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E-learning : du papier au numérique

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Pour promouvoir le soutien scolaire, l'e-learning est gratuit pour les moins de 18 ans inscrits dans une école.<br />
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Pour promouvoir le soutien scolaire, l'e-learning est gratuit pour les moins de 18 ans inscrits dans une école.
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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

En Marche : Pendant 50 ans, l'Enseignement à distance (EAD) a été synonyme de cours envoyés par la poste aux quatre coins du pays et parfois bien loin par-delà nos frontières. Le passage à l'E-learning, n'est-ce pas une révolution à l'échelle de la Communauté française ?

Denis Van Lerberghe : À l’heure où les technologies de l’information et de la communication se développent à toute allure, nous ne pouvions pas continuer à travailler exclusivement sur la base du papier et du courrier. L'apprentissage en ligne s'imposait, comme le suggérait d'ailleurs le rapport d'audit externe sur le fonctionnement de l'Enseignement à distance (EAD) qui date de 2012.

Les pistes de travail explorées dans cette étude ont servi de base à un nouveau décret qui organise l'EAD en E-learning (1). Les nouvelles dispositions viennent d'entrer en application et E-learning dispose désormais d'une plateforme modernisée.

Aujourd'hui, après des années de travail, le catalogue de formations comprend quelque 1.000 modules dont un tiers sont totalement interactifs. 80% devraient l'être au plus tard d'ici trois ans.

En Marche : L'enseignement à distance a permis à de nombreuses personnes, dans des circonstances de vie très diverses, d'accéder à l'enseignement général : enfants gravement malades, jeunes en décrochage scolaire, adultes désireux d'acquérir le diplôme qu'ils n'ont pas obtenu sur les bancs de l'école, enfants séjournant provisoirement à l'étranger… E-learning change-t-il la donne ?

DVL : E-learning continue à se placer dans une perspective d'enseignement tout au long de la vie, accessible à tout âge et en tout lieu. Mais l'audit avait souligné la nécessité de redéfinir nos missions et notre public-cible au regard de ce que font les autres opérateurs publics. Et c'est bien dans une perspective de complémentarité que nous nous plaçons.

Ainsi par exemple, dans le domaine des langues, on ne va pas "doubler" le site d'apprentissage des langues de la Wallonie (wallangues.be). L'E-learning organisé par la Communauté française, c'est d'abord et avant tout une offre de formations basées sur les programmes officiels du réseau de la FWB. Celles et ceux qui conçoivent les modules et accompagnent les apprenants, ce sont des professeurs qui enseignent dans des établissements scolaires.

Ces spécificités font d'E-learning l'opérateur de référence à la fois pour le soutien scolaire et pour la préparation aux épreuves certificatives de l'enseignement fondamental et secondaire. Ce sont là nos priorités.

EM : Vous parlez d'accessibilité. Mais qu'en est-il des personnes qui n'ont pas accès aux ressources numériques pour de multiples raisons ? Les cours par correspondance vont-ils subsister ?

DVL : Nous nous inscrivons délibérément dans une dynamique d'inclusion dans le monde numérique. L'outil informatique est devenu incontournable. Plutôt que de maintenir à tout prix l'envoi postal des cours – ce qui coûte fort cher –, nous estimons plus judicieux, en tant que service public, d'aider tout un chacun à se familiariser aux nouvelles technologies. Pour ce faire, des partenariats ont été mis en place au niveau local avec les Espaces publics numériques.

Par ailleurs, tous les logiciels et programmes nécessaires aux apprenants sont intégrés à la plateforme d'E-learning, ce qui facilite les choses. Pour les personnes malvoyantes, il existe des dispositifs spécifiques pour agrandir les caractères à l'écran. Le fait qu'il y ait du son, des textes, des vidéos offre une plus grande accessibilité. C'est aussi plus attractif.

À l'heure actuelle, seuls les détenus continuent de recevoir les cours par correspondance, en attendant de trouver avec le SPF Justice une solution qui permette à ce public de bénéficier de l’apprentissage en ligne tout en garantissant la sécurité.

EM : Comment le soutien scolaire est-il conçu ?

DVL : Souvent les parents initient la démarche pour leur enfant, notamment à l'approche des examens ou après la remise d'un bulletin, sous le conseil d'un professeur, d'une direction d'école, d’un centre PMS. Le soutien scolaire peut s'envisager de multiples manières : palier une absence prolongée en classe (en cas de maladie, d'hospitalisation), aider à combler des lacunes dans l'une ou l'autre matière, éviter le décrochage ou le redoublement.

À l'inverse, il peut s'agir de renforcer les compétences dans certaines branches – notamment dans la perspective d'examens préparatoires à l'enseignement supérieur.

E-learning permet aussi d'adapter le rythme d'apprentissage des élèves à haut potentiel. Pour promouvoir ce soutien scolaire, l'E-learning est gratuit pour les moins de 18 ans inscrits dans une école. C'est un atout certain en comparaison du coût des cours particuliers ou privés. Les modules en ligne apportent un gage de qualité.

Les méthodologies utilisées sont attractives. Et le suivi par un professeur est individualisé. L'intention est clairement de créer des ponts entre l'enseignement en classe et E-learning.

Du reste, de plus en plus d'enseignants utilisent nos supports. Certains inscrivent même une classe entière à des modules dans une optique de remédiation et/ou de renforcement, en assurant, s'ils le veulent, le rôle de tuteur.

