Vie sexuelle et affective

La pilule du lendemain, en cas d'urgence

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© Photoalto Belgaimage
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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

Un rapport sexuel sans protection, un préservatif déchiré, un patch contraceptif décollé, l'oubli d'une ou plusieurs pilules contraceptives, des vomissements ou une diarrhée sans prise d'une pilule supplémentaire… Autant de situations qui peuvent donner lieu à une fécondation et donc à une grossesse. "Si la grossesse n'est pas souhaitée, il est conseillé de recourir à une contraception d'urgence dans un délai le plus court possible, affirme une médecin généraliste qui consulte notamment en planning familial. Il ne faut surtout pas tabler sur le fait qu'on est loin d'une ovulation. Le calcul des 'jours sans risque' n'est pas du tout fiable et la plupart des femmes ne reconnaissent pas suffisamment les signes de leur corps". D'autre part, des facteurs comme le stress, les émotions, le décalage horaire ont une influence importante sur le cycle menstruel. En moyenne, celui-ci dure 28 jours, mais il peut varier entre 21 et 35 jours sans que cela soit anormal. Il faut aussi savoir que les spermatozoïdes ont une durée de vie d'environ trois jours dans les voies génitales féminines.

 Des hormones à dose élevée

 La pilule du lendemain est composée d’hormones à une dose très élevée qui permet de bloquer et/ou retarder l’ovulation de quelques jours si celle-ci ne s'est pas encore produite. Le comprimé doit être pris le plus rapidement possible après le rapport sexuel à risques car son efficacité diminue au fur et à mesure que le temps passe. La pilule du lendemain n’agit que pour le rapport concerné et ne protège en rien les rapports sexuels qui auraient lieu les jours suivants. Deux sortes de pilules du lendemain existent. La 1re  est à base de lévonorgestrel (un progestatif) et la seconde à base d'ulipristal (un modulateur sélectif des récepteurs de la progestérone). Lorsque la pilule du lendemain peut être prise dans les 72 heures qui suivent le rapport sexuel non protégé, le Centre belge d'information pharmaco-thérapeutique (CBIP) (1) recommande d'utiliser les pilules à base de lévonorgestrel (Norlevo®, Levodonna® ou Postinor®), d'autant qu'elles sont les moins chères (2). Au-delà de 72 heures et jusqu'à 5 jours après le rapport sexuel, l’ulipristal (Ellaone®) sera alors conseillé. "L'efficacité de la pilule du lendemain peut potentiellement diminuer en cas d'interactions avec certains médicaments, fait remarquer Jocelijn Stokx, pharmacienne à la Direction médicale de la Mutualité chrétienne. C'est le cas, par exemple, de certains médicaments contre l'épilepsie ou le VIH, du millepertuis aussi. Ces situations sont peu fréquentes mais avant de délivrer la pilule du lendemain, il faut s'assurer que la personne qui la prendra n'utilise pas ou n'a pas utilisé, dans les semaines qui précèdent, un de ces inducteurs enzymatiques. Si tel est le cas, il vaut mieux consulter un médecin pour envisager d'autres méthodes de contraception d'urgence". La pilule du lendemain risque-telle d'entraîner des effets indésirables ? Jocelijn Stokx répond : "Tout comme la contraception hormonale, des effets secondaires sont possibles : maux de tête, vertiges, fatigue, douleurs abdominales, troubles gastro-intestinaux, troubles menstruels". Ils sont plus importants avec l'ulipristal que le lévonorgestrel, précise le CBIP. Bon à savoir aussi : la prise de l'ulipristal rend inefficace, pour la durée du cycle, la méthode hormonale éventuellement en cours. Le préservatif est alors à recommander. Ceci est aussi conseillé après la prise de levonorgestrel parce que le cycle n'est plus fiable.

 En vente libre

 On l'a dit : la pilule du lendemain doit être prise le plus vite possible après le rapport sexuel non protégé. C'est la raison pour laquelle elle est disponible en pharmacie sans prescription médicale. Les jeunes filles de moins de 21 ans bénéficient d'un remboursement de l'assurance soins de santé à condition de présenter une prescription après consultation d'un médecin. Dans ce cas, la pilule à base de lévonorgestrel coûte moins d'un euro, voire est gratuite. Par ailleurs, la pilule du lendemain est également délivrée gratuitement dans certains centres de planning familial (lire l'interview ci dessous).

 Pas une habitude

 "La pilule du lendemain n'est pas efficace à 100%, met en garde Jocelijn Stokx. Dès lors, si les règles n'apparaissent pas 5 à 7 jours après le moment prévu, la méthode d’urgence n’a peut-être pas fonctionné. Il faut alors consulter sans tarder son médecinet/ou procéder à un test de grossesse". La pharmacienne insiste encore sur le fait que la contraception d'urgence doit rester exceptionnelle.

