Maladies chroniques

Du sport sur ordonnance

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© Énéo
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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

Octobre 2018. Une dizaine de patients assistent à la toute première séance d'information organisée à Ottignies dans le cadre du programme 'sport sur ordonnance', mis sur pied par l'échevinat des Sports de la commune et le centre sportif local intégré, sous la coordination de Benoît Massart, détenteur d’un master en sciences de la motricité.

"Nous avons voulu répliquer à notre échelle l'initiative 'sport-santé sur ordonnance' qui rencontre un franc succès à Strasbourg depuis plusieurs années déjà", lance d'emblée le coordinateur. Le principe ? Accompagner des personnes atteintes d'affections chroniques sur le chemin de l'activité physique régulière et adaptée. Le programme de coaching sportif et motivationnel est financé par la commune afin de garantir l'accessibilité à tous.

Àl’heure actuelle, le patient malade chronique a tendance à réduire, voire stopper, sa pratique d’activité physique en raison de la fatigue ou des douleurs liées à ses affections. C'est encore plus vrai lorsqu'il sort d’une revalidation en milieu hospitalier. Sans doute le conseil de "bouger plus" est-il donné par le médecin mais de la recommandation à la concrétisation, il y a souvent un gouffre car le patient n'ose pas ou ne sait pas où aller. Le "sport sur ordonnance" a le mérite de jouer la courroie de transmission entre la prise en charge médicale et la pratique sportive autonome. "La finalité n’est pas de figer la personne dans un dispositif encadré mais de lui mettre le pied à l’étrier et d'entretenir sa motivation. L’espoir, c’est qu'au terme du programme, elle intègre dans son quotidien une activité sportive qui lui plaise", commente Benoît Massart.

Prescrire du sport pour soigner

Comme son appellation l'indique, le "sport sur ordonnance" débute par une prescription médicale établie par le médecin traitant. "Remettre une prescription au patient a un petit côté impératif qui donne du poids à la recommandation de se mettre en mouvement, affirme Benoît Massart. Les recherches sur d’autres expériences de ce type montrent que l’adhérence est meilleure quand il y a prescription formelle, écrite". La prescription de sport ne fait pourtant pas – encore – partie des habitudes des médecins. Pourtant l'activité physique a prouvé son efficacité dans la prévention et le traitement de nombreuses pathologies chroniques.

"Avant de lancer le dispositif, nous avons sensibilisé les cercles de médecins généralistes de la région. Nos dépliants d'information comportent un modèle de prescription médicale de sport sur laquelle le médecin est invité à indiquer la ou les pathologie(s) du patient. Qu'il utilise ce document, rédige une ordonnance ou prescrive sur papier libre, peu importe, du moment qu'il donne son feu vert à l’inclusion du patient dans le dispositif".

Qui sont les patients visés par cette expérience ? "Nous avons listé des pathologies chroniques mais elles le sont à titre indicatif, répond le coordinateur. C’est au médecin de juger qui peut tirer bénéfice du cycle. Néanmoins, nous ne sommes pas en mesure d’accueillir les patients qui ne peuvent pas marcher, sont désorientés ou présentent des troubles psychiques graves". Globalement, les médecins ont accueilli l'initiative avec enthousiasme. De nombreux généralistes, notamment en maisons médicales, ont rapidement embrayé, séduits par l'atout principal de ce type de prescription : l'ancrage dans du concret. Ainsi, muni de son ordonnance, le patient est invité à contacter le coordinateur de "sport sur ordonnance" ou à se rendre à la prochaine séance d'information pour en savoir plus.

Motivation et exercices

Le cycle s'étale sur trois mois. Il comporte trois réunions mensuelles d'infor mation et de coaching motivationnel ainsi que douze séances hebdomadaires d'activité physique adaptée, le tout pour une participation financière de 60 euros dont une bonne partie est remboursée au participant via l'assurance complémentaire de sa mutualité. Un test de condition physique est réalisé au début et en fin de parcours, dont les résultats sont envoyés au médecin prescripteur du sport.

"Chaque séance de coaching motivationnel est consacrée à un thème : le lien entre activité physique et santé, la différence entre sédentarité et inactivité physique et enfin, les plans de changements, explique Benoît Massart. C'est l'occasion, pour chaque participant, de réfléchir à son mode de vie, d'analyser les freins à l'activité physique, d'identifier comment être plus actif, moins sédentaire... Notre préoccupation est aussi d'aider la personne à choisir des activités physiques qu'elle pourra pratiquer avec des objectifs réalistes, et de l'orienter vers des structures adéquates", poursuit le coordinateur.

