Droits sociaux

Claude Rolin : "La MC est un outil d'éducation permanente"            

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Julien Marteleur

Julien Marteleur

En Marche : En quoi consiste le rôle du président du Conseil d'administration ?

Claude Rolin : Présider le Conseil d’administration de la MC, c’est animer les instances et permettre l'articulation entre les professionnels et les bénévoles. Ces derniers sont au cœur de la vie de la Mutualité, ils portent la voix de nos membres, ils sont à l'écoute des réalités vécues sur le terrain et les traduisent dans l’action de la MC. Les instances (Conseil d'administration ou Assemblée générale) sont le gouvernement et le parlement de la Mutualité, c’est là que se prennent les décisions. Comme président, mon rôle est également d’aider à articuler le développement de services de qualité à la dimension  "mouvements" et à la vision sociétale que nous portons.

EM : Quels sont les grands défis qui attendent la MC ces prochaines années ? 

CR : Ces derniers temps, les crises semblent se succéder à un rythme effréné. Crises politiques, sociales, climatique et sanitaire auxquelles s’ajoute désormais l’instabilité internationale provoquée par l'invasion de l'Ukraine, avec notamment comme conséquence une flambée des prix de l'énergie qui met grandement à mal le portefeuille des ménages. Ces crises ont un impact profond et durable sur notre santé. Il faut donc remettre celle-ci au centre des questions de société. La MC, en sa qualité de pôle intermédiaire, a son rôle à jouer. Nous sommes un lieu où les réalités des personnes, en matière de santé au sens large, peuvent s'exprimer collectivement. Dans son champ de compétence, la MC est actrice à part entière du dialogue social et, par là-même, permet à la démocratie d'exister pleinement.

EM : On connaît votre carrière de syndicaliste et, en tant qu'eurodéputé, vous avez notamment travaillé à une meilleure protection des travailleurs contre les risques des agents cancérigènes sur le lieu de travail. La question de la santé liée à l'emploi ne vous est donc pas étrangère.

CR : Le travail – rémunéré ou non - est central et déterminant, il permet à la personne d'exister, de se réaliser. Mais aujourd'hui, il semble aussi produire de plus en plus de mal-être. Par manque de prévention, on meurt encore aujourd'hui d'accidents au travail. On assiste aussi à l'émergence de nouvelles "maladies", comme le burnout. Cet épuisement professionnel est bien souvent le fruit d'une pression accrue sur la personne, combinée à une sensation d'isolement. On constate également une augmentation inquiétante de personnes en incapacité de travail de longue durée, surtout chez les plus de 55 ans. Or, d'ici 2030, l'âge de la pension devrait être reculé à 67 ans... Surtout, le monde du travail est en pleine mutation depuis plusieurs années : numérisation, uberisation, etc. Pour certains, cela crée une perte de sens, ce qui a des conséquences directes sur la santé car le travail influe sur la perception de la qualité de vie. Il est important de remettre la solidarité au centre du travail. D'ailleurs,  les syndicats, les mutualités, la sécurité sociale sont historiquement nés de cette notion de solidarité.

EM : Autre aspect de cette solidarité : favoriser l'accès aux soins de santé de qualité à tout un chacun.

CR : En zone rurale, l'accès aux médecins spécialistes par exemple, est problématique. Mais ce désert médical touche aussi certaines zones urbaines où les médecins généralistes ne souhaitent plus s'installer… Trop souvent encore, la qualité des soins reste insuffisante, par manque d’investissements, de personnel ou d’infrastructures de santé. La pauvreté limite l’espérance de vie et les plus démunis doivent renoncer à certains soins, notamment préventifs. Celles et ceux qui souffrent le plus de la chaleur habitent dans des logements mal isolés. Il en va de même pour les questions environnementales : c'est dans les quartiers populaires que l’on rencontre le plus de problèmes liés à la qualité de l’air et ce n’est pas un hasard si, en cas de catastrophes naturelles comme les inondations, ce sont les personnes les moins privilégiées qui résident dans les zones les plus touchées et qui ne sont pas protégées par une assurance.

EM : Pour vous, la MC est un puissant outil d'éducation permanente.

CR : Nos mouvements sont par essence des lieux d'éducation permanente. Ils permettent, collectivement, de se rassembler, d'échanger, de mieux comprendre ce que nos membres vivent pour l'améliorer, le changer si nécessaire. L'éducation est vraiment permanente lorsqu'elle est collective. Les élections mutualistes sont la base même de cette éducation : des bénévoles sont élus et se rassemblent pour faire avancer les choses en termes de santé dans la société. On retrouve ici la vraie notion de "mutualité" : une organisation où l'on œuvre ensemble pour le bien commun. Sans cela, nous ne serions qu'une compagnie d'assurance comme une autre.