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La médecine alchimique : relation entre les métaux et l'âme

3 min.
© S. Cosentino
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Sandrine Cosentino

Sandrine Cosentino

L'alchimie a profondément marqué la médecine, affirme Thierry Appelboom, administrateur délégué du musée de la Médecine à Bruxelles : "Sans l'alchimie, nous n'aurions pas connu la chimie et nous n'en serions pas là au niveau de nos connaissances en médecine." Patrick Burensteinas, scientifique et alchimiste contemporain français, explique la différence entre l'alchimie et la chimie dans une interview accordée à Tistrya Productions : "Dans la chimie, c'est le produit qui est important, dans l'alchimie, c'est le but. Tous les produits trouvés en faisant de l'alchimie sont des conséquences de la quête pour trouver la pierre philosophale." Nicolas Flamel, alchimiste français du 14e siècle, aurait découvert l'élixir de jeunesse grâce à cette pierre. Il a été un des personnages principaux dans le premier livre de la saga d'Harry Potter. La transmutation de la matière en or est sans doute l'image la plus connue de l'alchimie. Différente de la transformation, la transmutation fait disparaitre la matière ou en change sa nature. Trois principes interviennent dans cette transmutation : le soufre masculin s'attaque aux métaux, le mercure féminin est responsable de leurs malléabilité et volatilité, le sel contribue à leur union. Tout corps est constitué de ces trois principes. Pour les illustrer, prenons l'exemple d'une buche en feu : le soufre brule, le mercure part en fumée et les cendres restantes sont le sel.

De l’Antiquité à la Renaissance

L'exposition retrace l'histoire de la médecine alchimique qui a fait ses premiers pas dans l'Antiquité, au croisement de la science et de la magie en Égypte ancienne et grâce aux prouesses philosophiques des anciens Grecs. "À l'époque, la médecine était inefficace et la mortalité très élevée, précise Thierry Appelboom. 30 % des nouveaux nés mourraient endéans la première année. Un homme sur deux seulement arrivait à l'âge adulte et il était rare qu'il dépasse les 40 ans. Les alchimistes considéraient l'humain comme immortel mais ils n'arrivaient pas à trouver le remède pour le garder en vie. Les maladies résultaient d'un déséquilibre entre le soufre, le mercure et le sel."

Aristote, philosophe grec de l'Antiquité, pose les fondements de l'alchimie et pendant plus de 1.000 ans, les médecins-alchimistes se basent sur sa conception de l'Univers, où toute matière est formée de quatre éléments (la terre, l'eau, l'air et le feu). "Les alchimistes croyaient en l'influence du macrocosme sur le microcosme", rappelle Thierry Appelboom. On oppose le macrocosme, représentant l'Univers, au microcosme, le monde à l'échelle humaine. Sept planètes constituent l'Univers : le Soleil, la Lune, Mercure, Venus, Mars, Jupiter et Saturne. Sept métaux poussent sur terre à l'état imparfait : le cuivre, le fer, l'étain, le plomb, le mercure, l'argent et l'or, chacun ayant une correspondance avec la planète qui l'a engendré. Le terme "alchimie" vient de l'arabe Al-Kemia, Al signifiant petite quantité et Kemia enfoui dans la terre, indirectement aussi fondre et allier les métaux. Il fait référence aux vertus divines et magiques. L'alchimie se développe au Moyen Age avec des applications expérimentales. "La médecine arabe apporte une révolution entre le 8e et le 12e siècle. C'est l'âge d'or islamique, indique Thierry Appelboom. Ils réalisent les premières calcinations, procédé de chauffage à haute température, prolongée le temps nécessaire pour éliminer toutes les substances volatiles." Les médecins-alchimistes ont abandonné leurs recherches d'un élixir d'immortalité au 17e siècle, les intellectuels rejetant les conceptions philosophiques et magico-religieuses de l'Antiquité et constatant l'inefficacité d'un art de guérir qui n'était pas construit sur des données scientifiques. Antoine Laurent de Lavoisier, considéré comme le père de la chimie moderne, définit alors la matière par la propriété d'être pesante.

Plus d'infos : Exposition “Alchemia Medica” jusqu'au 15 novembre • Musée de la médecine, Campus Erasme, place Facultaire, route de Lennik 808 à 1070 Bruxelles • en semaine de 9h à 16h et le 1er weekend de chaque mois de 13h à 16h • 02 555 34 31 • dès 1€ et gratuit les dimanches

L'exposition sera ensuite présentée à l'Hôpital Notre-Dame à la Rose courant de l'année 2023.