Droits des patients

De la Belgique au Brésil : la solidarité

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© Solidarité mondiale
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Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

"Comment c'était le Brésil ?" À cette question, fréquemment posée par ses collègues de la MC d'Anderlues, Etienne ne sait guère quoi répondre. "Je leur dis qu'il faisait beau… Puis quand je veux raconter les rencontres, j'ai la gorge serrée. Les personnes qu'on a écoutées nous ont fait entrer dans une autre dimension. Une dimension qu'aucun reportage ne pourra restituer."

Chaque année, l'ONG du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) organise un voyage d'immersion dans un pays du Sud où s'activent des associations partenaires. Une année sur deux, la destination est africaine. L'autre année, elle est asiatique ou latino- américaine : Bangladesh, Bolivie… 2016 : le Brésil.

Organisés "pour le Mouvement et ses organisations constitutives", insiste Antoinette Maia, animatrice, ces voyages sont considérés avant tout comme "une démarche d'éducation citoyenne. L'expérience s'appuie sur la relation entre partenaires du Nord et du Sud, sur ce que les uns et les autres peuvent s'apprendre."

Plus spécifiquement, l'expérience brésilienne poursuit deux objectifs : illustrer et nourrir la campagne "Protection sociale pour tous" (lire ci-dessous) et faire des participants des "ambassadeurs" de la solidarité Nord-Sud. "Ils sont préparés avant et après le voyage, explique la coordinatrice du projet. Deux journées et un week-end ont été consacrés à la consolidation du groupe, aux enjeux de l'éducation au développement, à la découverte de la coopération internationale, du Brésil…"

Loin de la samba et du carnaval

Oubliez la caïpirinha, les transats et la plage. À peine sur le tarmac, la douzaine d'ambassadeurs s'apprêtaient à tracer des kilomètres sur les routes du plus grand pays d'Amérique Latine pour rencontrer les partenaires de Solidarité Mondiale.

Comme l'UGT, par exemple, le second syndicat du pays. C'est Riccardo Patah, son président, mais aussi Marcio Bortolucci qui les ont reçus. Ce dernier, avocat, était invité l’année passée à Bruxelles par Solidarité Mondiale pour évoquer le sort des cueilleurs d'oranges devant les parlementaires belges et européens (1). Travailleurs que les voyageurs entendaient rencontrer pour poursuivre la campagne "Pressés comme des oranges".

"Arrivés à l’entrée de l'exploitation, se rappelle Antoinette Maia, le garde employé par la multinationale Louis Dreyfus nous a refoulés. Pas d'autorisation, pas d'entrée. Nous devions aussi voir leurs logements. Pas possible…"

En revanche, d'autres visites ont porté leurs fruits : le Mouvement des travailleurs chrétiens et le Cedac, deux organismes de formation pour adultes (droit du travail, apprentissage de métiers…). Mais aussi la JOC (Jeunes se ouvrière chrétienne) brésilienne, une structure similaire aux JOC (Jeunes organisés et combattifs) francophones.

Quel effet aura cette expérience ? "L'envie d'être plus impliqué, de militer pour une société qui tourne plus rond, pour moins d'injustices…"

Des ambassadeurs émus

Pourquoi Etienne a-t-il voulu participer au voyage ? Pour réemprunter le chemin de la militance qu'il avait maintes fois foulé à ses débuts à la MC, il y a 20 ans. "J'ai senti le besoin d'alimenter ces valeurs de solidarité qui sont en moi. Et puis, il y avait l'envie d'agir pour ceux qui sont loin de bénéficier d'un dixième de ce qu'on a en matière de protection sociale."

Toutefois, il ne se faisait pas d'illusions sur ce qu'il allait voir. "Je savais les grands-écarts : des villes géantes puis des zones inhabitées, la grande misère à côté de l'hyper-luxe…" Mais ces connaissances ne l'ont pas rendu insensible à la pauvreté pour autant : "Malgré le désespoir qui les guette, ceux qu'on a rencontré ne nous ont rien demandé. Rien sauf de témoigner de ce qu'on a vu. On a quasiment touché la misère du doigt puis on fait la file à un buffet quatre étoiles. Ça rend schizophrénique."

Quel effet aura cette expérience sur sa vie en Belgique ? "L'envie d'être plus impliqué, de militer pour une société qui tourne plus rond, pour moins d'injustices, pour que l'argent possédé par les riches n'empêche plus la plus grande partie de l'humanité d’avoir accès à des soins de santé, à une protection sociale minimale"


Une journée des possibles

Migrations, Traité transatlantique, inégalités, pensions, allocations… En Europe, la protection sociale est remise en question par des politiques d'austérité. Ailleurs, les initiatives innovantes qui voient le jour, soutenues par des mouvements sociaux, suscitent l'espoir. Comment défendre au mieux la protection sociale comme levier de solidarité et de développement ?

Une "journée des possibles" y sera consacrée le mardi 22 mars au Palais des Congrès de Namur. Sur place : animations, formations, découverte d'outils de mobilisation pour ensemble œuvrer à une protection sociale pour tous. Et témoignages des ambassadeurs tout droit revenus du Brésil.