Prévention

Comment éviter les accidents domestiques  ? 

4 min.
Environ 3% des Belges ont subi un accident dans l'année (c) Photo Adobe
Environ 3% des Belges ont subi un accident dans l'année (c) Photo Adobe
sandrine warsztacki

sandrine warsztacki

Charlotte frémit encore quand elle repense à ce jour où le mécanisme du canapé lit s’est replié sur sa main, et aux trente minutes qui lui auront été nécessaires pour dégager ses phalanges fracturées de ce piège à souris !  "Entre les chutes, les coupures et les brûlures, j’en suis au moins à mon huitième accident... Mon problème c’est la précipitation, je fais plusieurs choses à la fois, et c’est là que la catastrophe ça arrive." 

Mais les accidents domestiques ne concernent pas que les distraits et les pressés. Selon une étude publiée par Sciensano en 2018, en Belgique, 3 % de la population de plus de 15 ans a subi un accident dans l’année. À titre de comparaison, les accidents de la route n’ont touché "que" 1,2 % de la population. Si on ajoute les accidents survenus pendant les loisirs (3,2 %), au total 7 % de la population a subi un accident qui a nécessité des soins médicaux. "Les accidents constituent un problème majeur de santé publique", s’inquiètent les auteurs de l’étude.  Et de rappeler que les accidents (au sens large) représentent la quatrième cause de décès en Europe après les maladies cardiovasculaires, le cancer et les problèmes respiratoires. Chez les enfants, c’est même la première ! 

 Enfants : explorer en toute sécurité 

Dans une exposition réalisée pour sensibiliser les parents aux risques d’accidents domestiques, la Ligue des familles invitait les visiteurs à déambuler dans une maison géante pour redécouvrir cet environnement familier à hauteur d’enfant. Poignées de casseroles, produits d’entretien colorés, pharmacie, y constituent autant de détails invitant à une exploration aussi fascinante que périlleuse.   

Parce que la maison est aménagée par et pour les adultes, cet environnement peut être menaçant pour un jeune enfant naturellement curieux de découvrir le monde sans en connaitre les dangers. De petits aménagements permettent d’éviter de grands drames : tourner les manches des casseroles vers l’intérieur, ranger les médicaments et produits ménagers en hauteur, ne pas laisser trainer de petits objets faciles à avaler, placer des sécurités pour escaliers et fenêtres, des bloque-portes pour éviter de s’y coincer les doigts, des cache-prises, etc. 

Si la surveillance de l’enfant est la première source de sécurité, celle-ci passe aussi par l’apprentissage, recommande l’ONE. Expliquer à l’enfant ce qui est dangereux et pourquoi donnera du sens aux interdits et lui permettra de gagner en autonomie.   

Seniors : adapter les gestes du quotidien 

À l’autre bout de l’existence, les personnes âgées représentent un autre public vulnérable. "La vue, l’ouïe, les sens, s’émoussent et les petits gestes du quotidien deviennent plus compliqués, observe Ludovic Grodent, ergothérapeute pour l’asbl Solival, qui propose conseils et adaptations à domicile pour des personnes en perte d’autonomie. On perd aussi en force. S’ébouillanter en déplaçant des casseroles trop lourdes, par exemple, est un accident fréquent que l’on peut éviter simplement en achetant un égouttoir à poser à même la casserole."  

L’érosion de la souplesse et de l’équilibre augmentent aussi les risques de chutes. Selon Sciensano, 17,4 % des plus de 65 ans an en font l’amère expérience. Une fois encore, de petits aménagements permettent d’éviter des faux pas : bien éclairer la cage d’escalier, coller des lampes avec détection de mouvement sur les marches, bannir les tapis glissants, installer des bandes anti-dérapantes et des barres d’appui dans la douche, etc. Les conséquences d’une chute peuvent être dramatiques : douleur chronique, perte d'autonomie, dépression... "Après une chute, la personne va souvent avoir peur de bouger. C’est un cercle vicieux, car éviter la sédentarité est un des meilleurs moyens de prévenir les chutes. Moins on bouge, plus on perd en proprioception, en perception de l’espace, en souplesse articulaire."  

Lorsqu’il réalise des visites à domicile, l’ergothérapeute part des habitudes de son habitant. "Rien ne sert de sécuriser la cuisine si la personne commande tous ses repas à domicile. Par contre, à un certain âge, monter sur un tabouret pour chercher les verres dans l’armoire, ce n’est sans doute pas une bonne habitude...  Mais la difficulté, c’est souvent d’accepter qu’on ne puisse plus faire les choses comme avant."  

 

Quelques bons gestes en cas de...

Brûlure : refroidissez avec de l’eau tempérée pendant 10 minutes à 20 minutes en fonction de la gravité. Attention à refroidir la brulure et non le blessé (surtout pour les enfants). Si la personne a trop froid, couvrez la blessure d’un linge propre et humide.   

Coupure : rincez à l’eau. Faites pression avec un tissu propre pour stopper le saignement. S'il faut vous rendre à l’hôpital, emballez la blessure proprement sans rien enlever (morceaux de verre, etc.).

Intoxication : évitez le vomissement et appelez le centre antipoison au 070 245 245 ou les secours en cas d’urgence vitale.

Chute : immobilisez la partie douloureuse. Appliquez du froid en veillant à ne pas refroidir le blessé.

En cas d’accident grave, appelez le 112. Indiquez l’adresse et essayer de décrire la situation de manière précise. Gardez votre ligne libre et rappelez si la situation s’améliore ou s’aggrave.

Bon à savoir, la MC rembourse 80 % du prix des formations "premiers secours" de la Croix-Rouge. Trouver une formation.

 

Une question sociétale également 

Au même titre que le tabac ou l’alcool, les accidents tuent… On en fait pourtant rarement un enjeu de santé publique. "Hasard, maladresse, défaut de surveillance sont couramment avancés pour expliquer les accidents qui relèvent de la sphère privée", relève Michèle Lalanne, auteure de "Sociologie des risques domestiques".  Mais les causes sociétales ne sont jamais explorées, dénonce la sociologue : "Les éclairer permettrait de donner des pistes pour la mise en œuvre de politiques publiques chargées de réduire le risque."  

"On voit encore trop d’intoxications au monoxyde de carbone, de gens qui vivent dans des logements insalubres, trop petits, encombrés, avec des installations électriques non conformes", regrette Alain Menozzi, formateur et secouriste pour la Croix-Rouge. Et de pointer aussi le réchauffement climatique qui aggrave les risques de déshydratation et de piqûres d’insectes, l’isolement, nos modes de vie trop pressés… Les pouvoirs publics gagneraient à investir davantage dans la prévention, commente pour sa part l’ergothérapeute Ludovic Grodent : "L’achat de petit matériel de sécurité peut vite représenter un budget pour des personnes qui ont peu de moyens, mais quand une personne doit passer des semaines en revalidation après un accident, c’est un coût sans commune mesure pour la société, avec toutes les conséquences humaines qui vont avec." 

infographie pour une maison sécurisée