Incapacité

Fonds des maladies professionnelles : sauveteur et ange gardien

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Le FMP dispose d'une liste de 150 maladies déclarées d'office © Ph. Turpin BELPRESS">
Le FMP dispose d'une liste de 150 maladies déclarées d'office "professionnelles".
© Ph. Turpin BELPRESS
Philippe Lamotte

Philippe Lamotte

Le travail, c'est la santé, dit-on... Le travail, c'est aussi, dans certains cas, une calamité. Des milliers de familles s'en souviennent, elles qui ont vu un père ou un frère mourir de silicose dans les mines. Cette réalité-là ne s'efface que très lentement des mémoires et... des statistiques du Fonds des maladies professionnelles (FMP). Depuis 1963, celui-ci vient en aide (essentiellement) aux salariés qui, à cause d'une maladie liée à l'exercice de leur métier, perdent une partie de leur santé. Au point, parfois, d'y laisser la vie.

Depuis sa création, 43.000 personnes sont décédées du fait de leur exposition à un agent chimique, physique ou biologique. Ou à la suite d'une allergie qui a mal tourné, d'une grave maladie de la peau, du poumon ou infectieuse (les six grandes catégories prises en considération).

Tous les cas, bien sûr, ne sont pas aussi dramatiques. Au cours du même laps de temps, 160.000 personnes ont bénéficié d'une indemnité pour "simple" incapacité de travail permanente. Et, aujourd'hui, quelque 9 à 10.000 nouvelles demandes d'indemnisation sont introduites annuellement, dont une majorité aboutira à la reconnaissance d'une incapacité temporaire.

Plus de "jeunes", plus de femmes

Le FMP dispose d'une liste de 150 maladies déclarées d'office "professionnelles". Cela signifie que, pour autant qu'il ait été exposé au risque, le travailleur ne doit pas faire la preuve de la relation de cause à effet entre ce risque et sa maladie. La porte reste ouverte, néanmoins, à des maladies hors liste.

Dans ce cas, c'est au travailleur de prouver une relation "directe et déterminante" entre son exposition et le déclenchement de la maladie. Ce qui peut s'avérer complexe, par exemple lorsque des facteurs tant professionnels que privés sont susceptibles d'être à l'origine du mal.

Au fil du temps, le FMP a vu son "public cible" rajeunir et se féminiser. Cela s'explique principalement par l'évolution du marché de l'emploi et par l'admission de nouvelles maladies sur la liste. Depuis quatre ans, celle-ci inclut en effet la tendinopathie et les affections du canal carpien, qui se déclarent assez tôt dans la vie professionnelle.

Résultat, les infirmières, les caissières, les secrétaires sont venues rejoindre en masse les "habitués" du FMP : ouvriers de la construction, chauffeurs, carriers, plombiers, soudeurs, etc. Aujourd'hui, la moyenne d'âge est de 47 ans pour les femmes et de 53 ans pour les hommes.

Visites en usine

Chaque mois, 23 à 24 millions d'euros sont versés à l'ensemble des bénéficiaires d'indemnités, qu'il s'agisse d'incapacité temporaire ou permanente. Bonne nouvelle : cette dernière est en diminution cons tante.

Le FMP intervient aussi financièrement dans le remboursement de certains frais de santé (le ticket modérateur à charge du patient après l'intervention de l'assurance soins de santé obligatoire) et lorsqu'une aide extérieure s'avère nécessaire.

Mais le FMP ne fait pas qu'indemniser. Il organise également – et de plus en plus – la prévention des maladies, qu'elle soit primaire (éviter leur apparition) ou secondaire (éviter leur aggravation).

Parmi ses outils, un programme de prévention des maux de dos, des visites des lieux de travail à la demande et des programmes de vaccination. Qui sait, par exemple, parmi les étudiants réalisant un stage dans le secteur médico-social, que la gratuité de leur vaccin s'explique par l'intervention du FMP ? Soit dit en passant, ce sont les cotisations sociales des employeurs et des travailleurs qui financent cette Institution publique de sécurité sociale (IPSS).

Une image ambivalente

Un peu plus que quinquagénaire, le FMP fusionnera dans quelques mois avec le Fonds des accidents du travail. Dans l'histoire de la sécurité sociale belge, c'est une mini-révolution. Elle n'occulte pas pour autant des questions bien plus anciennes. Parmi celles-ci, l'image relativement négative du Fonds dans le corps médical, à l'inverse de celle dont il bénéficie dans le public.

"Nos critères de reconnaissance, bien que scientifiquement établis au niveau européen, ne sont pas assez connus ni utilisables par les médecins traitants, reconnaît Patrick Strauss, conseiller général. Le fait qu'un dossier sur trois, seulement, soit accepté par nos services nous pose un problème d'image de marque. Les patients, eux, nous voient – heureusement – comme porteurs d'une parole neutre et non-suspecte, qui vient contrebalancer la méfiance parfois ressentie envers la médecine du travail".

Autre source de débat : l'intégration potentielle, au sein de la liste des 150 maladies officielles, de pathologies de nature psychosociale (burnout), d'affections liées à des agents en pleine explosion dans l'environnement de travail (nanomatériaux) ou dont la toxicité est de mieux en mi eux connue (pesticides).

"Le risque de maladie professionnelle est loin de se limiter à la liste actuelle des maladies indemnisables, souligne Paul Palsterman, membre du comité de gestion du FMP jusqu'il y a peu pour la CSC. Par exemple, les produits dangereux présents dans l'environnement de travail – et justifiant des mesures de prévention dans les réglementations – sont beaucoup plus nombreux que ceux pris en considération par le Fonds. Par ailleurs, celui-ci développe actuellement des projets pilotes en matière de maux de dos. Parfait ! Mais il faudrait aussi, en continuité de cela, reconnaître des maladies dont le lien causal avec la profession, moins évident, pourrait donner droit à d'autres formes d'aide qu'une indemnisation classique. Par exemple, la prise en charge de certains soins de santé, des mesures de prévention de la maladie ou de réduction de son ampleur, etc."