EM : Préparer aux épreuves certificatives de l'enseignement primaire et secondaire (le jury central) est un autre axe important de l'EAD. A-t-on une idée des taux de réussite à ces épreuves ?

DVL : Nous ne disposons pas de telles données et nous le regrettons car cela nous aiderait dans notre pilotage. Cela étant, de manière générale, le taux de réussite des épreuves passées au Jury central est extrêmement faible : moins de 10% réussissent en une fois. Ces épreuves sont costaudes et il faut vraiment démythifier le fait de gagner des années en passant un Jury. Il faut de la motivation, du courage, de l'énergie et cela exige beaucoup de temps de travail. Le soutien des proches est aussi très important.

E-learning n'apporte sans doute pas le cadre structurant des cours ni la force du groupe qu'offre un enseignement en présentiel. Mais les référentiels théoriques sont rigoureux. Et l'apprenant est suivi par des professeurs qui, chacun dans ses matières, sont attentifs à le faire progresser dans ses apprentissages. Le tuteur joue aussi le rôle de coach. Il veille à maintenir chez l'apprenant son assiduité et sa motivation.

L'apprenant ne peut pas d'emblée accéder à l'entièreté de la matière car la pédagogie se base sur l'échange régulier avec le tuteur.

EM : Comment se passe concrètement l'apprentissage en ligne ?

DVL : Une fois inscrit, l'apprenant accède à tout moment et en tout lieu aux modules de cours de son choix sur une plateforme en ligne. Chaque module comporte une dizaine de sections. Et chaque section se compose de contenus interactifs variés : des textes, des images, des bandes sonores, des vidéos, des documents accessibles par liens hypertextes... Des exercices d'autocontrôle sont proposés et un devoir est à réaliser, qui fera l’objet d’une correction par un enseignant spécialiste de la matière.

L'apprenant a la possibilité de recevoir des conseils spécifiques de la part de son tuteur et de le contacter via la messagerie de la plateforme. Il peut aussi accéder à un forum d'entraide et échanger des messages avec les autres apprenants, comme il le ferait sur un groupe Facebook. Les discussions sont modérées par le tuteur de la matière en question. Pour certains cours, des chat sont organisés. Et des activités collaboratives proposées.

L'apprenant ne peut pas d'emblée accéder à l'entièreté de la matière car la pédagogie se base sur l'échange régulier avec le tuteur. Les feedback de l'enseignant sont, en effet, essentiels pour un apprentissage optimal. Pour avancer dans la matière, l'apprenant devra donc déposer et réussir les devoirs de chaque section.

EM : Qu'en est-il de l'évaluation et des diplômes ?

DVL : À la fin de chaque module et à condition que les travaux demandés aient été régulièrement déposés, l'apprenant peut recevoir une attestation. Mais attention, E-learning ne délivre pas de certification. Pour obtenir un diplôme (CEB, CE1D, CE2D, CESS, Paramédical A2, 7e qualification…), l'apprenant doit s'inscrire à un Jury auprès de la FWB. Il y a beaucoup de confusions à ce propos. Il faut dire que certains centres de formation à distance entretiennent ce flou.

Les nombreuses formations proposées par ces organismes privés pour acquérir des compétences professionnelles dans des secteurs variés ne sont en aucun cas sanctionnées par des titres officiels ou diplômes reconnus. Cela conduit parfois à des drames que l'on vient nous confier. Nous ne pouvons qu'inciter les gens à être vigilants et à choisir leurs formations en fonction des objectifs qu'ils s'assignent.


En pratique

Qui peut s'inscrire à E-learning et quand ?

Ce système de formation est ouvert à tous, dès l'âge de six ans. L'inscription se fait à tout moment de l’année et chacun choisit le projet de formation qui l’intéresse dans le catalogue en ligne sur www.elearning.cfwb.be.

Combien ça coûte ?

Le droit d’inscription s’élève à 25 euros par an. L'accès est toutefois gratuit pour plusieurs catégories d'apprenants :

  • les moins de 18 ans inscrits dans un établissement d'enseignement organisé ou subventionné
  • par la Communauté française (à moins qu'ils ne peuvent l'être pour raison de force majeure),
  • les chômeurs complets indemnisés ou demandeurs d'emploi inoccupés,
  • les personnes handicapées,
  • les candidats réfugiés résidant en Belgique,
  • les bénéficiaires du revenu d'intégration sociale ou de l'aide sociale financière équivalente,
  • les personnes incarcérées dans une prison, une IPPJ ou un établissement de défense sociale.

Qu'en-est-il de l'obligation scolaire ?

L'inscription aux cours d'E-learning ne dégage pas de l'obligation scolaire. Si les parents d'un mineur font le choix de l'enseignement à domicile, ils doivent transmettre une déclaration d’enseignement à domicile à l'administration de l'enseignement de la FWB avant le 1er octobre de l’année scolaire en cours. L'enseignement à distance/E-learning et l'enseignement à domicile sont donc deux concepts différents.

Qu'en est-il des allocations familiales ?

Jusqu'au 31 août de l'année de leur 18e anniversaire, les jeunes inscrits à E-learning ont droit aux allocations familiales sans condition. Mais à partir de 18 ans, le fait de suivre uniquement les cours dispensés par E-learning ne permet pas de continuer à percevoir les allocations familiales.

Pour en savoir plus ...

>> Plus d'infos sur E-learning : 02/690.82.82 • www.elearning.cfwb.be