Médicaments

Patients et soignants : même combat pour un usage correct des antibiotiques 

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Partout dans le monde, le phénomène de résistance des bactéries aux antibiotiques crée de vives inquiétudes. © Pixabay
Partout dans le monde, le phénomène de résistance des bactéries aux antibiotiques crée de vives inquiétudes. © Pixabay
Philippe Lamotte

Philippe Lamotte

Depuis une bonne trentaine d'années, le monde est confronté à un phénomène qui, à certains égards, donne froid dans le dos : la résistance des bactéries aux médicaments antibiotiques. Ces derniers sont censés venir à bout de maladies infectieuses aussi variées que certaines pneumonies, méningites, maladies sexuellement transmissibles, infections urinaires, mais aussi la tuberculose ou le paludisme. La situation est sérieuse.

Si les pays pauvres sont les plus exposés à ce phénomène, les pays riches ne sont pas épargnés, loin s'en faut. Chaque année, 20 à 25.000 ressortissants de l'Union européenne, le plus souvent admis à l'hôpital, meurent alors qu'ils y ont été correctement pris en charge mais... sans résultats faute d'efficacité de ces médicaments. Fin 2015, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a une nouvelle fois tiré la sonnette d'alarme. Avec un ton inhabituellement dramatique, elle n'a pas hésité à brandir la menace d'une ère "post-antibiotique" qui ferait revenir l'humanité à l'époque où la pénicilline – premier antibiotique mis au point dans l'histoire – n'existait pas. Soit avant la Seconde guerre mondiale...

Du poulet à… l'homme

La multiplication à large échelle des élevages industriels est l'une des explications à ce phénomène de résistance. Les animaux y sont en effet traités préventivement aux antibiotiques, via l'alimentation, pour des raisons économiques. À force d'être bombardées de molécules tueuses, les bactéries finissent par "vouloir" se défendre. Elles développent des mécanismes de résistance qui se propagent d'animaux en animaux et, pour certaines souches, jusqu'à l'homme par la voie respiratoire ou la voie alimentaire. Mais l'élevage intensif est loin d'être la seule explication.

La façon de prescrire ces médicaments, tant à l'hôpital qu'en médecine ambulatoire (soit 93 % des doses d'antibiotiques prescrites en Belgique), est loin d'être optimale. Tout comme, d'ailleurs, l'attitude des patients face à leur médecin.

"Certains médecins, soucieux de ne pas passer à côté d'une maladie grave chez leur patient, prescrivent trop ou trop vite selon une sorte de réflexe "parapluie", fait remarquer le Docteur Anne Simon, microbiologiste et médecin hygiéniste aux cliniques universitaires Saint-Luc (UCL) et Vice-présidente de la Commission belge de coordination de la politique antibiotique (Babcoc). Mais leur responsabilité est partagée avec les patients. Il y a, notamment, un problème particulièrement aigu chez les parents. Ils ont souvent l'impression que la maladie de leur jeune enfant n'est pas bien prise en considération si, à l'issue de la consultation, leur pédiatre ou leur généraliste n'a prescrit aucun antibiotique. Or, le plus souvent (dans la plupart des maladies bénignes – lire l'article ci-dessous), cette non-prescription automatique est une attitude tout à fait indiquée et respectable".

Des bactéries "intelligentes"

Le Dr Simon reconnaît toutefois la complexité du problème. Que prévoit la société, en effet, pour les parents qui ne disposent pas de solutions de garde temporaire pour leurs enfants malades et qui, dans un contexte de pression croissante sur le travail, ne peuvent se permettre d'être absents au boulot ? Elle cite, également, deux autres explications au phénomène de résistance aux antibiotiques. Primo, l'augmentation explosive de la mobilité mondiale, qui favorise et accélère la transmission à large échelle des mécanismes de résistance chez l'homme. Secundo, le désengagement des firmes pharmaceutiques en matière de recherche.

"Les bactéries sont tellement rapides et "habiles" pour trouver des parades aux médicaments qu'à peine un nouvel antibiotique prometteur est-il mis au point et commercialisé, que déjà de nouvelles souches résistantes à cet antibiotique apparaissent, rendant caduque toute perspective de rentabilisation de la recherche engagée. C'est décourageant !"

La Belgique exposée

La résistance aux antibiotiques, en Belgique, reste encore partiellement sous contrôle. Mais l'inquiétude est très vive dans notre pays. En effet, malgré une tendance récente à une baisse de la consommation suite à de réels efforts dans tous les secteurs (1), les quantités prescrites figurent parmi les plus élevées d'Europe.

"Malgré quelques succès engrangés ces dernières années, notamment contre le staphylocoque doré, la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques s'intensifie. On le voit, notamment, chez des bactéries bien spécifiques du tube digestif, ce qui rend bien plus complexe toute tentative de "décolonisation" du patient. La communauté médicale se sent impuissante. Il est impératif d'accentuer les efforts pour diminuer l'incidence des souches déjà connues, mais aussi pour prévenir l'apparition de nouvelles souches. C'est l'affaire de tous, autant de la collectivité que de chaque individu".


Les antibiotiques sont moins bien remboursés depuis mai 2017

Depuis le 1er mai 2017, les antibiotiques sont passés de la catégorie B à la catégorie C de remboursement par l'assurance obligatoire. Il se trouvent donc parmi les médicaments destinés au traitement symptomatique. Ils étaient remboursés à 75% et même à 85% pour les bénéficiaires de l'intervention majorée (Bim) et sont donc remboursés dorénavant à 50% pour tous les assurés (1).

Le gouvernement fédéral a justifié cette mesure par la nécessité de limiter la surconsommation d'antibiotiques. Pour la MC, ce n'est pas aux patients à payer plus cher ces médicaments qui ne sont d'ailleurs pas en vente libre en pharmacie. Car ce sont les médecins qui prescrivent les antibiotiques et devraient dès lors être responsabilisés financièrement.