé et d'une responsabilisation financière collective. Ce plan a été proposé à la ministre fédérale de la Santé, Maggy De Block. Les mutualités sont prêtes à en discuter avec elle et les membres de son cabinet.

Nous craignons que les choix budgétaires du gouvernement fédéral conduisent à la régression de notre système de soins, à une privatisation insidieuse. Toutes les mutualités du pays ont proposé un plan alternatif, ambitieux et responsable, offrant des perspectives d’avenir pour toute la population. Espérons un retour positif de la Ministre.