Santé mentale

Quand l'animal soigne             

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Julien Marteleur

Julien Marteleur

Activités avec des cobayes dans les maisons de repos, présence de chiens en classe de lecture, stage de relations aux chevaux ou encore séance de "re-sensibilisation" avec des chats auprès de prisonniers condamnés pour des faits de violence… Aux États-Unis, on appelle cela la zoothérapie. Chez nous, on lui préfère les termes de médiation animale ou de thérapie facilitée par les animaux. Pour certains publics fragilisés (personnes âgées, détenus, personnes atteintes de pathologies ou de handicap), la présence d'un animal domestique peut régénérer, donner le goût de bouger à nouveau, de parler ou d'entrer en relation avec l'autre. Nos amies les bêtes, par leur comportement instinctivement non-jugeant et authentique, peuvent susciter des réactions favorables à un mieux-être psychologique ou physique.

Thérapeutes à poils ou à plumes
C'est au 9e siècle en Belgique – cocorico ! - que le premier exemple d’une utilisation volontaire de l’animal au profit de la santé psychique humaine est observé. En 1860, le journaliste français Jules Duval évoque dans son ouvrage Gheel ou une colonie d'aliénés le cas d'un groupe de patients atteints de troubles psychologiques et internés dans la cité flamande de Gheel (aujourd’hui Geel), à qui l'on a confié la garde d’oiseaux pendant leur convalescence. En prenant soin d'un animal, le patient apprend à prendre mieux soin de lui-même, constatent les médecins de l'époque. C'est dans les années 50 que la zoothérapie voit véritablement le jour grâce à Boris Levinson, un pédopsychiatre américain. Un jour, il reçoit dans son cabinet un couple de parents et leur jeune fils autiste. Les parents sont désespérés à l'idée que leur enfant entre en institution spécialisée. Par hasard, Levinson a oublié la présence de Jingle, sa chienne qui sommeille dans un coin de son bureau. Contre toute attente, Jingle se réveille à l’arrivée de la famille et part à la rencontre du petit garçon qui, sous l'œil ébahi de ses parents, se met à caresser la chienne et à lui porter attention. Levinson entreprend alors un programme de thérapie avec la complicité de Jingle, qui aboutira à de très nets progrès du petit garçon et lui évitera le placement en institution.
Pour la première fois, un animal domestique devient co-thérapeute. Autrement dit, il se place comme médiateur au sein d'une relation désormais triangulaire entre le praticien, l'animal et le patient. Moqués à l'époque au sein de la profession, les travaux de Boris Levinson font désormais l'objet d'études très sérieuses et les praticiens qui le souhaitent peuvent aujourd’hui se former à la médiation animale, comme c'est le cas chez nous au département de sciences sociales de l'ULiège ou encore à l'Institut belge de zoothérapie de Franc-Waret (Namur).

Les animaux domestiques ont une meilleure compréhension émotionnelle du genre humain que les animaux sauvages.

Ne dites plus QI, dites QE !
Sans communication verbale, l'animal domestique cherche l'interaction (n'en déplaise aux propriétaires de chats !). Il est spontané, stimule, éveille, réconforte de manière naturelle. Ces qualités, l'animal les puise dans un "quotient émotionnel" fortement développé. Autrement dit, il dispose d'une bonne maîtrise de ses émotions personnelles, mais également d'une excellente compréhension des émotions des autres. Bien sûr, tous les animaux n'ont pas la même intelligence émotionnelle. Les thérapies s'effectuent généralement avec des animaux spécialement éduqués pour créer une relation avec le patient. Les animaux domestiques ont aussi une meilleure compréhension émotionnelle du genre humain que les animaux sauvages. "L'Homme les a sélectionnés pour ça, explique le chercheur en écologie comportementale Loïc Bollache sur le site Le Devoir. Les animaux domestiques sont issus d’une sélection artificielle qui visait à choisir les individus les plus gentils avec l’humain. L’empathie existe entre les individus d’une même espèce, mais aussi entre nous, humains, et nos animaux domestiques. Votre chien (ou tout autre animal de compagnie) vous observe toute la journée, parce que c’est vous qui lui donnez à manger, qui le caressez, qui allez le promener. Il est entièrement dépendant de vous. Il est extrêmement attentif à vos moindres signes, il apprend à tout décoder de vous. Du coup, quand vous n’êtes pas bien, quand vous êtes triste, il le perçoit sans aucun doute."

Un exemple à suivre
Nous sommes si persuadés de la supériorité que nous confère le langage, que nous sommes devenus très mauvais pour communiquer avec les espèces qui nous entourent. Le monde vibre en permanence de messages d'animaux auxquels nous restons sourds. Nous sommes incapables de comprendre avec précisions les hennissements d'un cheval ou les miaulements d'un chat. Sans compter que nous n’arrivons pas toujours à communiquer avec nos proches, ni même à nous entendre avec nous-mêmes ou à savoir ce que nous voulons vraiment. Qu'attendons-nous pour suivre l'exemple animal pour porter davantage attention, sans jugement ni comparaison, à ce qui nous entoure ? Et peut-être, par la même occasion, arriver à mieux nous comprendre ?