Environnement

Climat : la Vesdre en quête de résilience                    

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Les habitations bordant la Vesdre à Chaudfontaine, un an après la catastrophe. © BelgaImage
Les habitations bordant la Vesdre à Chaudfontaine, un an après la catastrophe. © BelgaImage
Julien Marteleur

Julien Marteleur

Gonflées par des pluies diluviennes, les eaux de la Vesdre ont tout dévasté sur leur passage, entre le 14 et le 16 juillet 2021. Elles ont défiguré la vallée à Trooz, Pepinster, Verviers… Immanquablement, la rivière sortira encore de son lit. Si le réchauffement se limite à +1,5 °C, des inondations similaires devraient se reproduire 2 à 3 fois d'ici à 2050. Alors, la Wallonie a mis en place un plan stratégique. Pour aménager la Vesdre, mais aussi pour rendre le bâti environnant plus résilient face à l'inévitable. Le Schéma Vesdre veut s'attaquer à la cause principale de ces inondations : la politique d'aménagement du territoire du bassin versant de la rivière, qui n'a fait qu'augmenter le ruissellement des eaux.

Faire d'une pierre plusieurs coups
Un bassin versant est une zone géographique qui reprend toutes les eaux (en surface ou profondeur) qui s'écoulent vers un même point : un lac, un fleuve ou un cours d'eau en général. Celui de la Vesdre trouve son exutoire à Chênée, où elle se jette ensuite dans l'Ourthe, et enfin dans la Meuse. "Dans un bassin versant comme celui de la Vesdre, tout est connecté. On ne peut pas séparer l'aménagement du territoire de l'agriculture, les gens qui habitent près de l'eau de ceux installés sur les plateaux", explique Etienne Schillers du cabinet d'architectes Studio Paola Viganò. En synergie avec des chercheurs de l'ULiège, le cabinet a contribué au Schéma Vesdre : une vision globale tournée vers 2050 pour influer le destin des communes situées en fond de vallée, où la crainte de voir se reproduire de telles inondations est la plus élevée.     

Là-bas, on sait qu'une nouvelle catastrophe pourrait survenir bien avant 2050.

Le champ d'action est transversal : d'un côté, les Hautes Fagnes, dont les tourbières ont été systématiquement asséchées depuis le 19e siècle pour y cultiver l'épicéa, a perdu sa capacité à stocker l'eau. De l'autre, l'urbanisation galopante entamée dès le début des années 60 – sur le plateau de Herve notamment – qui a fait perdre chaque année à la région 11km2 de surfaces agricoles au profit du "tout bétonné" et qui a augmenté considérablement le phénomène de ruissellement des eaux. Car un hectare imperméabilisé envoie deux fois plus d’eau vers la vallée qu’un champ ou une forêt. Un élément dont l’aménagement du territoire wallon n'a guère fait de cas jusqu'à présent.

2050, un pont trop loin ?
"La première chose à faire, c'est de 'temporiser' l'eau, avance l'architecte Etienne Schillers. Favoriser l'infiltration dans les sols en redynamisant les tourbières, augmenter la capacité des barrages et travailler globalement à un élargissement continu de la rivière, en faisant reculer ses berges. Où peut-on créer des zones d'immersion temporaires et d'extension des prairies ? Les carrières présentes dans la région, au Limbourg ou à Olne par exemple, ne pourraient-elles pas servir de bassins de stockage ?"
Autre enjeu de taille : repenser l'urbanisme, des petits villages aux centres-villes plus habités, "en renforçant les habitations exposées au risque et interdisant la construction dans les vallées sèches. Il faut aussi revoir les dispositifs de bassins d'orage, végétaliser les toitures plates pour 'contenir' davantage les premières minutes de pluie, créer des couloirs verts…"
Dans la vallée, malgré des travaux de reconstruction des berges auxquels la Région wallonne vient de donner son feu vert à Jalhay, Dison ou Spa, l'immensité de la tâche inquiète. Là-bas, on sait qu'une nouvelle catastrophe pourrait survenir bien avant 2050. Surtout, comment financer ce plan stratégique jusqu’à son terme ? En attendant, les achats de bâtiments ou de terrains dans les zones sinistrées pour aménager les berges continuent. La Wallonie a annoncé un nouveau budget de 120 millions d’euros et 453 autres millions devraient permettre d’aménager les cours d’eau environnants dans les prochaines années. Le compte à rebours est lancé.