Soins de santé

Cancer et soins esthétiques : prendre soin des visages

4 min.
© Marc Detiffe
© Marc Detiffe
Catherine Daloze

Catherine Daloze

Myriam De Reus a préparé tout le matériel nécessaire. Sur une longue table, elle aligne une quinzaine de miroirs sur pied. Ces petits miroirs à inclinaison, qui peuvent aussi donner un effet loupe. Face à chacun d'entre eux viendront s'installer des femmes de tous âges. Dans la prudence pour certaines, dans l'excitation pour d'autres. Ça ne se voit guère mais toutes ont un point commun: un cancer qu'elles combattent ou ont combattu récemment. Aujourd'hui, elles participent à une journée organisée par l'asbl "Vivre comme avant". Au programme: conférence sur l'hormonothérapie et ateliers pour “penser un peu à soi”. Diététique, activités physiques et soins esthétiques font partie des choix possibles pour les participantes.

Pour les soins esthétiques, c'est Myriam De Reus, esthéticienne et coordinatrice des conseillères en beauté de la Fondation contre le cancer (1), qui assurera l'animation et proposera des conseils “maquillage”. De la préparation de la peau au dessin des sourcils en passant par l'un ou l'autre truc et astuce pour éclairer le visage ou camoufler les rougeurs, les mines sont réjouies. A la maison, chacune, face au miroir, pourra s'y réessayer.

Conseillères en beauté

Outre ces ateliers maquillage, Myriam De Reus anime surtout des formations à destination de volontaires, d'infirmières ou d'autres soignant(e)s qui, avec ce bagage particulier, prodigueront des soins aux patients en traitement.

Soins du visage, nettoyage de la peau, massage de confort, masque, massage de mains, conseils de maquillage sont étudiés pour être adaptés aux personnes atteintes d'un cancer. Tous ces soins prennent en considération les effets des traitements sur la peau. Rendue plus fine, plus fragile, celle-ci ne peut être traitée comme à l'habitude. Les soins sont adaptés aux indications médicales. Cicatrices, port-à-cath®(2)… ne doivent pas être traités à la légère.

Mais attention, les volontaires n'en deviendront pas esthéticiennes pour autant. La Fondation les nomme conseillères en beauté (écrivons au féminin puisqu'il s'agit en majorité de femmes). Leur intervention est limitée.

Quelques soins de base constituent leur champ d'action. Elles ne doivent pas remplacer les professionnelles. Et même si leur formation est très sérieuse et pointue, elle n'égale pas celle des esthéticiennes de métier. Elles viennent soit en appui, soit pour combler un manque. Elles sont une soixantaine en Wallonie et à Bruxelles aujourd'hui formées et actives au sein de divers hôpitaux, à collaborer à ce projet de la Fondation contre le cancer: “Paraître bien pour être mieux” (3).


Se soigner et… guérir

Le registre du cancer (des cancers, faudrait-il peut-être dire, tant ils peuvent être différents), dans l'image qu'il donne de ces maladies, avance un chiffre de 50 à 60.000 nouveaux cas par an. Globalement, il s'agit d'une augmentation, que le vieillissement de la population et le meilleur enregistrement des malades viennent expliquer en partie. Ce constat ne va pas sans une autre observation : la mortalité qui découle d'un cancer est en diminution.

Un cancer sur deux peut, selon les estimations actuelles, être guéri. Les traitements ont fortement progressé et sont toujours plus ciblés et plus efficaces. Le dépistage précoce permet un traitement souvent moins agressif, et de soigner la maladie à temps. Certainement, l'attention au bien-être du patient, au travers d'une prise en charge multi-métiers, associant aux oncologues, des psychologues, des kinésithérapeutes, des esthéticiennes… est un plus.

Si pas un plus qui guérit, en tout cas un soutien essentiel pour traverser ces étapes de soins médicaux éprouvant tant le corps que la tête.

