Droits sociaux

Le trajet de réintégration professionnelle sur les rails

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L'enjeu est d'intervenir rapidement pour soutenir et accompagner la personne dans la reprise du travail pour autant que son état de santé le permette.<br />
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L'enjeu est d'intervenir rapidement pour soutenir et accompagner la personne dans la reprise du travail pour autant que son état de santé le permette.
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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

Le travailleur salarié ou le chômeur qui se trouve dans l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle en raison d’une maladie, d’une hospitalisation ou d’un accident (sauf accident du travail) se trouve en incapacité de travail (IT). Dans un premier temps, le salarié conserve sa rémunération payée par son employeur. Si son incapacité se prolonge au-delà de la période de salaire garanti, il peut, sous certaines conditions, bénéficier d'une indemnité d'IT. C'est le cas aussi pour le chômeur. Pour ce faire, l'un comme l'autre doit faire parvenir à sa mutualité le certificat médical d’incapacité de travail complété (appelé familièrement "confidentiel"). Cette déclaration doit s'effectuer par voie postale et dans des délais précis, différents selon la situation.

La nouvelle mesure gouvernementale prévoit qu'au plus tard deux mois après avoir reçu cette déclaration d'IT, le médecin-conseil de la mutualité procède à une première analyse du dossier médical de la personne. En fonction de la pathologie, de l’état de santé et des capacités restantes de celle-ci, il détermine si un trajet de réintégration doit être démarré. L'enjeu est d'intervenir rapidement pour soutenir et accompagner la personne dans la reprise du travail, pour autant que son état de santé le permette. Deux cas de figure sont à envisager d'emblée : soit la personne est liée par un contrat de travail au moment où s'effectue cette analyse, soit elle ne l'est pas ou plus.

La personne est liée par un contrat de travail

Après analyse du dossier médical et des données en sa possession, le médecin-conseil classe l’incapacité de la personne dans une des quatre catégories suivantes :

  • catégorie 1 : le travailleur pourra reprendre spontanément le travail au plus tard à la fin du 6e mois de l’IT. En d’autres termes, le médecin-conseil présume d'une reprise spontanée de l'emploi au plus tard après six mois d'incapacité. Dans ce cas, un trajet de réinsertion n'est pas nécessaire. Cependant, si à la fin de cette période, le travailleur n'a pas encore repris le travail, le médecin-conseil procèdera alors à une nouvelle analyse et donc à une nouvelle classification qui pourront éventuellement déboucher sur un trajet de réintégration.
  • catégorie 2 : le travailleur ne pourra plus reprendre un travail pour des raisons médicales (par exemple une maladie grave qui, médicalement, ne pourra pas s’améliorer). Dans cette catégorie, sont reprises les incapacités de longue durée voire définitives. La question du trajet de réintégration ne se pose donc pas.
  • catégorie 3 : le travailleur ne peut reprendre momentanément le travail parce que la priorité doit être donnée au diagnostic ou au traitement médical. Le médecin-conseil réévalue la situation tous les deux mois. Un plan de réintégration n'est, dès lors, pas encore à l'ordre du jour.
  • catégorie 4 : le travailleur peut reprendre le travail mais avec une proposition de travail adapté ou un autre emploi, de manière soit temporaire, soit définitive. Dans ce cas, un trajet de réintégration se justifie.

La quatrième catégorie est donc la seule véritablement concernée par le trajet de réintégration. Dans les faits, celui-ci va rallier plusieurs acteurs autour du travailleur, à savoir le médecin traitant, l’employeur, le médecin du travail, le conseiller en prévention de l'entreprise, le médecin-conseil de la mutualité… Ce trajet fera l’objet d’un suivi régulier par le conseiller en prévention. L'intention est de permettre au travailleur de retrouver son poste de travail ou de reprendre son activité professionnelle chez son employeur de manière progressive et/ou adaptée. À défaut, le trajet pourrait aussi déboucher vers un autre emploi.

La personne n'est pas (plus) liée par un contrat de travail

Après analyse du dossier médical, le médecin-conseil classe l'incapacité de la personne dans une des catégories suivantes :

  • catégorie 1 : la personne pourra reprendre un métier sur le marché de l’emploi au plus tard à la fin du 6e mois de l’IT.
  • catégorie 2 : la personne ne pourra plus reprendre un métier sur le marché du travail régulier pour des raisons médicales (par exemple une maladie grave non susceptible d’évoluer favorablement). L'opportunité d'un trajet de réintégration ne se pose plus.
  • catégorie 3 : la personne ne peut reprendre momentanément un métier sur le marché du travail parce que la priorité doit être donnée au diagnostic ou au traitement médical. Le médecin-conseil réévalue la situation tous les deux mois. Un plan de réintégration n'est pas encore à l'ordre du jour.
  • catégorie 4 : la personne pourra reprendre un métier mais cela nécessitera sans doute une réadaptation professionnelle ou une formation. Un plan de réintégration peut donc être proposé par le médecin-conseil.

