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Cholestérol : un suivi à personnaliser 

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Julie Luong

Julie Luong

Le cholestérol est un lipide (corps gras) essentiel à l’organisme : il entre dans la composition des membranes cellulaires, permet la fabrication des hormones stéroïdes (notamment sexuelles), mais aussi de la vitamine D, nécessaire à la santé osseuse. Il est fabriqué à 70 % par le foie (cholestérol endogène). Les 30 % restants proviennent de l’alimentation. Mais qu’on ne s’y trompe pas : seul 1 % de ce cholestérol sert à fabriquer hormones et vitamines : le reste doit être éliminé depuis la circulation vers le foie puis vers l’intestin. "Un taux de cholestérol élevé est l’une des caractéristiques de l’espèce humaine", raconte le Dr Olivier Descamps, spécialiste du cholestérol au Centre hospitalier Jolimont et maître de conférences à l’UCLouvain. "Alors que les Belges ont un taux de cholestérol LDL ("mauvais cholestérol") moyen de 130 mg/dl, les animaux ont un taux de 30 ou 40. Et il est de seulement 10 mg/dl chez l’hippopotame !" Une spécificité à mettre sans doute en lien avec le développement embryonnaire de l’humain. "Il semble qu’on ait besoin de beaucoup de cholestérol pour faire grossir le cerveau. Le taux de cholestérol augmente d’ailleurs pendant la grossesse et l’allaitement." Proportionnellement, le cerveau est d’ailleurs l’un des organes qui contient le plus de cholestérol : si une femme de 60 kilos a environ 70 grammes de cholestérol dans le corps, 10 à 15 grammes se concentrent dans son cerveau.

Le cholestérol ne se voit pas

Mais voilà, avec l’âge, le taux de "mauvais cholestérol" a tendance à augmenter. Ce cholestérol-LDL (Low Density Lipoprotein) désigne la molécule qui circule depuis le foie vers les cellules périphériques. Il se dépose alors sur les parois des artères, entraînant la formation de plaques d’athérome (athéromatose). En perturbant le passage du sang, ces plaques accroissent le risque d'hypertension artérielle. Si elles se fissurent ou se rompent, elles contribuent à la formation de caillots qui peuvent provoquer des infarctus ou des AVC (accidents vasculaires cérébraux).

Pris isolément, le taux de cholestérol n’est donc pas un indicateur suffisant du risque cardio vasculaire.

Le cholestérol-HDL (High Density Lipoprotein) circule quant à lui des cellules vers le foie : c’est le "bon cholestérol" qui permet l’excrétion du cholestérol excédentaire vers la bile et l’intestin. "On sait maintenant que ce bon cholestérol n’agit pas directement comme le protecteur des artères, affirme le Dr Olivier Descamps, mais il est plutôt le marqueur de facteurs impliqués dans la protection (l’activité physique, la bonne alimentation, une bonne sensibilité à l’insuline…). Tout le monde devrait faire mesurer son taux de cholestérol très tôt dans sa vie, ne fût-ce que pour identifier une éventuelle forme familiale d’hypercholestérolémie. On sait au contraire que les gens qui, depuis la naissance, ont un cholestérol 10 mg en dessous de la moyenne ont presque 30 % de maladies cardiovasculaires en moins que le reste de la population."

Après 40 ans, faire mesurer régulièrement son taux de cholestérol est d’autant plus important que le risque cardiovasculaire augmente avec l’âge... et que le taux de cholestérol est impossible à deviner sans prise de sang ! "On peut avoir des personnes minces, qui mangent sainement, font du sport et ont un excès de cholestérol, précise le spécialiste. Il y a en revanche d’autres types de lipides dans le sang dont on peut deviner la présence en excès chez certains individus : c’est le cas des triglycérides dont les taux s’élèvent en cas d’excès de poids, d’une trop grande consommation d’alcool, de sucres et de féculents et qui, comme le cholestérol, sont associés aux maladies cardiovasculaires."

Un taux à adapter

De manière générale, le taux de cholestérol-LDL devrait idéalement se situer en dessous de 100 mg/dl. "Ce taux idéal de cholestérol-LDL est à distinguer du taux moyen qui, en Belgique, se situe au-dessus, à 130 mg/dl, rappelle le Dr Olivier Descamps. Cela est à mettre sur le compte de l’espérance de vie – le cholestérol a tendance à augmenter d’1 mg chaque année – mais aussi de nos habitudes alimentaires : charcuteries, fromages, fritures..." Plus le risque cardiovasculaire est élevé (hypertension, diabète, surpoids, tabagisme, sédentarité), plus ce taux a intérêt à être abaissé. Chez les personnes qui ont des antécédents de maladies cardiovasculaires, le taux recommandé est ainsi de 70 mg/dl voire 55 mg/dl.

Pris isolément, le taux de cholestérol n’est donc pas un indicateur suffisant du risque cardiovasculaire. Une personne avec un taux de cholestérol peu élevé mais fumeuse et/ou diabétique présente par exemple un risque cardiovasculaire plus important qu’une personne avec un taux de cholestérol plus haut mais sans autre facteur de risque. "L’avantage, avec le cholestérol, c’est que contrairement à la tension artérielle ou au taux de sucre, on peut le faire baisser autant qu’on veut sans qu’il y ait d’effets secondaires, précise le Dr Olivier Descamps. Et quand on descend à des taux très bas, il peut même y avoir une régression des plaques d’athérome, ce qui est vraiment intéressant par rapport au risque cardiovasculaire global, autrement dit un rajeunissement des artères."

