Prévention

Une maison qui respire

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Aurelia Jane Lee

Aurelia Jane Lee

La qualité de l'air intérieur dépend des matériaux choisis pour aménager et meubler la maison, ainsi que des produits d'entretien et des appareils que l'on utilise (voir l'article "À la chasse aux pollutions intérieures" dans le numéro précédent). Il est toutefois impossible d'éliminer toute source de pollution. Que faire pour se débarrasser des mauvaises odeurs, des gaz de combustion et autres résidus nocifs ? Aérer, pardi !
Renouveler l’air permet de chasser les substances polluantes ou toxiques, mais aussi de réguler le taux d'humidité dans un logement. Outre la respiration et la transpiration de ses habitants, la douche, la lessive, la vaisselle ou la cuisine génèrent quotidiennement des vapeurs d'eau. "L'humidité de l'air n'est pas en soi un problème pour l'être humain, qui est composé lui-même de 70 % d'eau en moyenne, rappelle Étienne Delooz, biologiste, éco-conseiller et responsable de projet Santé-Habitat chez Espace Environnement. Mais pour les bâtiments, c'en est bien un ! L'humidité génère de l’inconfort, de la condensation et favorise à terme le développement de moisissures." Lesquelles sont susceptibles d'impacter la santé des personnes sensibles (notamment les plus jeunes) et donner lieu à des allergies ou de l'asthme.
Les problèmes d'humidité peuvent être liés en partie à un défaut d'isolation dans le logement, mais ils sont principalement dus au manque d'aération. "Deux adultes produisent entre 1,2 et 1,5 litres de vapeur d'eau par nuit. Si l'on n'aère pas correctement une chambre, il ne faut pas s'étonner que des moisissures apparaissent, met en garde le biologiste. En l’absence d’un système de ventilation (voir ci-dessous), aérer un peu chaque matin diminue déjà fortement le risque de moisissures."

Un bon coup d'air frais

On recommande d'aérer au moins une ou deux fois par jour, pendant 10 à 15 minutes. "L'idéal est de créer un bon petit courant d'air, si possible, conseille l'expert de Santé-Habitat. Pour cela, il faut ouvrir deux fenêtres sur des faces opposées du logement, ainsi que les portes entre les différentes pièces du logement, afin que l'air puisse circuler." C'est le vent qui va provoquer un mouvement d'air. En fonction de la météo du jour, le renouvellement de l’air sera donc plus ou moins efficace.

Même s'il pleut, en hiver, l'air venant de dehors sera toujours plus sec que celui qui est évacué.
E. Delooz

Il est préférable d'aérer tôt le matin, quand la température extérieure est au plus bas, même en hiver. La sensation de froid sera de courte durée car l'air ambiant, une fois l'humidité évacuée, se réchauffera plus facilement. "Quand on ouvre les fenêtres, l'air extérieur, même s'il est humide, va entrer et se dilater avec la chaleur de la maison. La quantité d'eau dans l'air diminue en proportion. Même s'il pleut, en hiver, l'air venant de dehors sera toujours plus sec que celui qui est évacué" résume l'éco-con seiller.
Il n'est pas nécessaire de couper le chauffage. "Avec l'inertie du système, le temps de l'arrêter et de le réenclencher, la perte est minime", assure Étienne Delooz. "La température à l'intérieur de la maison va très vite descendre, jusqu'à 8 ou 9 degrés s'il gèle dehors. Mais elle remonte tout aussi rapidement dès que l'on referme les fenêtres. Car la maison agit comme un radiateur et ramène la température intérieure à son niveau initial."
Mais aérer plus d'un quart d'heure serait contre-productif, car ce n'est plus seulement l'air de la pièce que l'on rafraîchit alors, mais les murs et les surfaces qui perdent de la chaleur. Garder une fenêtre entrouverte en permanence pour assurer le renouvellement de l'air n'est pas recommandé en hiver. Une fois les briques refroidies, la maison ne fait plus office de radiateur naturel. De plus, l'air ne circulera pas ou peu, avec une seule ouverture. 

Rien ne sert de chauffer sans aérer

Aérer brièvement une ou deux fois par jour peut par ailleurs aider à faire des économies de chauffage ! "Je me souviens d'une voisine de 85 ans qui vivait seule dans un petit deux-pièces, raconte Étienne Delooz. Quand on entrait chez elle, en hiver, on avait l'impression de pénétrer dans une serre du jardin botanique. Elle avait froid, donc elle chauffait ! Elle n'ouvrait pas les fenêtres. L'air se chargeait d'humidité chaque fois qu'elle faisait la vaisselle ou une petite lessive, ou après la nuit." L'humidité tend à s'évaporer, mais ce processus consomme de la chaleur, notamment… la chaleur corporelle (on transpire). La petite dame prenait donc froid, et chauffait davantage encore. "J'essayais de négocier, poursuit Étienne Delooz : 'Tu n'ouvrirais pas un peu les fenêtres ?' 'Non, tu es fou, il fait froid !' Il y avait tout de même 25 degrés chez elle ! Finalement, elle enfilait son manteau et nous ouvrions les fenêtres durant un quart d'heure pour ventiler un bon coup. Ensuite, elle avait soudain trop chaud… Parce que quand l'air est sec, à 25 degrés, on a chaud ! Elle ramenait alors la température à 21. Non seulement elle faisait des économies mais en plus, son confort s'était amélioré !", conclut l'éco-conseiller.

