Environnement

Radon : chez vous, c’est comment ?

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© Photononstop
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Philippe Lamotte

Philippe Lamotte

Il ne se voit pas, il ne se sent pas. Et pourtant, il tue. Le radon est un gaz radioactif, formé par l’uranium présent dans le sol et les roches. Il joue un rôle dans la formation du cancer du poumon, souvent en interaction avec d’autres facteurs. Il serait responsable de 450 à 740 décès annuels en Belgique selon les sources consultées. On croyait bien le connaître jusqu’il y a peu. A tel point qu’une carte du territoire national, présentée sur le site de l’Agence fédérale de Contrôle nucléaire (AFCN), affiche traditionnellement la région ardennaise en “zone rouge”, la Flandre en vert (exempte de danger) et le reste du pays (Brabant wallon, Hainaut, Condroz, Famenne, Gaume…) en zones intermédiaires, moins préoccupantes que l’Ardenne. Raison pour laquelle le radon est traditionnellement mieux connu par les Ardennais.

Ceux-ci, en général, savent que l’abondance de schiste dans le sous-sol de leur région, cause numéro un de l’exposition, rend nécessaire une certaine vigilance, sinon la ventilation régulière de l’habitation (lire l’encadré ci-dessous).

Mais ailleurs ? L’insouciance est-elle de mise? Certainement pas. L’année dernière et jusqu’à ces derniers mois, les autorités fédérales et provinciales ont cherché à en savoir plus sur la présence de ce gaz. Pour bien comprendre ce qu’elles ont découvert, un très bref détour technique s’impose.

Les normes en Région wallonne (inspirées par l’Organisation mondiale de la santé) sont de 400 Becquerel/m3 pour les anciennes constructions et de 200 Bq/m3 pour les nouvelles. Ainsi que le rappellent les Services d’analyse des milieux intérieurs (Sami)(1), il reste toutefois souhaitable de ne pas dépasser 100 Bq/m3 dans les pièces habitées, voire idéalement 50 Bq/m3, la moyenne nationale. Sur le plan de la santé, le risque de contracter un cancer augmente théoriquement de 16% par tranche d’exposition de 100 Bq/m3. Ainsi, si l’exposition passe par exemple de 100 à 500 Bq/m3, on augmente le risque de cancer de 64%(2).

Des “pics” locaux

Voilà pour le cadre théorique. Les récentes campagnes de mesure ont livré des résultats instructifs, parfois franchement étonnants. Certes, on savait déjà que, dans les zones hors Ardenne traversées par des cours d’eau, les concentrations dans certaines habitations peuvent être sensiblement plus élevées que les moyennes locales.

En effet, ici ou là, les couches géologiques de surface, érodées, ne peuvent plus jouer leur rôle de tampon étanche : elles laissent le radon remonter plus facilement vers la surface. Mais, dans le centre de Namur, des habitations ont récemment affiché des concentrations de 1.000 à 1.500 Bq/m3. En plein centre de Liège, l’Archéoforum a livré un résultat de plusieurs centaines de Bq/m3 (ventilé, il est aujourd’hui totalement sain).

A Tournai, un autre site fréquenté par le public, en zone plutôt calcaire, a livré un résultat de 900 Bq/m3. Traité lui aussi, il est redescendu à une concentration très basse (20 Bq/m3). “A Gembloux, on a trouvé ici et là des mesures à 10.000 Bq/m3, soit 3.000 de plus que le record connu en Ardenne”, précise le Dr Alain Nicolas, responsable du Sami liégeois.

D’autres disparités locales ont été relevées. Ainsi, à Thuin, la ville-basse est peu exposée, alors que le haut de la cité l’est sensiblement plus. “Mais la moyenne de la ville reste insignifiante, tempère Marc Roger, chef de projet à Hainaut Vigilance Sanitaire, ce qui plaide en faveur d’analyses très locales, site par site”.

Cette dernière recommandation est fondamentale. La carte du territoire belge évoquée ci-contre est statistique et, à ce titre, purement indicative. Pour en avoir le cœur net, chaque habitation du territoire wallon devrait idéalement être testée individuellement (voir l’encadré ci-dessus). D’autant plus que deux autres phénomènes peuvent jouer un rôle important. Primo, les micro-événements sismologiques qui frappent régulièrement la Belgique. Peu sensibles, parfois indétectables sauf via des instruments spécialisés, ils peuvent contribuer à remodeler le sous-sol d’un site à une échelle très réduite.

