Incapacité

L'écartement du travail, une mesure de protection

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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

L’employeur est tenu par la législation d’évaluer les activités professionnelles susceptibles d'exposer les femmes enceintes ou allaitantes à des risques spécifiques pouvant affecter leur santé et leur sécurité ainsi que celles de leur enfant. Il doit procéder à cette analyse avec le conseiller en prévention-médecin du travail et le comité pour la prévention et la protection au travail. Il ne doit donc pas attendre la grossesse d’une de ses travailleuses pour le faire. La réglementation relative à la protection de la maternité prévoit deux listes : la première dresse les travaux strictement interdits aux femmes enceintes et allaitantes (2). La seconde, non limitative, énumère les risques qui doivent être évalués par l’employeur. Ce sont par exemple :

  • l'exposition à des substances et agents chimiques nocifs (pesticides, mercure, hydrocarbures, etc.), 
  • l'exposition à du bruit, à des rayonnements ionisants, à des radiations non ionisantes…, 
  • la manutention de charges lourdes ou dangereuses,  
  • des chocs ou vibrations, 
  • des températures de froid ou de chaleur extrêmes, 
  • des procédés industriels au cours desquels une substance cancérigène se dégage, 
  • une charge psychosociale ou physique provoquée par une activité qui comporte des risques d’agression ou de violence, 
  • des postures et déplacements qui provoquent une fatigue et une charge physique

Conseil : Lorsque le médecin a confirmé la grossesse, vous avez intérêt à prévenir rapidement votre employeur, de préférence par envoi recommandé. Ceci lui permettra de bénéficier des mesures légales de protection de la maternité (licenciement, travail de nuit, travaux dangereux…).

Qui détermine que la travailleuse occupe un travail dangereux ou nocif pour la santé ?

Dès que l’employeur est informé de la grossesse d'une travailleuse, il doit examiner si son poste de travail a été considéré comme un poste à risque dans le document reprenant les activités à risques ainsi que les mesures générales à prendre. Si tel est le cas, la travailleuse est soumise à un examen médical par le médecin du travail. Celui-ci procède à l'évaluation et fait les propositions nécessaires à l’employeur pour éviter à la travailleuse l’exposition au risque constaté.

Conseil : Lorsque vous pensez courir un risque pour votre santé et celle de votre enfant dans votre environnement de travail, vous pouvez vous-même vous adresser au conseiller en prévention-médecin du travail.

Quelle mesure l'employeur doit-il prendre ?

Si l'évaluation révèle un risque, l’employeur prend, sur proposition du médecin du travail, la mesure qui s'impose :

  • aménager provisoirement les conditions de travail ou le temps de travail ; 
  • affecter la travailleuse à un autre travail compatible avec son état ; 
  • suspendre l’exécution du contrat de travail. On parle alors d'écartement prophylactique. 

L'employeur est obligé d'envisager chacune de ces mesures dans l'ordre où elles sont citées. Il ne peut prendre la mesure suivante que si la précédente est impossible ou irréalisable. La mesure est prise immédiatement si la travailleuse est occupée dans un travail interdit (cfr. 1ère liste de la réglementation).

Bon à savoir : Bien qu'écartée de son activité salariée, la travailleuse a la possibilité de poursuivre l'activité accessoire exercée comme indépendante complémentaire. Elle doit néanmoins obtenir l'autorisation préalable du médecin-conseil de sa mutualité. Pour ce faire, elle doit lui remettre un certificat médical attestant que cette activité ne comporte pas de risque pour elle ou pour son enfant.

Quand la travailleuse perçoit-elle des indemnités ?

Une indemnité est versée à la travailleuse salariée :

  • si l'aménagement du temps de travail ou le changement de poste entraînent une perte de salaire (écartement partiel), 
  • si elle doit totalement arrêter son activité salariée (écartement total). 

En cas d'écartement partiel, les indemnités sont versées par la mutualité jusqu'au moment où la travailleuse arrête de travailler (7 jours de repos prénatal sont obligatoires).

En cas d'écartement total, elles sont accordées jusqu'à 6 semaines avant la date présumée de l'accouchement (8 semaines en cas de naissance multiple). Après quoi, la travailleuse entre dans son congé de maternité.

À combien s'élèvent les indemnités (3) ?

Tout dépend de la situation dans laquelle se trouve la travailleuse.

  • La travailleuse est occupée auprès d’un employeur. Il n’y a pas de travail alternatif. Elle est complètement écartée du travail pendant sa grossesse. 

L'indemnité s’élève à 78,237% du salaire brut plafonné, avec un maximum de 109,33 euros par jour (écartement à partir du 1erjanvier 2018).

  • La travailleuse est occupée auprès d’un employeur. Elle reçoit un travail alternatif (sans risque pour la santé) pour lequel elle perd une partie de son salaire (écartement partiel). 

