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Jeunes et alcool : en parler en famille

3 min.
Alcool, en parler en famille (c)AdobeStock
Alcool, en parler en famille (c)AdobeStock
Julie Luong

Julie Luong

Difficile de faire la leçon aux jeunes quand on sait la place qu’occupe l’alcool dans la plupart des familles et ce que la société lui associe : la fête, l’amitié, la détente... "S’agissant des drogues, les parents sont rarement consommateurs. Concernant le tabac, il a aujourd’hui une réputation très négative. Ce n’est pas du tout le cas de l’alcool qui reste  valorisé socialement. À trois ans, les enfants savent déjà que, quand il y a une fête, il y a de l’alcool...", observe Pierre Maurage. S’interroger sur les raisons pour lesquelles on boit – en tant que jeune et en tant qu’adulte – est une manière d’ouvrir le dialogue.  

 "À trois ans, les enfants savent déjà que, quand il y a une fête, il y a de l’alcool..."

"On peut se poser la question de la place de l’alcool dans le fonctionnement de la famille, de la société et demander aux jeunes quelle est la fonction de l’alcool pour eux. Qu’est-ce qu’on en attend ? Dans le rapport à soi ? Aux autres ?" D’après l’enquête réalisée sur un millier de jeunes par le Dr Thomas Orban, auteur de "L’alcool sans tabous, spécial 12-35 ans", leurs motifs de consommation rejoignent en grande partie ceux des adultes : 48 % des répondants invoquent la fonction de lubrifiant social, 28 % recherchent l’ivresse pour être  "pétés, bourrés, la tête à l’envers", 27 % évoquent un attrait pour le goût, 15 % disent boire pour oublier que "la vie est trop dure" et 8 % pour faire comme tout le monde.  

De bonnes raisons de boire ? 

Si on boit parfois pour de mauvaises raisons, il faut reconnaître à l’alcool certaines fonctions et même, estime Pierre Maurage, une certaine utilité. "La question est de savoir si on est bien au clair sur la balance coûts-bénéfices : est-ce que ça m’apporte plus que ça ne me coûte ? Une question qui peut être régulièrement réexaminée, en fonction de son âge, son mode de vie, son état de santé. Ainsi que de ses antécédents familiaux : il est aujourd’hui admis que dans la fragilité par rapport à l’alcool, 50 % est déterminé par la génétique"Un jeune qui a un parent dépendant est plus à risque, mais il n’y a aucun déterminismerassure Pierre Maurage. L’alcool ne sera jamais une substance neutre pour lui mais il peut apprendre à reconnaître les signaux d’évolution vers une consommation plus problématique.

Pour Pierre Maurage, avec ou sans facteurs de risque, conserver un comportement flexible est un bon garde-fou. "Si on a envie d’être désinhibé ou même ivre et qu’on boit, d’accord. Mais si on boit juste parce qu’on sort, il faut peut-être s’interroger. Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? Est-ce que je ne peux pas faire certaines soirées avec et d’autres sans ?  " Dépasser une vision moralisatrice de l’alcool –"boire, c’est mal ; ne pas boire, c’est ennuyeux" – permet ainsi à d’accéder à une consommation plus consciente. Et de ne pas toujours voir la paille dans l’œil des jeunes...  

3 questions pour parler d’alcool en famille

  • Pourquoi on boit ? Pour célébrer ou oublier ses problèmes ? Est-il plus agréable de boire dans certaines circonstances ? Est-il possible de limiter sa consommation à ces circonstances ?  
  •  Existe-t-il des alternatives ? Si on boit parce qu’on est stressé, des alternatives comme une activité sportive ou artistique sont-elles possibles ? Si on pense que l’alcool masque un problème plus grave comme une phobie sociale ou une dépression, peut-on se faire aider par un thérapeute ? Si c’est parce qu’on se sent obligé de faire comme tout le monde, est-il possible d’en parler à ses amis proches pour trouver du soutien ?  
  • Quelle est l’histoire de la famille avec l’alcool ? Existe-t-il un passé d’alcoolo-dépendance ? Sur plusieurs générations ? Avec quelles conséquences ? Comment faire avec ce risque accru ? Si le sujet est difficile à aborder, n’hésitez pas à faire appel à d’autres membres de la famille qui pourront partager leur point de vue.