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De l’importance de valoriser le monde associatif

De l’importance de valoriser le monde associatif © Luc Herickx

Le monde associatif dit non-marchand ou à profit social permet d’offrir une véritable alternative au privé commercial ou au tout à l'État. De récents changements en Région wallonne concernant la composition des instances des ASBL risquent de mettre à mal l'implication volontaire. Elle est pourtant vitale.


En Belgique, près de 12% de la population de plus de 15 ans participe de façon plus ou moins importante à une activité de bénévole. Qu’il s’agisse de volontariat structuré dans le cadre d’une organisation ou d’un volontariat plus informel en dehors de toute structure juridique, observe la Fondation Roi Baudouin dans son baromètre annuel du "travail volontaire".

L'implication de ces nombreuses personnes s'avère toujours précieuse et souvent nécessaire pour permettre au monde associatif de fonctionner. Grâce à cet investissement massif, projets et organisations sans but lucratif proposent et remplissent toute une série de missions fondamentales dans notre société. Gestion et création de crèche, d’école, de service en tout genre pour l'accompagnement aux personnes fragilisées, pour les soins, pour les loisirs…

Ces initiatives privées et associatives offrent une alternative sérieuse au tout à l'État ou à l'organisation par le secteur privé marchand et commercial. Aujourd’hui plus que jamais, la liberté associative doit être préservée. Or, certaines initiatives plus ou moins récentes tendent à mettre à mal la liberté associative.

Les initiatives privées et associatives offrent une alternative sérieuse au "tout à l'état" ou à l'organisation par le secteur privé marchand et commercial.

La mixité homme/femme

Depuis le 28 janvier 2014, trois décrets wallons instaurent une obligation de mixité dans les organes de gestion des organismes agréés par la Région wallonne, à savoir, se composer au maximum de deux tiers de membres de même sexe. Les décrets sanctionnent le non-respect de cette condition par le retrait de l’agrément. Comprenez l’impossibilité d’accéder aux subsides, de réaliser son objet social et par conséquent de travailler.

Exception notable : les organismes fondés ou administrés par au moins une personne morale de droit public (ex: CPAS…). Ils ne sont pas concernés. Le scénario du pire pourrait faire dire à certains que, dans quelques années, les subventions régionales ne serviront que les ASBL où siègent une personne morale de droit public.

Les constats de la Fondation Roi Baudouin en matière d’égalité des hommes et des femmes dans le volontariat sont intéressants à pointer. Au total, le nombre d’hommes et de femmes investis dans des activités de volontaire est presque équivalent.

Par contre, une différence se remarque dans les domaines investis. Sans accentuer les clichés, il n'est sans doute pas étonnant de voir les femmes plus souvent présentes dans les secteurs proches de l’éducation par exemple. Tout projet porté par des volontaire n'est pas nécessairement paritaire.

Réactions du monde associatif

Il est évident que notre société a encore du chemin à parcourir en matière d’égalité des hommes et des femmes. Dans le cadre du renouvellement des instances mutualiste en mai 2016, la mixité fait réellement partie des priorités de la Mutualité. Qu’elle soit d'ailleurs liée au sexe, à l’âge, à l’origine, à la formation… La mixité est évidemment une richesse dont le monde associatif ne peut se passer. Mais cette conviction n'empêche pas de réagir aux décrets wallons mentionnés ci-dessus.

Pourquoi ? D’une part, parce qu’ils induisent inévitablement une discrimination entre les secteurs. En effet, concrètement, des ASBL liées au secteur public pourraient être agréées et subventionnées, même si leurs instances sont totalement masculines ou féminines ; alors que des ASBL privées se verraient sanctionner. Ceci n'est pas acceptable.

Par les sanctions disproportionnées dont sont assorties les mesures, ces décrets portent irrémédiablement atteinte à la liberté associative. Ne vaut-il pas mieux travailler à une responsabilisation personnelle et collective, à de l’accompagnement, à du renforcement du rôle et de la place des volontaires ? Plutôt que de sanctionner "bêtement" au risque de susciter la démotivation de volontaires tellement précieux à ces initiatives ?

On notera que la loi fédérale qui imposait depuis 2011 une présence équilibrée de genre dans certains conseils d’administration a livré son premier bilan : par des mesures moins radicales et plus adaptées que celles instaurées par les décrets wallons, la représentation des femmes au sein des conseils d’administration des entreprises concernées a doublé en six ans : de 8.2% en 2008, elle est passée à 16.6% en 2014.

Pour l'ensemble de ces raisons, plusieurs acteurs associatifs ont déposés un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle. Il a été rejeté en octobre 2015. Les décrets seront donc d'application en Région wallonne, prochainement. Un régime transitoire a par contre été étendu, grâce à ces recours. Notons qu’à Bruxelles, à l’heure actuelle, il n’existe pas de projet du même ordre. Les auteurs du recours étudient sérieusement la possibilité de se pourvoir devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Effectivement, la liberté associative mérite d’être défendue devant les plus hautes instances. Car sans elle, c’est notre modèle de société dans son ensemble qui risque de ne pas survivre.