Soins, détente et conseils avisés

A la Clinique et Maternité Sainte-Elisabeth de Namur, une esthéticienne et une volontaire – toutes les deux conseillères en beauté à la Fondation contre le cancer – se partagent le local que Caroline Masset, l'esthéticienne, a aménagé avec goût voici six ans. L'ambiance y est particulièrement douce. Comme dans un cocon, on peut s'y détendre sous ses mains expertes, et bénéficier gratuitement des six séances de soins que la Fondation propose pour chaque patient en traitement.

Pour beaucoup, cela marquera une première. Elles (ils aussi – les hommes sont tout à fait admis) ne sont pas des habituées des instituts de beauté, n'ont jamais été maquillées; mais ont bien envie de découvrir, puis ont aussi une foule de questions sur la perte des cheveux, des sourcils…

Les soins esthétiques ont d'abord été pour moi un plus. Puis, ils sont devenus nécessaires, explique une ancienne patiente. Face à mon image qui changeait. Car, même si tu es prête, même si on t'a parlé de ce qui allait arriver, cette image change. Tu perds tes cheveux; ta peau n'est plus la même… Le ‘plus’ devient un confort essentiel.

Finalement, les patients le savent: un peu de sérénité et d'apaisement seront au rendez-vous. Ils trouvent alors l'énergie pour sortir de chez eux. Comme l'explique cette dame qui a déjà poussé six fois la porte du local de Caroline Masset : on arrange les horaires pour venir entre les soins médicaux, les contrôles, les jours où on ne se sent pas trop mal ; et finalement, on est content d'y être allé, d'avoir vu quelqu'un, d'avoir profité de ce temps de détente, d'avoir eu un échange.

Car, avec le soin, dans le petit local esthétique, il y aura aussi des conseils éclairés. “J'ai trouvé réponse à mes questions, explique cette ancienne patiente. Ma peau changeait, était fragilisée, mes cils et mes sourcils allaient disparaitre et la peur s'installait: que faire pour préserver ma peau, pour me regarder dans la glace et me trouver jolie…

La conseillère en beauté lui a parlé des dangers de l'exposition au soleil, des types de produits à utiliser ou à proscrire…, des effets des chimiothérapies comme la perte des cheveux, des sourcils, de l'apparition de boutons…, de ce corps qui change, de la manière d'en prendre soin. “Cela m'a sauvée d'apprendre à me nouer un foulard sur la tête, témoigne une dame à la sortie d'un soin. Ce n'est pas du tout difficile, mais si on ne m'avait pas montré une fois, je ne m'en serais pas sortie”.

Puis pour accompagner les mains, dans le soin, il y a aussi une oreille attentive. Beaucoup se dit, des confidences, des angoisses, des espoirs… et c'est le plus compliqué, explique Caroline Masset qui pourtant s'en sort à merveille, loin de l'intrusion, pleine d'attentions. “Le soin peut se passer aussi en silence”, explique cette ancienne patiente qui préférait ne pas trop dire et qui a apprécié la discrétion de celle qui lui prenait le visage entre les mains.

Pour en savoir plus ...

“Paraître bien pour être mieux”, cahier de conseils

La Fondation contre le cancer édite un livret de “conseils de beauté en cas de cancer”. Tant pour les femmes, que pour les hommes (ils y trouveront un chapitre “conseils spécifiques pour les messieurs”, qui aborde notamment le rasage de la barbe), le livret comprend des informations simples sur les modifications physiques susceptibles de se produire et des conseils pratiques pour y réagir. Une manière de permettre au patient de faire ses choix, de prendre les décisions qui lui conviennent le mieux en temps utile.

Les conseils de ce petit livre ne vous guériront pas, annonce l'équipe de rédaction – vous devez pour cela suivre votre traitement médical – mais ils vous aideront certainement à vous sentir mieux malgré la maladie”. Les informations et conseils sont accompagnés d'une liste d'adresses de perruquiers en Belgique, des services qu'ils rendent, et des prix qu'ils pratiquent.