Consommation

Obsolescence programmée : qui est responsable ?          

3 min.
(c)AdobeStock
(c)AdobeStock
Julien Marteleur

Julien Marteleur

Mi-septembre, la ministre fédérale de l'Environnement Zakia Khattabi déposait un avant-projet de loi visant à mettre en place un score de réparabilité de certains objets afin de lutter contre leur obsolescence programmée. Concrètement, des équipements comme les machines à laver, les ordinateurs, les smartphones ou encore les tondeuses à gazon recevraient une note de 0 à 10, selon qu'ils sont facilement réparables ou non. Ce projet se base sur celui adopté en France l'an dernier, avec des critères de cotation comparables : la facilité de démontage, la disponibilité des pièces de rechange et leur délai de livraison, le prix des pièces détachées, la présence d'un manuel d'entretien et de réparation… Il est bien trop tôt pour savoir si ce "Nutriscore" de réparabilité aura l'impact escompté. Certains chiffres poussent à l'espérer : en Europe, seulement 44 % des appareils électroniques et électro-ménagers en panne sont réparés. Chez nous, cette mise à la retraite de millions d'appareils engendre 160.000 tonnes de déchets annuels.

L'increvable à bas prix
Les appareils d'autrefois étaient-ils plus solides et conçus pour durer ? Oui, diront les nostalgiques d'une époque où un lave-linge, une machine à coudre ou un téléviseur pouvait accompagner son propriétaire durant toute sa vie. Dans une certaine mesure, la mode du vintage a contribué à renforcer cette idée : prenons, par exemple, le retour en force de la photographie argentique (sur pellicule, NDLR) ces dernières années : certains appareils ont résisté aux affres du temps et sont toujours en parfait état de marche, parfois 70 ans après leur mise dans le commerce ! Certains ne tarissent pas d'éloges sur la qualité d'une platine vinyle, retrouvée par hasard dans le grenier et fonctionnant toujours comme au premier jour. Des règles ou des exceptions ? Les sceptiques, eux, évoquent plutôt la généralisation d'un "biais du survivant". En résumé, on se focaliserait sur la machine qui a traversé les époques sans égratignure, tout en omettant certains facteurs contextuels : les conditions de fabrication, de transport et d’installation, d’utilisation (quotidienne ou ponctuelle), de stockage, etc. De plus, ces appareils, comparés aux salaires de l'époque, coûtaient bien souvent une petite fortune…
La situation a changé aujourd'hui puisque l'électro-ménager et l'électronique sont désormais accessibles dans une large gamme de prix, selon Émile Meunier, avocat et co-fondateur de l'association française "Halte à l'obsolescence programmée". "Pourquoi ces appareils ne sont pas bien conçus dès le départ ? Parce que, malheureusement, lorsqu'on demande un frigo ou une machine à laver à 200 euros, il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils durent éternellement. L'increvable à bas prix, c'est une chimère", argumente-t-il. En rognant sur les coûts de production, les industriels ont certes fabriqué des appareils bon marché et accessibles au plus grand nombre. Mais ils ont, dans la foulée, réduit la qualité et la durabilité de leurs produits. Ce qui n'a pas semblé effrayer certains consommateurs, trop heureux de suréquiper leur foyer sans faire chauffer la carte bancaire. Une enquête réalisée en 2017 par Recupel, l'organisation chargée de la collecte et du recyclage d'appareils électriques et électroniques, a révélé qu'un ménage belge possède en moyenne… 77 appareils électro. Extrapolé, ce chiffre gonfle à 378 millions pour tout le pays ! Pire : 46 millions d'entre eux, bien qu’encore fonctionnels, ne seraient plus utilisés, dont 17 % de téléphones mobiles qui dorment dans des tiroirs…

Du vieux avec du neuf
Ce chiffre effarant concerne surtout les appareils domestiques de petite taille : lampes de poche, calculatrices, batteries de GSM, câbles ou casques audio… Comme ils coûtent souvent peu cher, ils terminent le plus souvent à la poubelle au moindre problème, la réparation étant aussi onéreuse, si pas plus, que le rachat d'un nouvel exemplaire. Malgré cet état de fait, n’aurions-nous pas trouvé une forme de confort à faire "du vieux avec du neuf", ouvrant la porte à des effets de mode de plus en plus brefs et répétés ?  La société Apple – considérée comme un parangon de l'obsolescence programmée – ne dira pas le contraire : quatre semaines après son lancement, la quatorzième (!) version de son célèbre iPhone se vend aujourd'hui comme des petits pains… un an seulement après la sortie du précédent modèle.