Environnement

Climat : alors on change?  

4 min.
Pour espérer limiter le réchauffement climatique à + 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre doivent avoir atteint leur point culminant avant 2025 (c)AdobeStock
Pour espérer limiter le réchauffement climatique à + 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre doivent avoir atteint leur point culminant avant 2025 (c)AdobeStock
Sandrine Warsztacki 

Sandrine Warsztacki 

Les indicateurs de l'urgence climatique sont au rouge.  Avec une température moyenne mondiale de 16,38 °C, septembre fut le mois le plus chaud jamais enregistré dans l'histoire de l'humanité. Selon le programme européen Copernicus, la Terre pourrait connaitre un réchauffement de + 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle d’ici 2034 …  Seuil critique au-delà duquel, alertaient les scientifiques du Giec dans leur dernier rapport , nos capacités d'adaptation seront sérieusement mises à mal.  Chaque fraction de degré en sus, alertent les experts, représente autant de drames humains et écologiques, d'inondations et de sécheresses supplémentaires, d’espèces et d’écosystèmes perdus à jamais. 

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Lors du Sommet sur l’ambition climatique à New York, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, lançait un cri d'alarme : "L’humanité a ouvert les portes de l’enfer". Mais, poursuivait-il, "nous pouvons toujours construire un monde avec de l’air pur, des emplois verts, et une énergie propre et abordable pour tous."     

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Au-delà de 1,5 °C, la capacité des écosystèmes à s'adapter sera mise à mal.(c)AdobeStock

Climat: 3 ans pour renverser la vapeur

L’éolienne qui cache la forêt   

Pour espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, estimait le Giec en 2022, les émissions de gaz à effet de serre doivent avoir atteint leur point culminant avant 2025 pour ensuite diminuer de 43 % d'ici 2030 à l'échelle mondiale (par rapport au niveau de 2019). Une lueur d’espoir pour éclairer ce sombre tableau : les solutions pour y parvenir sont sur la table. Mais, soulignent les scientifiques, il faudra les mobiliser massivement et sur tous les fronts réunis : industrie, agriculture, aménagement du territoire, transport, logement, etc.  Le changement passera par l’usage de technologies vertes, mais aussi une remise en cause plus profonde de notre société de consommation.  Nicolas Van Nuffel, président de la Coalition climat, regroupement d'une centaine d’organisations (dont la MC) engagée dans la lutte climatique, illustre : si la Belgique veut respecter ses engagements climatiques, on devrait diviser le nombre de voitures par 3 et passer tous les véhicules restant à l'électricité, tout en garantissant que cette énergie soit produite dans des conditions respectueuses de l'humain et de l'environnement. "Et ce, dans le scénario le plus techno-optimiste... La priorité c'est de changer nos manières de nous déplacer !"

À la veille de la Cop 28, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, appelle à tripler les capacités en énergie renouvelable d'ici 2030. "Nous pouvons encore revenir sur la bonne voie en prenant des mesures urgentes dès maintenant", adresse-t-elle dans une carte blanche publiée dans Le Monde. Mais l'énergie verte ne doit pas devenir l'éolienne qui cache la forêt. Les États doivent mettre en place des politiques visant une sortie rapide de l'énergie fossile, qui représente 80 % des émissions de gaz effet de serre, rappelle le Giec. À cet égard, nombre d'organisations regrettent (c'est un euphémisme !) que le choix du pays organisateur de la Cop 28 ce soit porté sur Dubaï, septième extracteur mondial d’or noir…  "Ça risque d'être une conférence de transition, concède Nicolas Van Nuffel, mais la société civile doit être présente pour dénoncer ces incohérences et préparer déjà les enjeux de la Cop 29."  

Trois bonnes raisons de marcher pour le climat 

1. Pour montrer notre force politique  : La marche de ce 3 décembre est la neuvième organisée à Bruxelles. Décourageant ? "Au contraire. Il y a peu de mouvements sociaux dans l'histoire qui ont réussi à se structurer dans la durée avec une telle diversité : mouvements citoyens, mutuelles, syndicats, se félicite Nicolas Van Nuffel responsable de la Coalition climat et chargé de plaidoyer au CNCD-11.11.11.  Je ne peux pas promettre que si on descend dans la rue ça changera, mais je peux promettre que si l’on n'y va pas, ça ne risque pas de changer..."

2. Parce que le moment est stratégique  :  Non seulement 2024 sera l'année de toutes les élections en Belgique, mais notre petit pays assurera la présidence de l'Union européenne au premier semestre. La Belgique jouera à cet égard un rôle majeur dans la préparation de la Cop 29. "Il faut venir nombreux et nombreuses si on veut que la santé et le climat s'imposent dans la campagne." 

3.  Pour lutter contre l'éco-anxiété  "Face à l'immensité de tout ce qu'il faut changer, on peut se sentir très seul avec nos écogestes. On a besoin d'être ensemble. La marche, c'est aussi une grande fête collective pour se donner de la force et militer dans la durée."  

La Marche pour le Climat défilera le 3 décembre à Bruxelles, départ du cortège à 13h Gare du Nord. Nous donnons rendez-vous pour nos membres à partir de 12h boulevard Albert II, venez vêtu d’une touche de vert !  Plus d’infos à venir sur mc.be/agenda et marcheclimat.be

Une question de justice

La première Conférence des Parties sur le climat s’est tenue en 1995 à Berlin sous l’égide des Nations Unies (Cop 1). Deux ans plus tard est conclu le Traité de Kyoto, remplacé par l’Accord de Paris en 2021. Les 196 pays signataires s'y engagent à "maintenir le réchauffement climatique sous la barre de + 2 °C" et "poursuivre les efforts pour limiter l'augmentation de la température à + 1,5°C".  Un ajout obtenu grâce à la mobilisation de la société civile. "Et, au final, c'est ce chiffre de + 1,5°C qui est retenu aujourd'hui dans tous les discours", observe Nicolas Van Nuffel, pour qui l'Accord de Paris "est à la fois totalement insuffisant et absolument nécessaire". "Insuffisant", précise ce porte-parole du mouvement climatique, à cause du manque de soutien des pays du Nord, historiquement responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre, à leurs homologues du Sud, en première ligne des catastrophes naturelles.  Mais aussi "nécessaire, car juridiquement contraignant au niveau mondial."  

Au Pays-Bas et en Allemagne, des mouvements citoyens ont attaqué les pouvoirs publics en justice, poussant ces États à adopter des politiques climatiques plus ambitieuses. En Belgique, plus de 60.000 citoyens et citoyennes représentées par l'asbl Affaire climat ont également poursuivi les autorités régionales et fédérales. Après six ans d'un combat juridique que la structure institutionnelle de notre pays n'a pas contribué à simplifier (encore un euphémisme…), le juge a tranché :  la négligence de la Belgique sur les normes climatiques représente une atteinte à la Convention européenne des droits de l'Homme. Mais, faute d'astreintes, la condamnation reste symbolique. Les avocats des citoyens, qui ont fait appel, viennent tout juste de plaider au Palais de justice de Bruxelles. "Car au-delà des grands-messes internationales que sont les Conférences pour le climat, ce qui compte, c'est la capacité de nos États à agir", rappelle Nicolas Van Nuffel en attendant le verdict