Vacances en solo : une aventure à test...
Partir seul en vacances… Une idée qui fait peur ou qui étonne. Et pourtant elle offre l'occasion d'une aventure à la rencontre de soi… et des autres !
2 min.
Médias
"Aujourd'hui, ma mère a tenté de payer le buraliste du village avec des billets de Monopoly. Elle croyait qu'il ne ferait pas la différence." L'auteure, Aurelia Balboni, raconte dans un documentaire sonore la maladie neurodégénérative rare dont souffre sa maman. Un récit touchant.
L'appauvrissement langagier est un premier symptôme. À 64 ans, Françoise Gibert oublie le nom des gens qui l'entourent. Assez rapidement après l'apparition de la démence sémantique, elle est écartée du centre d'art qu'elle dirige. Le neurologue est formel : aucun traitement ne pourra la guérir. "Une pomme, une chaise, une fleur sont des mots que ma mère ne connait plus. Alors elle utilise un même mot pour désigner plusieurs choses. Création, volume, végétation désignent les objets de son quotidien." Françoise, qui n'aura jamais conscience de sa maladie, trouve qu'elle va très bien.
Elle ne voit rien d'anormal, par exemple, à peindre sur les oeuvres réalisées plus tôt dans sa vie. Ni à subtiliser une voiture, le temps d'une promenade, et de la peindre en rouge, la couleur de son ancien véhicule dont elle est privée depuis l'apparition de comportements bizarres. Faut-il par ailleurs s'inquiéter de la voir pénétrer de nuit dans une maison voisine, effrayer sa propriétaire endormie et subtiliser les clés de son véhicule ?
Oui. Ses enfants sont inquiets. Alors ils s'organisent, conscients qu'elle représente un danger pour les autres et pour elle-même, pour lui offrir le droit de rester, tant que faire se peut, dans son lieu de vie "qui agit comme un repère et un soutien". Mais cela n'est possible qu'en érigeant quelques barrières. D'abord physiques : fini les cours de dessin qu'elle donnait à la maison de retraite, les allers-retours vers Troyes et les promenades hors du jardin dont le portail est désormais fermé à clé. Puis des entraves chimiques : quelques gouttes administrées pour stabiliser son état.
La voix narrative de l'auteure est discrète. Elle délègue aux illustrations sonores, plus efficaces et précieuses que les mots, la responsabilité de créer des images mentales dans l'esprit de l'auditeur. Le fusain sur le papier, l'écoute des Quatre Saisons de Vivaldi, les conversations à table en famille… Les sons peuvent toutefois aussi raconter des choses moins réjouissantes du quotidien de sa maman : les répétitions incessantes dans la bouche de Françoise, le vocabulaire qui s'étiole, les privations, la dépendance, l'environnement de plus en plus restreint…
Les mots de ma mère raconte la diminution irréversible d'un être proche. Si la pudeur de l'auteure tient l'auditeur à distance, la puissance suggestive de ses sons attise son empathie. Poignant.
La démence sémantique est une maladie qui isole. Le projet d'Aurelia Balboni poursuivait deux objectifs : être présente auprès de sa mère, tenter de faire quelque chose avec elle et cette maladie plutôt que de l’observer se dégrader avec l’impression de ne rien pouvoir faire. L’enregistrer lui permettait de garder un peu d’elle et de ses mots qu’elle était en train de perdre. Rencontre avec l'auteure.
En Marche : C'est un travail thérapeutique ?
Les mots de ma mère • Aurelia Balboni • 52 min • 2015 •
En écoute libre sur www.acsr.be/production/les-mots-de-ma-mere/
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