"La pilule du lendemain doit rester exceptionnelle. Elle ne peut pas remplacer l’usage régulier de contraceptifs".

"Elle ne peut pas remplacer l’usage régulier de contraceptifs. Par ailleurs, elle ne protège pas d'une éventuelle infection sexuellement transmissible (IST). Dans tous les cas, il est important de consulter un médecin pour envisager avec lui la méthode de protection qui conviendra le mieux", conclut-elle.


"L'enjeu : généraliser l'éducation à la vie affective et sexuelle"

Les femmes qui poussent la porte d'un centre de planning familial pourront-elles demain continuer à y recevoir gratuitement la pilule du lendemain ? Pour la Ministre fédérale de la Santé, la réponse est oui… à condition qu'elle soit délivrée par un prestataire de soins. Sébastien Fonteyne, Secrétaire général de la Fédération des centres de planning et de consultations (FCPC) (1), nous éclaire sur les enjeux du débat.

 

En Marche : La délivrance de contraceptifs d'urgence gratuits a toujours existé dans les centres de planning familial car la prévention des grossesses non désirées fait partie intégrante de leurs missions. En quoi cette pratique pose-t-elle problème aujourd'hui ?

Sébastien Fonteyne : Les contraceptifs d'urgence sont des médicaments. À ce titre, la loi de 1967 précise qu'ils ne peuvent être délivrés que par des médecins ou pharmaciens. Or, lorsqu'une jeune fille ou une femme se présente dans un centre de planning, un médecin n’est pas toujours disponible sur place ou dans un délai raisonnable pour la recevoir en consultation. Étant donné l'urgence, il arrive donc qu'un autre membre de l'équipe – travailleur social, psychologue…– délivre la pilule du lendemain non sans avoir pris le temps de la discussion sur l'opportunité de prendre ce médicament. Les quatre Fédérations de centres de planning familial, dont la nôtre, ont dès lors plaidé pour légaliser cette pratique. Des propositions de loi ont été déposées en ce sens mais Maggy De Block (ministre fédérale de la Santé –NDLR) n'a rien voulu entendre, évoquant la sécurité des patientes et la santé publique pour ne pas faire exception à la loi sur la délivrance des médicaments.

 EM : Depuis cette récente décision, la situation semble confuse sur le terrain. Qu'en est-il exactement?

SF : En Région bruxelloise, la pilule du lendemain semble toujours délivrée gratuitement par les centres de planning. La ministre bruxelloise Cécile Frémault a rassuré ceux-ci sur le fait qu'elle continuerait à leur accorder des subventions pour l'achat de contraceptifs d'urgence. Ce n'est plus le cas en Wallonie. C'est donc sur fonds propres que les centres doivent financer l'achat de stocks éventuels. Quant au respect des dispositions légales, les situations sont très variables selon les centres. Certains – les plus militants – continuent à pratiquer comme ils l'ont toujours fait, revendiquant même une désobéissance civile. D'autres – et c'est ce que font la plupart des centres affiliés à la FCPC – délivrent encore la pilule du lendemain uniquement en consultations médicales et dans la limite des stocks disponibles. À défaut de médecin sur place, certains centres octroient un "bon" pour permettre à la jeune femme de se procurer gratuitement la pilule du lendemain chez le pharmacien de son choix. Dans ce cas, celui-ci se faitrembourser auprès du centre.

"Ce qui importe, c'est de réduire le nombre d'interruptions volontaires de grossesse"

 EM. Des pratiques aussi différentes, ce n'est pas tenable. Que proposez- vous pour sortir de l'ornière ?

SF : À la FCPC, nous plaidons pour que le personnel non médical des centres puisse délivrer la pilule du lendemain et que cela se fasse dans le respect d'obligations qui garantissent la prise en charge : des formations en pharmacovigilance, le suivi d'un protocole écrit d'entretien, la tenue d'un registre pour "tracer les pilules" délivrées... Pour l'heure, il faut le reconnaître, on navigue à vue. Ce qui importe, c'est de réduire le nombre d'interruptions volontaires de grossesse. Et là, malheureusement, on manque aussi de données fiables depuis 2012.

 EM : Que préconisez-vous ?

SF : Il faut généraliser l'éducation à la vie sexuelle et affective dans les écoles. On en est très loin même si le décret “missions” l'impose aux établissements scolaires. Certains se contentent d'organiser des séances d'information pour les élèves au moment de la puberté. D'autres refusent purement et simplement de nous ouvrir leurs portes. C'est inadmissible. En 2016, plus de 5.500 heures d'animations ont été données dans des écoles par nos équipes. C'est beaucoup. Mais on pourrait faire davantage avec plus de moyens financiers et une meilleure collaboration avec les acteurs de l’école.