Arts

Les émotions à travers la Biodanza

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Sandrine Cosentino

Sandrine Cosentino

Les enfants enlèvent leurs chaussures et leurs chaussettes. Il est 9h et le cours de Biodanza commence à l’école Clair-Vivre (Alpha). La première règle, les enfants la connaissent bien : "Je prends soin de moi. Et moi, c'est ma tête, mes bras, mes pieds…", rappelle Élodie Vandenbogaerde, la facilitatrice de l'ASBL Apolo. Les enfants ont l'habitude du rituel : "La deuxième règle est 'je prends soin des autres'. Et les autres c'est Camille, Jules, Lina, Nassim, Ryan…" Il est également important de pren dre soin de l'espace dans lequel le groupe danse.

"Dans ma classe, les enfants ne s'écoutaient pas et cela créait des tensions, se souvient l’institutrice maternelle, Caroline Gerresch. La Biodanza travaille sur les émotions et la cohésion de groupe. Cela permet de se respecter, de se toucher avec bienveillance… Les enfants peuvent exprimer ce qu'ils aiment et ce qu'ils n'aiment pas, entrer dans le mouvement et l'imaginaire." Dans le cadre d'un projet "La culture a de la classe", avec le soutien de la commune d'Evere et du Centre culturel L'Entrela, les 21 enfants de la classe, âgés de 2,5 à 5 ans, bénéficient depuis septembre d'un rendez-vous hebdomadaire de sociabilisation et de bien-être. "En janvier, je voyais déjà l'évolution du groupe, affirme l'institutrice. Les grands vont plus volontiers vers les petits, ils se font des bisous, se tiennent par la main sans sourciller."

La pratique de la Biodanza s'adresse tant aux adultes qu'aux enfants. Elle utilise le mouvement, la musique et la relation avec les autres. Une personne formée guide le groupe vers une certaine catégorie de mouvements, pour donner une direction, sans imposer de pas. Élodie Vandenbogaerde la définit comme "un système d'intégration affective qui a pour objet l'expression de l'identité."

Une étude de 2018 réalisée par des chercheurs de l'Universidad de Huelva en Espagne suggère qu'un programme de Biodanza chez les écoliers peut être un bon outil pour améliorer les variables physiques (agilité) et psychologiques (estime de soi et intelligence émotionnelle) d'un groupe.

La Biodanza travaille sur les émotions et la cohésion de groupe. Cela permet de se respecter, de se toucher avec bienveillance…

Alternance entre moments d'activité et moments de repos

Chaque cours de Biodanza commence par une ronde dansante. Les enfants adorent agrandir le cercle ou se retrouver les uns contre les autres pour en former un petit. Ils s'adaptent à la musique d'abord lente, puis de plus en plus rapide. La ronde permet de sentir l'énergie du groupe, de se découvrir, d'être symboliquement tous ensemble pour commencer le cours. Ce matin, l'ambiance chez Caroline est plutôt énergique, voire… électrique. Élodie Vandenbogaerde s'adapte à la vigueur du groupe. Cela tombe bien, ce matin, elle parle de potion magique et de tigre. "Je raconte toujours une histoire aux enfants. La parole est directement en lien avec ce qu'ils vivent, avec leurs besoins et leur imaginaire. Je les invite à devenir un animal. Il y a quelques semaines, nous étions des loups. Aujourd'hui, nous sommes d'abord des chats puis des tigres." Les enfants se prennent au jeu, ils se roulent par terre comme des félins, se toisent avec des regards perçants.

La séance propose tantôt des moments d'activité, tantôt des moments de repos. Ce rythme reflète celui des enfants. "Les adultes suivent plutôt une courbe d'activité en forme de cloche. Les enfants, par contre, oscillent tout le temps entre les moments rythmés et les moments calmes", rappelle la facilitatrice. La musique s'arrête, les enfants font la pierre : à genoux, front au sol. Les enfants connaissent bien cette posture, sauf Noah, le petit dernier arrivé il y a 10 jours. Alors, les plus grands prennent le temps de lui montrer comment se positionner. "Cette position est contenante, structurante et reposante, détaille la facilitatrice. Dans nos vies surchargées, nous sommes finalement très dispersés. La pierre est un outil qu'ils peuvent utiliser au quotidien pour se rassembler."

Différent et un peu pareil

Grande sportive et danseuse depuis son enfance, Élodie Vandenbogaerde reconnait que son premier cours de Biodanza en tant que participante, il y a 15 ans, ne l'a pas convaincue : "Ce n'était pas assez sportif, ni assez dirigé. Je cherchais la performance, le résultat…" Petit à petit, elle apprend à écouter son corps : "Un facilitateur ne dit pas ce qui est bien ou pas. Il incite chacun à sentir ce qui est bon pour lui à ce moment-là."

Les participants sont invités à réaliser des mouvements simples. Par exemple, un duo se tient par les mains et balance les bras au rythme de la musique. En changeant de partenaire, les participants explorent une autre manière de bouger. La Biodanza permet de se rendre compte de la diversité humaine dans le mouvement.

"Je remarque, dans mes groupes, qu'un enfant aime faire une activité avec tel enfant et une autre activité avec un autre, précise la professeure. Au départ, les enfants veulent imposer leur manière de faire aux autres. Au fur et à mesure de l'année, il devient de plus en plus acceptable que l'autre fasse différemment."

Le cours touche à sa fin. Pour se souvenir qu'ils ont été des tigres pendant quelques minutes, chacun peut maquiller de manière imaginaire l'autre, en utilisant simplement ses doigts. Un moment calme et intime. "En proposant un maquillage imaginaire ou un massage, nous leur faisons prendre conscience qu'il est possible de se rencontrer entre humains d'une manière non violente. Il s'agit d'une exploration de soi et des autres de façon bienveillante."

Élodie Vandenbogaerde propose de clore la séance par le train. "La première personne est la locomotive. Avoir la responsabilité du groupe permet de s'affirmer et d'acquérir de la confiance en soi. En début d'année, l'enfant meneur ne pense pas à ce qu'il se passe derrière lui. En fin d'année, l'important n'est pas la vitesse mais de rester ensemble."

>> En apprendre plus sur la Biodanza et trouver un cours en Belgique : biodanza.be

Qui a créé la Biodanza ?

Dans les années 60, Rolando Toro Araneda – d’abord instituteur, ensuite psychologue et anthropologue à l’université de Santiago du Chili – fonde la Biodanza.

Il a réalisé de nombreuses recherches sur les états d’expansion de conscience et sur la créativité. Pour l’élaboration du système Biodanza, il a puisé son inspiration aux sources de l’anthropologie et de l’éthologie (observation et analyse du comportement des espèces).

Sa méthode s’étendra en Amérique du Sud puis en Europe et est aujourd’hui pratiquée dans plus de 60 pays.