Editos

Pénurie de soignants : penser global

3 min.
Alexandre Verhamme, directeur général de la MC

Alexandre Verhamme, directeur général de la MC

L’épisode de l’organisation d’un master en médecine à l’Université de Mons (UMons) a vu s’affronter les partis de la majorité jusqu’à menacer la survie du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les uns défendaient l’octroi d’une habilitation (1) pour ce master afin de lutter contre la pénurie de médecins dans le Hainaut ; les autres s’y opposaient au nom de l’utilisation responsable des deniers publics.

Finalement, qui a gagné ? Tout le monde, mais surtout personne. PS et Ecolo pourront se targuer auprès de leur électorat hennuyer d’avoir obtenu le fameux master. Quant au MR il se réjouit déjà de déposer prochainement au parlement de la FWB une révision du mode d’octroi des habilitations, ce qui risque bien de paralyser l’enseignement supérieur et de l’empêcher de répondre aux besoins de la société. Et la lutte contre la pénurie de médecins dans tout ça ? Ceux-là mêmes qui justifient l’ouverture du programme à Mons pour lutter contre la pénurie s’accordent à dire que d’autres éléments sont davantage déterminants.

Lever le tabou sur les quotas

Quelques avancées encourageantes ont été obtenues sur le contingentement des numéros Inami des médecins. La Commission de planification de l’offre médicale  a revu à la hausse les quotas grâce à une nouvelle méthode de calcul qui objective davantage les besoins du terrain. Il faut également saluer la volonté de la Fédération Wallonie-Bruxelles de réserver 50% de sa part des quotas à la pratique de la médecine générale.

Pour autant, nous pensons qu’il faut changer de paradigme. Le contingentement de l’offre médicale doit faire l’objet d’un débat sans tabou sur son utilité au regard du contexte actuel. Du côté francophone, 40% des médecins généralistes sont susceptibles de prendre leur pension d’ici dix ans, et seul un sur cinq a moins de 35 ans aujourd’hui ! La pyramide des âges, le souhait légitime d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, le développement des pratiques de groupe ou encore les taux de conventionnement insuffisants des médecins spécialistes - qui met à mal l'accessibilité financière pour les patients  - sont autant de facteurs qui doivent éclairer ce changement de modèle. Il faut également pointer que la fixation de quotas est un frein à une réponse aux défis de la santé publique, tant elle est source de tension communautaire. 

Des incitants, mais encore ?

L'ouverture du master en médecine à Mons a également relancé le débat sur le système d'incitants financiers à l'installation (Impulseo). Si la Ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale attribue à Impulseo la diminution récente du nombre de communes wallonnes en situation de pénurie, elle reconnait toutefois que des aménagements doivent être opérés pour l’améliorer. En Région wallonne, le budget annuel dédié à ce système s’élève à 11,5 millions d’euros. Il faut donc l’interroger pour s’assurer de l’efficience réelle de la mesure.

Rappelons-nous des cris de détresse du personnel (para)médical des hôpitaux pendant la crise sanitaire.

Cela étant dit, ces différentes manières de penser les réponses à apporter à la pénurie de médecins sont coupables d’une double méprise : elles abordent en silo une problématique multifactorielle et elles occultent une réalité bien plus large. En effet, si notre pays est confronté à un manque sévère de médecins, c’est en réalité tout le secteur de l’aide et des soins qui souffre d’un manquement grave de ressources humaines et qualifiées.

Rappelons-nous des cris de détresse du personnel (para)médical des hôpitaux pendant la crise sanitaire. Qu’attendait-il ? Des mains supplémentaires pour en finir avec les horaires intenables et améliorer l’encadrement des personnes. C’est vrai pour les hôpitaux, mais également pour les maisons de repos et de soins, l’accompagnement à domicile, l’action sociale…

La pénurie de soignants relève de la compétence de tous les niveaux de pouvoir : l’enseignement pour les Communautés, l’organisation de la première ligne de soins pour les Régions, les conditions de détention d’un titre professionnel ou le modèle de conventionnement pour l'État fédéral… 

Ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’un plan interfédéral ambitieux et concerté avec les représentants des usagers et des acteurs de l’aide et des soins. Un plan qui s’attaque à toutes les facettes de la problématique pour assurer un mieux-être de ces professionnels et surtout garantir une réelle accessibilité - financière, géographique, temporelle - de l’aide et des soins pour la population.