Economie

Mobilisation syndicale contre la Coupe du monde au Qatar

3 min.
©Guy Puttemans/WSM
©Guy Puttemans/WSM
Soraya Soussi

Soraya Soussi

"Des ouvriers morts au nom d'une coupe dumonde ?" peut-on lire sur l'une des pancartes brandies par les équipes de WSM, l’ONG duMOC, lors d'une manifestation en décembre dernier dans le cadre de la campagne "Qatarstrophe" (1). Si la Coupe du monde est une fête internationale, attendue par des dizaines de millions de supporters, WSM, le MOC, la CSC et la MC ont voulu sensibiliser le grand public aux dégâts humains, sociaux et écologiques que cet événement sportif engendre. Pour rappel, une enquête du journal britannique "The Guardian" avait révélé en 2021 que plus de 6.500 travailleurs étaient morts sur les chantiers des stades depuis le lancement des travaux en 2010 (2)

À l'annonce de la désignation du Qatar comme pays hôte de la Coupe du monde 2022, premier État du Moyen-Orient à accueillir l'événement sportif, des travailleurs pakistanais, sri lankais, bangladais, indiens et népalais ont été appelés par le Qatar pour travailler sur les chantiers, garantir la sécurité des personnalités invitées, assurer les travaux domestiques, etc. "On compte plus de deux millions de travailleurs et travailleuses migrantes au Qatar. Dans le cas de la Coupe du monde, on leur a promis des salaires attrayants et une série d'avantages leur permettant de subvenir aux besoins de leurs familles restées au pays, où le taux de chômage est très élevé. Arrivés sur place, ces travailleurs migrants ont rapidement déchanté : dortoirs surpeuplés, sanitaires insalubres, transports dangereux, harcèlement moral, etc.", assène Smritee Lama, secrétaire nationale du syndicat népalais GEFONT, qui était invitée par WSM, le MOC et Beweging.net pour faire le point sur l'envers du décor de ce rendez-vous sportif. Le syndicat GEFONT fait partie des partenaires de WSM et lutte aux côtés des travailleurs et travailleuses migrantes au Qatar. "Il offre une assistance pour lesformalités administratives, forme les travailleursmigrants sur le droit du travail qatari et réclameavec eux des salaires plus élevés et de meilleuresconditions de vie." Mais ce travail se fait principalement dans l'ombre car "au Qatar, les droits syndicaux ne sont pas assurés", précise la syndicaliste népalaise.

Une pression qui fait mouche

Au Qatar, il existe un système appelé la "loi Kafala" qui empêche les travailleurs de changer d'emploi ou de quitter le pays sans l'autorisation de l'employeur. Un système digne de l'esclavagisme moderne. Suite aux nombreux rapports de violation des droits humains et du travail, une commission d'enquête de l'Organisation internationale du travail (OIT), en collaboration avec la Confédération syndicale internationale (CSI) a été menée et a permis à GEFONT d'établir un plaidoyer politique assez solide pour faire abolir la loi Kafala. Aussi, en 2020, grâce à cette pression politique et syndicale, le Qatar est devenu le premier pays des États du Golfe à instaurer le principe du salaire minimum.

La syndicaliste Smritee Lama reconnait des avancées majeures en termes de droit du travail pour les migrants népalais installés au Qatar mais nuance cette victoire : "L'application de ces nouvelles réformes n'est pas toujours adoptée sur le terrain. Il reste encore des milliers de personnes à la merci d'employeurs qui kidnappent encore leurs droits. Elles ne peuvent toujours pas se déplacer librement, changer d'emploi, souffrent de conditions de travail et de vie extrêmes, ne peuvent pas s'affilier à un syndicat, en créer un, etc.", rapporte-t-elle.

Le combat continue

Dans ce contexte, WSM, le MOC et la CSC participent à la campagne "Made with respect" ("Fait avec respect") au sein d'une coalition d'organisations civiles, afin de sensibiliser et d'informer sur le principe du "devoir de vigilance". Cette loi, en projet en Belgique et effective en France et en Allemagne, oblige toutes les entreprises à respecter les droits humains, sociaux et environnementaux à chaque étape dans la chaîne d'approvisionnement d'un produit. Dans le cas du Qatar, on sait que de nombreuses entreprises étrangères étaient impliquées dans la construction des structures de la Coupe du monde. Avec le devoir de vigilance, il ne pourra plus être possible pour des entreprises d’exploiter des individus et détruire l’environnement en toute impunité.


(1) WSM Verviers a lancé en décembre 2021 la campagne "Qatarstrophe" qui regroupe aujourd'hui une série d'événements à Bruxelles et en Wallonie. Plusd'infos : wsm.be.