Résultat : des constructions peu exposées au radon peuvent soudainement afficher une concentration significative. Récemment, dans le Brabant wallon, un logement répertorié à 400 Bq/m3 est ainsi passé brutalement à 1.000 Bq/m3. Ce cas est loin d’être unique. “Toutes les maisons d’un même quartier peuvent être “négatives”, sauf une seule qui affichera une concentration significativement plus élevée”, commente le Dr Nicolas.

Des “geysers” à radon

Second facteur, les aménagements humains. A Hainaut Vigilance Sanitaire, on cite le cas de cette habitation testée “négative” il y a trois ans, mais soudainement exposée à une concentration nettement supérieure en raison de l’aménagement d’une cave à vin. Soucieux de conserver un taux d’humidité adéquat, l’occupant avait aménagé l’arrivée d’une source qui, in fine, a contribué à saturer toute son habitation en radon. Ailleurs, c’est l’aménagement d’un puits artésien ou d’un puits canadien qui a agi comme véritable “cheminée” à radon.

Ailleurs encore, c’est la rénovation d’une habitation en maison passive sur le plan énergétique, mais mal ventilée, qui a fait grimper la concentration à plus de 800 Bq/m3… “Pour des raisons acoustiques, la tentation est grande, dans ce genre de logis, de diminuer ou d’arrêter la ventilation, ce qui n’est jamais recommandé en termes de pollutions intérieures”, constate Marc Roger.

Ce même expert décrit des cas où le creusement d’un puits, dans un jardin, a littéralement servi de pompe à radon chez l’occupant des lieux, “vidant” le radon chez tous les voisins… Enfin, il faut également relever les situations d’exposition professionnelle. Ainsi, toutes les personnes travaillant régulièrement dans le sous-sol (champignonnières, stations de forage et de pompage, entretien de canalisations, grottes, sites archéologiques…) doivent s’informer auprès de leur employeur afin de connaître la concentration de leur environnement de travail. Même s’il s’agit là d’expositions temporaires, on y a déjà trouvé des valeurs de 30.000 Bq/m3…


 

Chic et pas cher

Pour connaître son exposition au radon, une seule méthode : faire un test à domicile. L’appareillage – un petit tube – coûte environ 30 euros. Il est disponible auprès des services provinciaux et dans certaines communes. Il doit être laissé immobile au rez-de-chaussée pendant trois mois consécutifs entre octobre et mai. Renvoyé aux services compétents, il délivre alors un résultat en Becquerel/ m3, cette unité correspondant à une désintégration par seconde du noyau atomique. Dans les cas les plus difficiles, des “renifleurs” à radon, capables de mesures instantanées, peuvent être utilisés par les experts dans le cadre des campagnes communales.

Pour avoir une idée (purement indicative) de la situation générale de sa commune, il est conseillé de consulter le site de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire(1). En introduisant son code postal, on visualise instantanément le nombre de maisons analysées et la concentration moyenne de celles-ci. Pratique, mais pas assez précis pour connaître son exposition personnelle.


 

Facile à traiter

En moyenne, et hormis des situations individuelles spécifiques partout ailleurs, les concentrations en radon sont les plus élevées dans les arrondissements de Verviers, Bastogne et Neufchâteau. La roche y est plus fracturée, ce qui favorise la migration du gaz. En plus de ce facteur naturel, certains types de construction laissent filtrer plus facilement le radon vers le haut. Enfin, des matériaux de construction libèrent également le gaz, mais en quantités nettement moindres.

Inutile de paniquer en cas de concentrations élevées! Dans la majorité des cas, ventiler très régulièrement est suffisant pour réduire la concentration. Parfois, il faut aller jusqu’à l’obturation des voies de pénétration du gaz voire, avec l’aide de spécialistes(1), jusqu’à l’étanchéisation de la dalle du bâtiment ou du vide ventilé. Prévenir le problème, en cas de construction neuve, est évidemment plus simple.

Dans les zones à risques, la pose d’une bâche “pare-radon” est préconisée. Son coût est négligeable : “deux à trois pleins d’essence ou de diesel, lance Alain Nicolas, fervent défenseur d’une telle protection. Presque rien face au budget d’un achat immobilier”. Le médecin propose l’adoption d’une autre mesure : obliger les architectes à mentionner le radon dans toute demande de permis de bâtir (à l’instar de la performance énergétique, la “PEB”), afin de sensibiliser les candidats bâtisseurs.

A noter enfin que l’efficacité d’une bâche anti-radon est sujette à discussion. Il faut impérativement qu’elle soit placée dans les règles de l’art, ce qui augmente les coûts (consulter, à cette fin, le site de l’AFCN).