Incapacité

Coiffeuse : métier à risque

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À peu près la moitié des dossiers introduits auprès du Fonds des maladies professionnelles porte sur des problèmes de tendons ou du canal carpien (poignet).<br />
© Ph. Turpin BELPRESS
À peu près la moitié des dossiers introduits auprès du Fonds des maladies professionnelles porte sur des problèmes de tendons ou du canal carpien (poignet).
© Ph. Turpin BELPRESS
Philippe Lamotte

Philippe Lamotte

Le métier de coiffeur ou de coiffeuse n'est pas une sinécure. Station debout du matin jusqu'au soir. Les mains plongées régulièrement dans des produits chimiques, souvent corrosifs. Les bras et les mains en suspension et en mouvements incessants. Les résultats sont là, implacables : un coiffeur sur trois, dans sa carrière, est confronté à des problèmes de peau ; un sur quatre est obligé d'abandonner prématurément son travail à cause d'une allergie ou d'une maladie de la peau.

Milieux clos et densément occupés, les salons de coiffure baignent dans des taux élevés d'humidité. Celle-ci favorise l'apparition d'eczémas allergiques ou de dermatites allergiques dites "de contact".

C'est pour les femmes enceintes et en âge de procréer, très nombreuses dans ce secteur, que les inquiétudes syndicales sont les plus grandes. Qu'il s'agisse de shampoings ou de colorations, de permanentes ou de mèches, elles sont régulièrement en contact avec des particules fortement suspectées d'avoir un impact sur la fertilité, sur le développement du foetus et certaines formes de cancer.

Milieux clos et densément occupés, les salons de coiffure baignent dans des taux élevés d'humidité. Celle-ci favorise l'apparition d'eczémas allergiques.

Un microcosme

Les mesures de prévention existent, certes. Ventiler fréquemment les locaux. Utiliser des gants en vinyle ou en nitrile (moins allergisants que le latex), éventuellement doublés de gants en coton. Utiliser des produits moins mordants. Bannir le nickel des ciseaux, peignes et épingles. Changer régulièrement de poste de travail pour éviter les troubles musculo-squelettiques...

Depuis quatre ans, une convention collective de travail, spécifiquement axée "prévention", est censée protéger le personnel. "Cette réglementation reste peu connue, regrette François Laurent, Secrétaire national de la CSC bâtiments, industrie et énergie. Son application reste difficile – et peu contrôlée – dans les petites entreprises, majoritaires. Le personnel est souvent luimême inconscient des risques".

Et puis, un salon de coiffure reste un microcosme : celle ou celui qui aurait l'idée de se plaindre à l'Inspection du travail sera vite repéré(e), courant le risque d'être mis(e) au pas ou licencié(e).

Dès lors, "nombreuses sont les travailleuses du secteur qui taisent les problèmes de santé, souligne Dimitra Penidis, du même syndicat. C'est bien souvent résignées et sur la pointe des pieds qu'elles quittent leur emploi".

Paradoxal, puisque les patrons et les employé(e)s, partageant les mêmes locaux, sont souvent confrontés aux mêmes émanations, aux mêmes molécules chimiques. "On s'entend souvent dire :'on travaille comme on a toujours travaillé'", regrette François Laurent. La force de l'inertie. Avec, pour résultat, des carrières qui se brisent faute d'une prévention réellement efficace.

Souffrances inutiles

Fin septembre, la CSC a lancé une campagne d'anticipation des risques dans 500 établissements de coiffure, de fitness et de soins de beauté. Le slogan : "Ne souffrez plus sans réagir, adoptez les bons réflexes". Parmi ceux-ci, utiliser des gants de la bonne taille et adopter une hygiène draconienne des mains.

Pour inciter les coiffeurs à une consultation dermatologique annuelle, les organisations syndicales interviennent déjà dans certains frais médicaux, en complément de l'intervention de l'assurance soins de santé obligatoire.

Cette campagne a aussi rappelé l'existence du Fonds des Maladies professionnelles auprès de jeunes travailleurs qui, souvent, ignorent jusqu'à son existence. "Nous conseillons aussi d'aller consulter les médecins-conseils de la mutualité, souligne François Laurent. Ils sont davantage au courant des démarches à suivre pour se faire reconnaître auprès du Fonds".

En 2015, employeurs et syndicats de ce secteur sont tombés d'accord, au niveau européen, sur un texte améliorant la santé et l'ergonomie des postes de travail. Incluant en partie les indépendants, il consacre le principe de la prévention et prévoit notamment le remplacement des produits dangereux.

Mais ce texte est actuellement bloqué par certains pays de l'Union. Ils refusent – pour une question de principe – qu'un accord-cadre conclu par les interlocuteurs sociaux européens se transforme en directive. Pendant ce temps, les salons continuent de tourner. Le personnel aussi…