Prévention

Tatouage et piercing : gare aux infections !

6 min.
Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

Le tatouage consiste à créer sur une partie du corps un dessin par injection intradermique de colorants. Le piercing, quant à lui, est le fait de transpercer une partie du corps pour y insérer un bijou (1). Tatouages et piercinqs sont durables, voire permanents et irréversibles (2). Choisir de se faire tatouer ou percer ne peut donc se faire sur un simple défi lors d’une soirée arrosée ou au hasard d’une promenade sur un marché! Le choix doit être mûrement réfléchi. Le perceur ou le tatoueur est d’ailleurs tenu de vérifier que son client n’a pas consommé d’alcool, de drogues ou de médicaments qui pourraient altérer sa capacité de décision.

Admettons. Mais à partir de quel âge peut-on se faire tatouer ou percer ? La loi qui réglemente cette profession depuis 2005 (voir ci-dessous) est muette sur le sujet. Bien sûr, le Conseil supérieur d’hygiène recommande de ne pas effectuer de tatouage/piercing sur les mineurs car ils ne sont pas à même de prendre une décision qui aura des conséquences durables voire permanentes. Le fait que la transformation du corps et la croissance ne soient pas achevées est une autre raison déterminante.

Mais dans les faits, rien n’oblige un tatoueur ou un perceur à respecter cette recommandation ni même à demander à un mineur l’autorisation écrite de ses parents (3). « Nous regrettons que la loi n’ait pas imposé de limite d’âge afin d’éviter les dérapages », explique Anne-Marie Michel, responsable de l’accueil dans un studio de tatouages et de piercings à Liège et membre active de l’ABTCP, une association professionnelle de tatoueurs qui a élaboré un code de bonnes pratiques (4).

« Beaucoup de filles de 12-13 ans veulent un piercing au nombril mais à cet âge, la croissance n’est pas terminée et le bijou risque de blesser la jeune fille au fil du temps, précise Anne-Marie Michel. Le risque d’infections graves est grand aussi car les filles chipotent sans arrêt à leur piercing, oublient les soins et s’échangent même leur bijou… Dans notre studio, nous refusons donc catégoriquement de poser un piercing au nombril aux moins de 14 ans, même avec l’accord de leurs parents. Malheureusement dans ce cas, il n’est pas rare qu’on subisse les foudres des parents qui risquent de se tourner alors vers des tatoueurs moins scrupuleux ».

A défaut de loi concernant l’âge, les praticiens consciencieux appliquent les principes suivants: pas de tatouage avant l’âge de 18 ans, sauf avec accord parental à partir de 16 ans. Et pas de piercing avant l’âge de 16 ans, sauf avec accord parental à partir de 14 ans. Avant cet âge, le piercing ne se fait que pour le lobe de l’oreille. Certains praticiens vont encore plus loin, exigeant la présence d’un des parents en plus de l’accord parental ou apportant des restrictions supplémentaires selon les zones du corps percées ou tatouées.

« L’absence légale de limite d’âge pose de réels problèmes», admet Jean Paques, responsable du contrôle des studios de tatouage-piercing en Belgique francophone au sein du SPF Santé publique. «Il est clair qu’on devra légiférer en suivant vraisemblablement la charte déontologique appliquée actuellement par les professionnels consciencieux. Notre attention se porte également vers d’autres domaines tels que maquillage permanent, détatouage, implants, ... qui nécessiteront certainement une réglementation spécifique ».

Des risques à éviter

Tatouage et piercing ne sont pas des actes anodins. Il est ainsi recommandé aux femmes enceintes et à certaines catégories de personnes de se rendre préalablement chez leur médecin traitant et, le cas échéant, de lui demander son accord afin d’en aviser le professionnel qui pratiquera le tatouage ou le piercing. Ceci pour déceler les contre-indications ou  éviter les complications éventuelles (mauvaise cicatrisation, réaction cutanés…). Ce sont par exemple les personnes souffrant d’hémophilie, d’un trouble de coagulation, d’une diminution du système immunitaire, d’infections à répétition, d’allergie ou affection cutanée, d’une maladie cardiaque, de diabète, d’épilepsie…

S’ils ne sont pas effectués dans le respect des règles d’hygiène les plus strictes, le piercing et le tatouage peuvent entraîner des infections de la peau ou du cartilage, le tétanos ou encore des infections virales comme l’hépatite B, l’hépatite C ou le VIH/sida. Le risque de réactions allergiques n’est pas non plus à écarter. Elles peuvent être provoquées par les pigments des encres utilisées ou par les objets insérés lors du piercing. Pour éviter ces risques, il faut donc impérativement se rendre chez un praticien agréé par le SPF Santé publique (voir ci-contre) et bannir absolument les lieux non spécifiquement dévoués aux tatouages et piercings. Les bijoutiers , quant à eux, ne peuvent réaliser que le piercing du lobe de l’oreille.

