"Le féminisme n'est pas un gros mot"

Lauraine Meyer est illustratrice et directrice artistique dans la publicité. Elle n'était pas épargnée par le sexisme ordinaire sur son lieu de travail en France : "Les mecs s'envoyaient une newsletter entre hommes avec des images pornographiques extrêmement violentes. En tant que femme, regarder l'écran de mon voisin et les entendre se bidonner aux quatre coins de l'open-space, c'était très choquant." Elle vit et travaille actuellement à Amsterdam et constate que les mentalités évoluent petit à petit, même dans la pub. Dans son premier album, elle jongle avec les clichés pour dédramatiser avec humour certaines situations et apporter des pistes de réflexions aux adolescents et aux adultes sur l'égalité hommes-femmes.

Pourquoi être féministe aujourd'hui ?

En chaussant ses lunettes de féministe, l'autrice souhaite "apprendre à regarder et à reconnaitre au quotidien toutes les petites ou grandes différences qui créent de l'inégalité entre les hommes et les femmes (au sens large)." Car elle le confesse, elle pensait qu'il n'y avait plus tellement d'inégalités aujour d'hui. Un peu par hasard, il y a quatre ans, elle lit le livre de Benoite Groult Ainsi soit-elle et elle réalise soudain que les droits des femmes ne sont jamais définitivement acquis.

Qu'est-ce que cela veut dire être une féministe en construction ?

Les droits des femmes évoluent depuis 200 ans avec des progrès notables. L’autrice utilise de nombreuses références et conseille des livres, films et podcasts pour approfondir les réflexions sur les différentes thématiques. Elle se base notamment sur le discours de l’actrice Emma Watson en 2014 où celle-ci rappelle : "Aucun pays dans le monde ne peut aujourd’hui se prévaloir d’être parvenu à instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes." Le développement d'internet et le mouvement #metoo (moi aussi) ont changé radicalement le rapport de force face au patriarcat. "Continuer à se poser des questions, décortiquer les relations hommes-femmes au quotidien, ouvrir son esprit à des questions qui ne nous touchent pas forcément (comme la question de la transidentité par exemple), c'est évoluer dans son rôle de féministe", défend Lauraine Meyer.

Le livre s’adresse aussi aux hommes, un homme peut-il être féministe ?

Pour dissiper tout malentendu, Lauraine Meyer souhaite d’abord remettre les pendules à l’heure : non, les féministes ne détestent pas les hommes. Le mouvement He For She (lui pour elle) est d’ailleurs convaincu que faire participer les hommes et les garçons au combat pour l'égalité des sexes est indispensable. Emma Watson, dans son discours qui lance cette campagne en 2014, ne peut être plus claire : "Messieurs, j’aimerais profiter de cette opportunité pour vous inviter formellement. L’égalité des sexes est aussi votre problème."

Certains sujets ne concernent-ils que les femmes ?

Il y a un an, l’autrice est devenue maman. "Subitement, un autre pan de la condition des femmes s'est révélé à moi avec tout ce qu'il comprend d'injonctions, de charges mentale et émotionnelle", commente-t-elle. Certains sujets restent encore "une affaire de femme", constate-t-elle à cette occasion. Juste après un accouchement, c'est vers la femme que le ou la gynécologue se tourne pour parler contraception : "J'étais assez choquée qu'on me pose cette question alors que je devais prendre soin de mon bébé et que mon corps était dévasté, confie l'autrice. Pourquoi ne pose-t-on pas cette question au papa ?"

Le sang des femmes est aussi un sujet tabou, affirme Lauraine Meyer. Les religions notamment peuvent véhiculer des clichés sur les femmes qui seraient sales ou impures lors qu'elles sont réglées. "Cela fait du mal de génération en génération. Les jeunes hom mes devraient être mieux informés de ce qu'il se passe dans le corps d'une femme lors des menstruations."

>> Feminists in Progress • Lauraine Meyer • Casterman • 2022 • 245 p • 19€