Il est bon de chauffer un minimum (15-16 degrés) dans toutes les pièces afin d'éviter de créer des zones froides dans le bâtiment.

Par mesure d'économie, on peut être tenté de garder les chauffages éteints dans les pièces moins occupées. Ce n'est pas forcément un bon calcul, selon l'expert de Santé-Habitat, car l'excès d'eau dans l'air va toujours se déposer aux endroits les plus froids. "Certaines personnes ne chauffent pas dans les chambres. Même s'il n'y fait que 12 degrés pendant l'hiver, elles assurent ne pas avoir froid. Le problème, indique Étienne Delooz, c'est que si les murs et les surfaces descendent à cette température, le seuil de condensation diminue également. C'est-à-dire qu'avec un moindre niveau d'humidité, il y aura déjà de la condensation, et donc un risque accru de moisissures." Pour cette raison, il est bon de chauffer un minimum (15-16 degrés) dans toutes les pièces afin d'éviter de créer des zones froides dans le bâtiment.
"Cependant, chauffer coûte, et tout le monde n'en a pas les moyens", reconnaît l'éco-conseiller. Le principe essentiel reste d'évacuer un maximum l'humidité en ventilant régulièrement. Car essayer de réchauffer un air trop humide est plus énergivore. Mieux vaut commencer par l'évacuer en ouvrant grand les fenêtres pendant un quart d'heure, même l'hiver. Moyennant ces conditions, il n'est plus nécessaire de chauffer autant pour obtenir une température ambiante agréable. Et du même coup, l'air que vous respirez chez vous sera plus sain ! 

Changer de système de chauffage ?
Aérer est également indispensable lors qu'on utilise un système de chauffage sans évacuation d'air (par exemple, un poêle à pétrole). "Dans ce cas, non seulement l'appareil va prendre l'oxygène de la pièce, mais il va relâcher ces gaz de combustion dans la pièce, s'il n'y a pas de cheminée, avertit Étienne Delooz. Notamment du dioxyde de carbone, qui n'est pas très toxique en soi, mais qui peut engendrer un mal-être, une forme d'apathie. De plus, cela va humidifier l'air intérieur car la combustion produit de la vapeur d'eau."
Un tel système de chauffage peut être avantageusement remplacé par un poêle à ventouse. Ce type d'appareil présente l'avantage de ne pas impacter la qualité de l'air intérieur, explique l'éco-conseiller : "Un poêle à ventouse dispose d'une unique cheminée pour la prise de l'air extérieur et l'expulsion des fumées de combustion. Il ne va pas puiser l’air nécessaire à la combustion à l’intérieur du logement mais à l’extérieur. Il n'y a pas d'échange d'oxygène, ni de CO2, ni d'humidité entre la chambre de combustion du poêle et l'air intérieur."
En Région wallonne, les primes Mebar (ménages bas revenus), gérées par les CPAS, permettent l'installation de poêles à ventouse. En Région bruxelloise, le crédit ECORENO du Fonds du Logement (voir l'article en page 11 de l'édition bruxelloise, dans le précédent numéro d'En Marche) offre un taux de 0 % aux ménages dont les revenus ne dépassent pas un certain montant, pour le financement de travaux permettant d'améliorer la performance énergétique d'un logement.

Des systèmes de ventilation intégrés

L'inconvénient de l’aération, par les fenêtres, est que cela n'a rien d'automatique. C'est à la personne de penser à ouvrir — et fermer — de temps en temps les fenêtres pour assurer le renouvellement de l'air intérieur. Certains bâtiments sont pourvus de dispositifs de ventilation autonomes. Si vous construisez ou rénovez, vous pouvez envisager d'installer ce genre d'appareil. La Région wallonne en accepte deux types :

> Les systèmes à simple flux, ou extracteurs d'air
Placés dans les pièces humides (cuisine, salle de bain et buanderie), ces appareils aspirent l'air de ces pièces et le rejettent à l'extérieur. Ce système nécessite la présence, en parallèle, dans les pièces sèches que sont le salon, les chambres etc., de grilles de ventilation aux fenêtres, pour permettre à l'air extérieur de rentrer. À proximité d'une de ces grilles de ventilation, on peut sentir le flux d'air froid. "Si cela vous gêne, éloignez-vous dans la mesure du possible, mais évitez de fermer la grille", avertit Étienne Delooz.

> Les systèmes à double flux
Ils sont constitués de bouches d'apport d'air et de bouches d'extraction, qui permettent de tirer l'air vicié hors de la maison tout en y faisant pénétrer l'air extérieur. Cet air frais se réchauffe rapidement une fois qu'il pénètre la maison. Il y a donc peu de déperdition de chaleur. En revanche, si l'on bouche l'arrivée d'air, c'est tout l'équilibre du système qui est rompu. Certains de ces dispositifs sont équipés d'un échangeur thermique : ils récupèrent la chaleur de l'air sortant pour la réinjecter dans l'air entrant. L'air entrant est ainsi moins froid. À défaut de disposer d'un de ces systèmes mécaniques, aérer de façon manuelle doit devenir une routine.