Maintien à domicile

Pour qu’aidants et soignants œuvrent de concert

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Aujourd'hui, les différentes législations ne permettent pas d'emblée une complémentarité forte entre les métiers.<br />
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Aujourd'hui, les différentes législations ne permettent pas d'emblée une complémentarité forte entre les métiers.
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Catherine Daloze

Catherine Daloze

L'avenir est dans la transversalité entre les métiers, voilà la conviction portée par Aide & Soins à Domicile. Le défi est de taille et la préoccupation n'est pas que théorique. Elle s'appuie sur des situations de vie aux accents parfois dramatiques.

Dans la vraie vie

Un exemple de ce qui interpelle les services ? À Nivelles, une dame atteinte d'une maladie dégénérative. Les aides familiaux d’ASD l'assistaient depuis 2012, dans sa vie quotidienne, notamment pour prendre ses repas. Depuis mars 2015, ils continuent de se rendre chez elle mais ils ne peuvent plus l'alimenter. En cause : le diagnostic d'un trouble de la déglutition. Donner à manger relève désormais de l'art infirmier. Les aides familiaux ne sont plus en droit de nourrir cette dame, sous peine de sévères sanctions pénales pour pratique illégale de l'art infirmier. Ce sont leurs collègues infirmiers qui devraient s’en charger mais ils ne sont pas financés pour.

Autres situations concrètes : aider une personne à enfiler des bas de contention ou à porter à la bouche ses médicaments et lui donner un verre d'eau pour les avaler… La loi considère ces actes comme des prestations infirmières. Les aides familiaux ou les gardes à domicile ne peuvent pas y participer.

Face à l'embarras et aux cas de conscience

Sur le terrain, face aux besoins des premiers concernés, on imagine aisément que la pression est forte et que les limites légales sont parfois franchies. Et ce, malgré le risque de poursuites judiciaires. On comprend surtout le malaise qui peut régner au sein des professions et miner l'élan à collaborer.

"Ces situations sont l'héritage de notre système de santé, observe Brice Many, directeur de la Fédération Aide & Soins à Domicile. Elles avaient leur pertinence dans une médecine de soins aigus. Elles ne l'ont plus dans une médecine de soins chroniques." Entendez : le contexte a changé à l'heure où la durée des séjours hospitaliers se réduit, où beaucoup de personnes aspirent à rester dans leur cadre de vie, où les services d'aide se sont diversifiés, où les progrès médicaux permettent de vivre plus longtemps et de préserver une relative autonomie malgré la maladie…

Certes, la collaboration interprofessionnelle ne date pas d'hier. Ainsi, le concept Aide & Soins à Domicile qui a marqué le rapprochement des Croix jaunes et blanches, de la Fédération nationale aide familiale et des centres de coordination fête ses 20 ans : "20 ans de transversalité". Mais il y a "encore du chemin à parcourir", estime ASD elle-même. Elle a identifié 17 actes qui pourraient, sur la base d'un diagnostic infirmier, faire l'objet d'une collaboration plus étroite avec les métiers de l'aide à la vie journalière.

Au rang des pas décisifs à poser dans ce sens, citons l'évolution du cadre réglementaire bâti autour des professions du soin et de l'aide à la vie journalière. Le chantier est de taille, confronté là aussi aux difficultés de la collaboration. Entre politiques, cette fois : le Fédéral pour le secteur infirmier, les entités fédérées pour les métiers de l'aide. Sans parler du secteur du handicap, de la petite enfance ou de l'enseignement. Les professionnels de ces secteurs ne sont pas en reste sur le terrain de la nécessaire collaboration ; quand il s'agit de pratiquer une injection d'insuline à un élève, d’administrer un médicament contre la fièvre en crèche…

Des protocoles d'accords et d'autres velléités de réforme sont dans l'air, mais n'ont pas encore été réellement concrétisés. Aujourd'hui, les différentes législations ne permettent pas d'emblée une complémentarité forte entre les métiers.

À condition de se faire confiance

En outre, collaborer entre métiers, on ne peut se contenter de le décréter. D'autres aspects – et non des moindres – y contribuent : la formation de base et continuée ou encore l'esprit dans lequel sont organisés les services. Ceux-ci pourraient s'inscrire davantage dans la "culture du 'et'", comme l'appelle de ses vœux le directeur de la Fasd. Se connaître, se reconnaître en termes de tâches, de compétences apparaît comme un préalable pour cheminer ensemble, pour envisager de partager des tâches, pour passer de la cohabitation à la collaboration en action.

Une condition à tout cela : "voir se nouer des liens de confiance", comme le résume Hélène Sylvain, spécialiste québécoise des pratiques collaboratives dans les services sociaux et de santé (1). Et la confiance, elle se construit, elle s'éprouve, il faut en prendre soin continuellement.


Pour en savoir plus ...

>> La Fédération Aide & Soins à Domicile (Fasd), partenaire de la MC, invite les prestataires de l'aide et des soins au sens large à des ateliers de travail autour de la collaboration interprofessionnelle et des propositions de réforme des législations, en novembre et décembre.

Plus d'infos : www.aideetsoinsadomicile.be • 02/735.24.24