Moins de viande, plus d’amandes

Pour maintenir ou atteindre un taux de cholestérol optimal, certaines habitudes alimentaires peuvent aider. Il est notamment recommandé de réduire ses apports en graisses saturées d’origine animale (viandes hachées, charcuteries grasses, produits laitiers entiers, fromages, beurre). On estime par exemple qu’un homme ne devrait pas consommer plus de 20 g de graisses saturées par jour et une femme pas plus de 15 g. Or, 120 g de bœuf haché fournissent déjà ces 15 g... Un argument de plus pour adopter une alimentation "flexitarienne" où les apports en protéines animales se concentreront sur un peu de viande blanche ou de poisson. "Pour le reste, il ne faut pas nécessairement remplacer le parmesan par du fromage de régime qui n’a aucun goût mais plutôt le couper en fines lamelles et manger de petites quantités", souligne le Dr Olivier Descamps. Quant aux œufs, on peut en consommer jusqu’à 5 ou 6 par semaine (en comptant ceux qui entrent dans la préparation des plats ou pâtisseries) si l’on ne présente pas d’excès de cholestérol. Dans le cas contraire, il ne faut pas en consommer plus de 2 à 4 par semaine.

Après 40 ans, faire mesurer régulièrement son taux de cholestérol est d’autant plus important que le risque cardiovasculaire augmente avec l’âge.

De même, il est important de limiter sa consommation de plats préparés (lasagnes, gratins, pizzas…) et de produits industriels (biscuits, chips, céréales petit-déjeuner…) qui contiennent des huiles végétales hydrogénées (graisses trans). "En revanche, on peut favoriser tout ce qui est graisses insaturées car elles contribuent à abaisser le taux de cholestérol-LDL : l’huile d’olive, de colza, de tournesol, les amandes, les noix. On peut aussi consommer des stérols végétaux, qu’on trouve par exemple dans les avocats." Aussi appelés phytostérols, les stérols ont une structure très similaire au cholestérol alimentaire, mais proviennent des végétaux et non des produits d’origine animale : ils ont donc la capacité de prendre la place du cholestérol dans l’intestin et d’entraver ainsi son absorption par l’organisme. De manière générale, une alimentation riche en fruits, légumes et céréales complètes contribuera à prévenir l’excès de cholestérol.

Le rôle des médicaments

"Une alimentation adaptée permet de faire baisser le taux de cholestérol-LDL de 10 à 20 %", rappelle le Dr Olivier Descamps. Chez une personne avec un faible risque cardiovasculaire, des mesures diététiques peuvent donc parfois être suffisantes pour atteindre les taux recommandés. Mais en cas de risque cardiovasculaire plus élevé, un traitement médicamenteux sera souvent préconisé : il permettra en général de faire baisser le taux de cholestérol de 50 à 60 %. Les statines – qui diminuent la synthèse du cholestérol – demeurent le médicament de référence. Utilisées depuis plus de 35 ans, elles sont aujourd’hui prescrites à plus d’un million de Belges... Chez un petit pourcentage des patients, les statines provoquent des crampes et de la faiblesse musculaire, avec une fatigue plus rapide à la marche. "Ce symptôme apparaît toujours en début de traitement... pas après 20 ans. Et il n’y a pas de destruction des muscles. Cela n’a donc rien d’inquiétant. Et si cela devient gênant, il existe des alternatives", rappelle le Dr Olivier Descamps. L’ézétimibe est une autre molécule aujourd’hui utilisée contre l’excès de cholestérol. Elle empêche son absorption au niveau intestinal et est parfois associée aux statines. L’acide bempédoïque, un nouveau médicament disponible depuis 2022, réduit aussi la synthèse de cholestérol et peut être associé aux deux autres. "Chaque fois que vous diminuez de 40 mg votre cholestérol LDL, vous diminuez de 20 % votre risque cardiaque", poursuit le Dr Olivier Descamps. À chacun son traitement donc, et à chacun ses objectifs personnalisés. Plus qu’un ennemi à abattre, le cholestérol est une variable à ajuster pour préserver sa santé.

L’hypercholestérolémie familiale

L’hypercholestérolémie familiale est liée à une anomalie génétique spécifique qui empêche l’élimination normale du cholestérol par le foie et peut conduire précocement à de graves pathologies cardiovasculaires. Chez ces personnes, le taux de cholestérol peut atteindre 300 ou 400 mg/dl. Cette maladie concerne 1 Belge sur 250 et le risque de transmission héréditaire est de 1 sur 2. "Si dans la famille, il y a des cas de maladies cardiovasculaires survenues chez les femmes avant 65 ans et chez les hommes avant 55 ans, il faut suspecter cette maladie, indique le Dr Olivier Descamps. Une mort subite avant 55 ans, même chez un fumeur, ce n’est pas banal. Il faut éviter de mettre ça sur le compte des mauvaises habitudes de la personne et se faire dépister." Aujourd’hui, il existe en effet une nouvelle classe de médicaments, les inhibiteurs du PCSK9, qui permettent de traiter efficacement les hypercholestérolémies familiales.