Prévention

La canneberge, véritable alliée contre la cystite ?

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Aurelia Jane Lee

Aurelia Jane Lee

La cystite, ou infection urinaire, est une affection courante et généralement bénigne. Elle touche plus fréquemment les femmes, mais les hommes et les enfants peuvent également être atteints. Plus ou moins douloureuse, elle se résorbe la plupart du temps dans les 48 heures. 

La cystite est une inflammation de la vessie. Elle se caractérise par une envie fréquente d’uriner, sans que la vessie soit réellement pleine. On peut aussi ressentir, lors de la miction, comme une brûlure, ou bien une lourdeur dans le bas ventre. Les urines sont souvent troubles.

Une histoire de bactérie…

Cette inflammation est due à la présence de bactéries qui remontent l'urètre et atteignent la vessie. Dans neuf cas sur dix, il s’agit de Escherichia Coli, une bactérie mieux connue sous le petit nom de E. Coli et qui provient… de nos intestins. E. Coli est en effet in­dispensable dans la flore intestinale, mais il en existe des variantes – on parle de "souches" – pathogènes qui, lorsqu’elles atteignent l’urètre, où elles ne sont pas censées se trouver, causent l’infection urinaire. 

C’est ce qui justifie le fait que les cystites soient plus fréquentes chez les femmes : la proximité de l’urètre et de l’anus rend la contamination plus aisée. De plus, l’urètre des femmes étant plus court, leur vessie est plus vulnérable à l’inflammation. 

Origines diverses et publics à risque

Les infections urinaires sont favorisées par le fait de ne pas aller suffisamment souvent aux toilettes : l’urine "stagne" alors dans la vessie plus longtemps, permettant aux bactéries de se développer.

Il est à noter que les infections urinaires sont plus fréquentes chez les femmes enceintes et chez les personnes atteintes de diabète ou de leucémie, qui doivent être particulièrement attentives. Côté masculin, l’âge et les problèmes de prostate peuvent accentuer les risques et créer des complications. Les enfants en bas âge, enfin, sont plus fragiles également. Dans ces cas-là, il faut consulter dès les premiers symptômes.

Alors, la canneberge, ça marche ?

On l'a beaucoup lu ces dernières années : en cas de cystite, la canneberge serait un remède de grand-mère, un véritable "alicament". Si bien qu'on a vu tout un marché se développer autour de cette petite baie rouge, qu'on trouve aujourd'hui sous des formes diverses et variées : jus, compote, fruits séchés, tisane ou même gélules vendues en pharmacie.

La canneberge contient une molécule, la proanthocyanidine, qui empêcherait la bactérie E. Coli de s'accrocher dans la vessie. Elle contribuerait donc à prévenir l'installation des germes qui causent l'infection urinaire, et pourrait aussi jouer un rôle curatif en aidant à leur élimination. Cependant, il n'y a à ce jour aucune étude probante en ce sens. 

Qui cherche, trouve… ou pas

En 2001, une recherche menée sur 150 femmes a comparé les effets de la prise quotidienne de jus de canneberge concentré et d'une boisson contenant des probiotiques. Il est apparu que pour les femmes qui avaient bu chaque jour 50 ml de jus de canneberge pendant 6 mois, les rechutes étaient moins nombreuses que pour celles à qui on avait administré une boisson aux lactobacilles, ou celles qui faisaient partie du groupe de contrôle.

Il est donc tentant de conclure que la canneberge aide effectivement à se prémunir des cystites. Cependant, l'effet est loin d'être garanti à tous les coups, puisque plusieurs femmes du groupe ont tout de même connu une récidive. À défaut d'être un remède miracle, la canneberge pourrait peut-être, dans le meilleur des cas, avoir un rôle adjuvant dans le traitement et la prévention des infections urinaires… Mais d'autres recherches effectuées par la suite n'ont pas permis de l'établir avec certitude.

La fin d'un mythe ?

En 2016, une nouvelle publication scientifique sur le sujet casse le mythe (1). L'étude portait cette fois sur 185 femmes âgées (86 ans en moyenne) auxquelles des chercheurs de Yale ont donné soit de la canneberge (en jus ou en comprimés), soit un placebo. Il en est ressorti qu'il n'y avait aucune différence statistique entre les deux grou­pes.

Dans le milieu médical, après des années de recherches sans résultats probants, on a donc cessé de recommander la consommation de ce fruit pour le traitement des cystites. La canneberge a un peu perdu de son aura magique. Son pouvoir de protection à l'égard d'E. Coli semble avoir été surévalué. 

Il n'y a pas de risque à essayer

Que conclure de tout cela ? D'un point de vue scientifique, l'effet thérapeutique de la canneberge en cas d'infection urinaire n'a pas pu être prouvé ni clairement expliqué. Mais on observe cependant que pour certaines personnes, il a permis d'éviter des récidives. Comme par ailleurs son innocuité est parfaitement démontrée, rien ne vous empêche donc, si vous souffrez de cystites à répétition, d'essayer pour voir, comme le préconise l'urologue québécois Michel Carmel (2). 