Dans le cas où la personne n'est pas liée par un contrat de travail, c'est le médecin-conseil de la mutualité qui assurera le suivi d'un trajet de réintégration professionnelle. L'intention est de déboucher soit sur un emploi qui correspond au métier ou à la formation initiale, soit sur un nouveau job adapté aux capacités restantes. Un parcours de formation peut, dans ce cas, figurer au centre du plan de réintégration en vue d'une réadaptation professionnelle.

Nous reviendrons en temps utile dans ces pages pour détailler les procédures qui seront mises en place dans le cadre des trajets de réinsertion professionnelle. C'est prématuré à ce stade du processus.

Le retour au travail ? Dans une dynamique constructive !

Le plan de réintégration professionnelle, concocté par le gouvernement fédéral, a déjà fait couler beaucoup d'encre. La Mutualité chrétienne se veut rassurante.

La Mutualité chrétienne (MC) s’engage depuis des années pour que les personnes en incapacité de travail puissent reprendre le travail ou retrouver un emploi dans les meilleures conditions possibles, en tenant compte de leur état de santé et en valorisant leurs capacités restantes. Elle n'était donc pas opposée à ce qu'un trajet de réintégration soit davantage formalisé et réunisse plusieurs acteurs-clé autour du travailleur, en particulier dans l'entreprise qui l'occupe.

Cela étant, la MC est soulagée que le gouvernement fédéral ait renoncé à sanctionner financièrement la personne qui refuse de suivre un plan de réintégration "sans motif valable" ou qui ne "coopère pas suffisamment" comme le projet initial le stipulait.

"Le retour au travail ne fonctionne bien que sur une base volontaire, souligne Etienne Laurent, médecin-conseil à la direction médicale de la MC. Les pratiques actuelles le démontrent à suffisance, ainsi que les résultats de l’enquête que nous avons récemment réalisée avec la collaboration d’Altéo (1). Dans le cas contraire, on assiste à des rechutes. Et pour les personnes qui ne veulent vraiment pas collaborer, des sanctions existent déjà. Une absence de réaction à la convocation du médecin-conseil de la mutualité, par exemple, se traduit par la perte de la totalité des indemnités", précise-t-il.

"Le retour au travail ne fonctionne bien que sur une base volontaire".

L'entreprise davantage impliquée

La MC est aussi bien consciente qu’il faut soutenir la personne dans son projet de réinsertion dès que la situation médicale le permet. "Plus l'absence au travail ou l'inactivité professionnelle se prolonge, plus grandes sont les difficultés, pour la personne, de remettre le pied à l'étrier, constate le Dr Etienne Laurent, médecin-conseil à la direction médicale de la MC. Clairement, ce qui se passe pendant la première année d’incapacité est déterminant pour l'insertion professionnelle future. Le fait d'initier une analyse de la situation médicale de la personne dès le début de son incapacité est donc une bonne chose. Tout comme la formalisation d'une collaboration entre les acteurs médicaux autour du travailleur, en impliquant en particulier l'entreprise où celui-ci exerce son emploi. Nous sommes d'avis que le trajet de réintégration concernera prioritairement un public jeune dont l’incapacité de travail est relativement récente", précise-t-il.

Les plus-values du travail

De nombreuses études scientifiques démontrent que l'inactivité a un impact négatif sur la santé, qu'il s'agisse notamment du chômage ou de l'incapacité de travail. La perte de liens sociaux, la baisse de confiance et d'estime de soi, l'isolement, la chute des revenus, la stigmatisation aussi sont de nature à altérer durablement le bien-être. La dégradation de l'état de santé se manifeste alors de multiples manières : troubles du sommeil, état dépressif, assuétudes, problèmes cardio-vasculaires, etc. S'enclenche alors un cercle vicieux.

"Lorsque les capacités physiques et psychiques le permettent et à condition que la réintégration soit bien pensée et préparée, la reprise du travail ou le retour à l'emploi ont vraiment des vertus thérapeutiques ainsi que des effets bénéfiques tant pour la personne que pour son entourage", affirme le médecin-conseil.

Il ajoute que la MC sera particulièrement attentive à ce que le trajet de réintégration ne soit pas source de complications ni de stress supplémentaires pour les personnes en incapacité de travail. C'est d'abord de sérénité et de repos dont elles ont besoin lors qu'elles sont malades ou accidentées. Ce serait d'autant plus dommageable qu'elles ne seraient pas – ou pas encore – concernées par ce trajet, en raison de leurs problèmes médicaux.


Pour en savoir plus ...

Plus d'infos auprès des conseillers mutualistes de la MC, au 0800 10 9 8 7 (centre d'appels gratuits de la MC) ou sur www.mc.be/incapacite.