Quant aux exercices physiques, ils sont réalisés en groupe à raison d’1h30 par semaine avec un moniteur détenteur d’un master en éducation physique et d’un certificat complémentaire en exercise therapy. Les quatre composantes de la condition physique y sont travaillées, à savoir l’endurance, le renforcement musculaire, la souplesse et l'équilibre.

Satisfaction et succès

Difficile de dresser un bilan du dispositif après seulement cinq mois de fonctionnement. Toutefois, les clignotants semblent au vert. "Même si certains participants abandonnent en cours de route, la plupart disent avoir retrouvé l'envie de se remettre en selle. Et nous recevons de plus en plus de demandes, se réjouit Benoît Massart. Comme le succès va au-delà d'Ottignies Louvain-la-Neuve, nous avons conclu un partenariat avec des communes avoisinantes pour organiser des sessions sur leur territoire. Nous finalisons aussi la conception d'un carnet de suivi pour les participants. Et nous avons créé un site Internet pour permettre à d'autres communes de nous rejoindre dans ce projet. Tout cela est très enthousiasmant", conclut-il.

L'activité physique, le meilleur des médicaments

Dans de nombreuses pathologies chroniques, le repos a longtemps été la règle, mais on assiste depuis plusieurs années déjà à un véritable changement de paradigme : il est scientifiquement établi que non seulement l’activité physique régulière n'aggrave pas la maladie chronique mais qu'elle est bénéfique. Les effets sont quasi-immédiats : moins de fatigue, plus d’énergie, diminution de la prise d’anti-inflammatoires... Sans parler du fait que le sport renforce la confiance en soi, essentielle dans la lutte contre la maladie. Tant de signaux positifs qui apparaissent, à condition de tenir compte des complications liées à la pathologie et de trouver le "bon sport". Ainsi, pour les patients atteints d’une insuffisance cardiaque, des sports d’endurance, tels que le cyclisme ou l’aviron par exemple, permettent de tonifier le muscle cardiaque sans le traumatiser par un effort trop violent. Pour les personnes diabétiques ou atteintes d’un cancer, sont conseillées la course à pied ou la marche nordique. Et comme le sport permet aussi de faire travailler la mémoire, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer peuvent être dirigées vers des cours de danse ou de pilates.

Après trois années de recherches, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale en France (Inserm) vient de réaffirmer le rôle fondamental de l'activité physique dans la prise en charge thérapeutique des maladies chroniques (1). Il recommande que sa prescription soit systématique et aussi précoce que possible dans le parcours de soins. Il va plus loin encore, recommandant que l’activité physique soit prescrite avant tout traitement médicamenteux pour certaines affections comme la dépression légère à modérée, le diabète de type 2 ou encore l’obésité. Le groupe d’experts a également élaboré des recommandations spécifiques par pathologie. Avec une constante sur la fréquence de la pratique d’activité physique adaptée : au minimum trois séances par semaine.


Un modèle à pérenniser

Ottignies est la 2e commune en Wallonie, après Frasnes-Lez-Anvaing (depuis 2013), à proposer un dispositif en exercise medicine (l’exercice est un médicament) aux patients atteints de pathologies chroniques. Chaudfontaine a suivi dans son sillage. Avec leurs particularités, toutes se sont inspirées du dispositif français"sport-santé sur ordonnance" qui a fait ses preuves et a conduit l'État français à autoriser les médecins traitants à prescrire une activité physique à leurs patients atteints d'affections de longue durée. De ce côté-ci de la frontière, d'aucuns s'accordent à dire que si l'on veut que le modèle s'étende, une coordination entre les acteurs impliqués est nécessaire tout autant qu'un cadre législatif et un financement.

"Le sport-santé pour les malades chroniques est un enjeu de santé publique dont on n'a pas encore mesuré l'importance, insiste Caroline Ena, coordinatrice à énéoSport et rédactrice d'un dossier consacré à ce sujet dans la revue du mouvement social Énéo (1). Quand on sait que près de la moitié des malades chroniques sont âgés de 75 ans et plus, on comprend l'utilité de lieux d'activités sportives adaptées pour les seniors. À énéoSport, on ne fait pas du 'sport sur ordonnance'. Par contre, on occupe une place de choix pour celles et ceux qui veulent pratiquer de l'activité physique à leur rythme et dans la convivialité, sans dépenser trop d'argent." 

Plus d'infos sur la palettes d'activités sportives proposées par énéoSport en Wallonie et à Bruxelles sur www.eneosport.be • 02/246.46.74


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