Les praticiens agréés doivent respecter des règles d’hygiène très strictes: se laver les mains avant chaque client, utiliser du matériel à usage unique, ouvrir le matériel stérile sous emballage devant la personne, stériliser avec un autoclave tout autre matériel (notamment les bijoux), porter des gants à usage unique, pratiquer dans un local spécialement aménagé, propre, non fumeur, interdit aux animaux… etc.

Des exigences sont également imposées quant aux techniques et produits utilisés:

  • ne jamais percer au pistolet (sauf pour le lobe de l’oreille),
  • ne jamais tatouer sur un grain de beauté,
  • utiliser des encres conformes aux normes européennes,
  • placer tiges et bijoux présentant un taux de libération du nickel très faible. A cet égard, les professionnels recommandent d’utiliser des bijoux en titane car l’acier chirurgical n’est pas totalement exempt de nickel et beaucoup de personnes y sont allergiques.

Des soins à appliquer scrupuleusement

Une fois le piercing ou le tatouage effectué, il est important d’appliquer scrupuleusement les soins conseillés par le praticien et de respecter quelques règles essentielles:

  • ne pas utiliser alcools, parfums, crèmes solaires ou épilatoires qui peuvent altérer la cicatrisation,
  • éviter l’exposition au soleil ainsi que les bains, saunas et piscine jusqu’à la cicatrisation complète (l’été n’est donc pas la période idéale pour se faire tatouer ou percer),
  • ne pas retirer le bijou avant la cicatrisation complète, sauf avis médical,
  • bien surveiller la cicatrice et consulter son médecin en cas de fièvre, d’infection, de rougeur, de lésion cutanée ou de démangeaison.

Un phénomène de mode

Qu’on aime ou qu’on aime pas, le tatouage et le piercing ne sont plus des actes marginaux. Pratiqués par des jeunes et des moins jeunes, dans toutes les couches de la population, ils sont devenus un phénomène de mode, amplifié par des stars qui arborent fièrement leurs trophées ou les laissent discrètement découvrir.

Pour beaucoup d’adultes, tatouage et piercing véhiculent des images plutôt négatives: provocation, vulgarité, automutilation, voire marginalité. Alors que chez les jeunes, on évoque surtout des arguments esthétiques, l’appartenance au groupe, un cap à franchir.

Quoi qu’il en soit, se faire tatouer ou percer n’est pas sans conséquences, et les risques sur la santé ne sautent pas forcément aux yeux d’un jeune. Il est donc important que les parents s’informent sur ces pratiques, maintiennent le dialogue avec leurs enfants et abordent le sujet le plus sereinement possible avec eux, en toute confiance…

Une profession mieux réglementée

Fin 2005, les pouvoirs publics ont décidé de règlementer la pratique du tatouage et du piercing sous la pression de plusieurs associations de tatoueurs/perceurs, demandeuses de mettre de l’ordre dans un secteur d’activités où le meilleur côtoyait (et côtoie toujours mais dans une moindre mesure) le pire.

Depuis 2006, toute personne désirant exercer le métier de tatoueur ou de perceur doit être agréé par le Ministre fédéral de la santé (1). Pour ce faire, le professionnel doit avoir suivi une formation obligatoire de 20h sur l’hygiène, et réussi l’examen (2). Il doit en outre respecter des règles sur le matériel utilisé, la propreté des locaux et le choix des bijoux (3).

Le praticien est tenu de faire signer au client un document de consentement en double exemplaire (dont un lui est remis) mentionnant les risques liés au tatouage/piercing et les cas dans lesquels une visite préalable chez le médecin est conseillée. Il devra également lui remettre un document détaillant les soins à apporter durant la cicatrisation et les précautions particulières à prendre.

Concrètement, des contrôles ont eu lieu à plusieurs reprises dans tous les studios de tatouage, donnant lieu, pour quelques uns seulement, à des observations et injonctions pour se conformer aux réglementations en matière d’hygiène. Aujourd’hui, 600 praticiens sont enregistrés auprès du SPF, une bonne moitié a déjà suivi la formation en hygiène et tous devraient l’avoir suivie d’ici fin 2009. Les praticiens reconnus peuvent déjà présenter leur diplôme et leur agrément officieux, les agréments officiels étant en cours de validation. La liste des tatoueurs/perceurs agréés n’est pas encore disponible sur le site du SPF Santé publique mais il est possible d’obtenir des informations précises auprès de cette administration (4).