Depuis le 1er janvier 2018, le calcul de l'indemnité a changé. Il est plus avantageux. L’indemnité s’élève à 60% de la différence entre le salaire brut de l’occupation initiale et celui perçu pour le travail alternatif. L'indemnité maximale est de 2.179,94 euros par mois.

Conseil : Votre employeur doit transmettre les informations concernant le salaire que vous continuez à recevoir pendant l’écartement partiel (mois par mois) à la mutualité. S'il ne le fait pas, vous devez interpeller votre employeur pour qu'il complète le formulaire papier ou le fasse par voie électronique.

  • La travailleuse est occupée auprès de plusieurs employeurs. Elle est écartée du travail auprès d’un ou de plusieurs mais pas auprès de tous. 

Depuis le 1er janvier 2018, le calcul de l'indemnité est également plus avantageux. L’indemnité s’élève à 60% du (des) salaire(s) brut(s) par mois perdu(s) auprès de l'(des) employeur(s) pour lequel (lesquels) elle est écartée. L'indemnité maximale est de 2.179,94 euros par mois.

Bon à savoir : Si vous êtes autorisée à conserver votre activité comme indépendante complémentaire, le montant de votre indemnité couvrant la perte de votre revenu comme salariée sera, dans ce cas, réduit de 10%.

Quelles démarches faut-il faire ?

Pour bénéficier d'indemnités couvrant son écartement, la travailleuse doit transmettre divers documents à sa mutualité :

  • la prescription d'écartement du travail complétée par le médecin du travail, 
  • une attestation de l'employeur certifiant qu'aucun poste de travail adéquat n'a pu être donné (en cas d'écartement total) ou que la nouvelle fonction entraîne une perte de salaire (s'il s'agit d'un écartement partiel), 
  • une attestation reprenant la date présumée de l'accouchement et s’il s’agit d’une grossesse multiple ou non.

Et le travail de nuit ?

Le travail de nuit (entre 20h et 6h) est strictement interdit durant les huit semaines qui précèdent la date présumée de l’accouchement, et sur présentation d’un certificat médical qui atteste de la nécessité de cette interdiction pour la santé de la travailleuse ou du bébé. Il est également interdit durant 4 semaines maximum après le congé de maternité.

Dans ces situations, l’employeur doit transférer la travailleuse à un travail de jour. Si cette option n'est pas possible, l’exécution du contrat de travail est alors suspendue. La travailleuse est indemnisée par sa mutualité (voir ci-dessus) lorsque le passage en travail de jour entraîne une diminution de salaire ou en cas d'écartement total de l'activité salariée.

L'écartement pour allaitement

Les travailleuses qui allaitent bénéficient de mesures de protection semblables à celles des travailleuses enceintes. La liste des travaux nocifs ou dangereux est cependant spécifique à cette situation.

Le fait d'avoir été écartée pendant la grossesse n’implique pas automatiquement un écartement postnatal. Si elle allaite son enfant, la travailleuse doit avertir son employeur au plus tôt afin que le conseiller en prévention-médecin du travail puisse procéder à un nouvel examen médical et décider d'une mesure éventuelle d'écartement.

Si le risque professionnel est avéré, une indemnité d'écartement pour allaitement est octroyée (après le congé de maternité postnatal) jusqu’à 5 mois maximum à dater de l'accouchement. Cette indemnité s’élève à 60% du salaire brut plafonné avec un maximum de 83,84 euros par jour (écartement à partir du 1er janvier 2018). L’écartement partiel est également possible. Les indemnités sont les mêmes que pour l’écartement prénatal.

Pauses et congés

La loi ne prévoit pas comme tel de congé d'allaitement. La travailleuse qui n’est exposée à aucun risque professionnel et désire allaiter son enfant après son repos de maternité a le choix entre deux possibilités :

  1. Prendre des pauses d'allaitement à son travail (pour prélever le lait maternel ou allaiter son enfant). Chaque jour de travail, elle a droit à 1/2 h de pause si elle preste au moins 4 heures par jour ou 1 heure ou 2X 1/2h de pause si elle preste 7h30 par jour. Ce droit est accordé jusqu'à 7 mois après l'accouchement, éventuellement prolongé de 2 mois au maximum. Le salaire perdu suite aux pauses d'allaitement est compensé par une indemnité d'un montant égal à 82% du salaire non plafonné. La travailleuse doit remettre chaque mois une attestation complétée par son employeur et par elle-même au service indemnités de sa mutualité.  
  2. Prendre des congés spécifiques (congé parental, crédit-temps avec motifs, congé sans solde…).

Pour en savoir plus ...

Pour plus d'infos, contacter un conseiller mutualiste de la MC, appeler le 0800 10 9 8 7 ou surfer sur www.mc.be/incapacite 

Consulter aussi la brochure "Clés pour devenir parent tout en travaillant", publiée par le SPF Emploi (téléchargeable sur www.emploi.belgique.be)