Inclusion

Handicap et communication "Entre pathos et paillettes"

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© Pixabay
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Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

En 2011, le film Intouchables déboulait sur nos écrans. L’histoire – basée sur des faits réels – d’un homme tétraplégique qui noue une relation d’amitié avec son aide à domicile a connu un succès retentissant et international. Ce long métrage a apporté sa pierre à l’édifice dans l’immense chantier qu’est la communication autour du handicap. Depuis, les productions cinématographiques et télévisuelles qui se focalisent sur les personnes en situation de handicap ont augmenté. On pense par exemple à la série Vestiaires, diffusée sur France 2. À côté des fictions, le traitement médiatique des jeux paralympiques s’est étoffé et des personnalités publiques en situation de han - dicap sont devenues des "people ". Un exemple ? Philippe Croizon. Cet athlète français, amputé des quatre membres après un accident est maintenant, entre autres, consultant sur France 5. Très présent sur les écrans, il explique qu’il a vu le regard des gens évoluer, mais que cela lui a demandé de la persévérance. Et le premier défi a été de batailler pour rester lui-même : "Au début, les producteurs d’émission télés me demandaient d’apparaître sur l’écran avec mes bras artificiels. Mais ce n’était pas moi ! Je leur ai dit : si vous me voulez sincère, ce sera sans ces bras. Et le fait d’être vu tel que je suis a permis aux gens d’accepter mon schéma corporel. Aujourd’hui, le réflexe n’est plus de cacher les personnes handicapées. Je suis conscient d’être une vitrine et de m’exprimer au nom des autres. Ce que je souhaite, c’est qu’on arrête de vendre de la misère. Il faut montrer des gens qui se battent et qui atteignent leur but. Car c’est la société qui est en situation de handicap, ce n’est pas moi ".

Choisir ses armes

Certes la visibilité des personnes en situation de handicap évolue, certes les discours positifs se multiplient, mais n’est-ce pas- là un arbre qui cache une forêt ? Les réactions dans la salle du Palais des Congrès namurois sont mitigées. De nombreuses personnes ne se reconnaissent pas dans le discours de Philippe Croizon et regrettent qu’il faille être l’auteur d’exploits pour avoir droit à la parole. Serge Van Brakel est comédien et souffre d’une infirmité motrice cérébrale. Il nuance les propos du sportif français. Selon lui, "il faut aussi parler des problèmes et des situations délicates. L’utilisation d’édulcorants n’est pas saine. Pour cela, l’humour est un outil qui permet de faire passer les messages". L’humour, c’est aussi le vecteur qu’a choisi le comédien Laurent Savage pour parler de Gabin, son fils atteint d’une forme grave d’autisme. "J’ai entendu tellement d’absurdités que j’ai essayé de faire rire de ceux qui sont en rejet du handicap. Je parle d’un parcours individuel. Le mien et celui de mon fils. Mais ai-je réellement le droit de parler en son nom ? C’est une question qui souvent me taraude. Le plus difficile finalement, c’est d’attirer l’attention en trouvant une place, entre pathos et paillettes." Josef Schovanec est philosophe. Il est également autiste. Les auditeurs de La Première le connaissent en tant que chroniqueur. Il pointe la notion de parcours individuel, l’importance de faire connaitre une pluralité de regards et de voix et dit que communiquer, c’est aussi "faire mentir les pronostics. La nor me est oppressante pour tout le monde. Les figures atypiques sont recherchées. C’est aussi peut-être pour cela que je suis chroniqueur en radio. Ma voix n’est pas standardisée. Pour transmettre mes messages, j’accepte d’être en sorte le bouffon du Roi, mais c’est finalement la norme qui me sauve".

La porte ouverte par les réseaux sociaux

En Belgique, le handicap occupe 0,3% de l’espace médiatique. Pour pallier le manque, les possibilités infinies offertes par les réseaux sociaux ne sont pas à négliger. Dans le public, nombreux sont ceux qui les utilisent pour s’exprimer. Une jeune fille parle du lien que ceux-ci permettent de nouer avec "l’autre sans avoir besoin de soutien politique, ni d’argent pour communiquer. On peut se faire connaitre et s’entraider". Des réseaux qui sont une solution pour éviter les images figées que la plupart des médias diffusent aujourd’hui. Ils aident, comme le dit joliment Josef Schovanec à "préserver la biodiversité humaine, même si les gens les plus curieux ne se trouvent pas forcément sur Facebook".

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