Si vous constatez une amélioration (moins de rechutes) en ce qui vous concerne, n'hésitez pas à y recourir, c'est sans risque. En revanche, si elle ne fait pas ses preuves pour vous, inutile d'en consommer quotidiennement de grandes quantités, que ce soit sous forme de jus ou de capsules. 

Si la cystite se déclare, n'attendez pas trop longtemps, consultez votre médecin. Lui seul pourra évaluer la gravité de l'infection et, si nécessaire, vous prescrire un traitement antibiotique. Car ce qu'ont indiqué les dernières études, c'est que si la canneberge possède d'éventuelles vertus préventives, d'un point de vue curatif en tout cas, elle semble sans effet.

Bonne pour la santé quand même !

Si son efficacité curative dans ce domaine n'est pas avérée, la canneberge reste un aliment naturel riche en vitamine C et en antioxydants en général. Elle est aussi une source de fibres et d'oligoéléments. Attention toutefois dans le cas du jus de canneberge : s'il contient du sucre ajouté, mieux vaut l'éviter (com­me toute boisson sucrée !). De même, la prudence est de mise si vous suivez un traitement (anticoa­gulants par exemple) : vérifiez que la consommation de canneberge est compatible avec vos médicaments.

Comment prévenir ou guérir la cystite ?

Puisque la cystite a une origine bactérienne, une série d'habitudes sont utiles, préventivement déjà, pour préserver l'hygiène de l'appareil urinaire :

  • Ne pas se retenir d’aller à la toilette.
  • Boire suffisamment.
  • Faire attention, pour les femmes, à s’essuyer de l’avant vers l’arrière et non l’inverse. 
  • Éviter les savons trop agressifs au niveau des parties intimes et leur préférer des produits plus neutres (gel sans savon).
  • Penser à vider sa vessie après avoir eu des rapports sexuels (sources évidemment d’échanges bactériologiques).

 

Que faire si l’infection est là ?

  • Boire abondamment et uriner souvent, pour éliminer les germes.
  • Consulter un médecin si les symptômes persistent au-delà de 48h ou si la douleur est trop forte. Un traitement antibiotique pourra être prescrit dans certains cas.
  • Si vous êtes enceinte ou si vous avez une autre pathologie (diabète, leucémie...), consultez d'office. Les personnes âgées et les enfants doivent également voir un médecin dès les premiers symptômes.
  • Si la cystite s’accompagne de fièvre ou d'autres symptômes (vomissements, douleurs lombaires…), c'est peut-être autre chose. Consultez d'office un médecin dans ces cas-là !

Les anglais l'appellent "cranberry"…

Cette petite baie rouge pousse sur un arbrisseau familier des tourbières, principalement en Amérique du Nord et au Canada. C'est l'état du Wisconsin qui en est le plus gros producteur, juste devant le Massachusetts. Aujourd'hui, elle est cultivée de façon intensive.

À l'origine, elle était déjà consommée par les Amérindiens qui s'en servaient à l'état sauvage et lui reconnaissaient des vertus médicinales, notamment contre les infections urinaires mais aussi pour soigner le scorbut (la canneberge est riche en vitamine C). Des médecins allemands ont contribué à la faire connaître en Europe au 19e siècle. Elle est cependant délaissée vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, à l'arrivée des antibiotiques dont l'efficacité pour soigner les infections est très grande… Mais à partir des années 60, l'intérêt pour les propriétés médicinales de la canneberge croît à nouveau.

Des affaires "juteuses"

Proche parente de la myrtille, du bleuet et de l'airelle – d'ailleurs parfois appelée grande airelle d'Amérique du Nord – la canneberge est riche en flavonoïdes, des molécules aux vertus antioxydantes, bénéfiques donc à la santé de nos cellules. Son goût à la fois acidulé et âpre peut ne pas plaire à tout le monde ; dans les années 90, un producteur américain va cependant rendre le jus de canneberge un peu plus populaire, même par-delà l'Atlantique. La canneberge est bien connue également en Russie.

En dehors de la prévention des infections urinaires, certains lui prêtent également des vertus pour soigner et prévenir la gingivite et la parodontite. Prudence cependant, car le sucre en revanche n'est pas bon pour les dents, ni l'acidité, qui attaquent l'émail. Les boissons à base de cranberry ne sont donc pas particulièrement conseillées par les dentistes. Quant aux dentifrices, soies dentaires ou bains de bouche à la canneberge, il n'est pas sûr que la quantité qu'ils contiennent joue véritablement un rôle préventif : il s'agit là plutôt d'arguments marketing.